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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 15:59

Chapitre IV :

Les premières pensées de Gorth furent pour ses compagnons de voyage qu’il avait vu mourir devant ses yeux sans qu’il puisse faire un seul geste. Il se demandait à quelle destinée le conviait Tamal’hik. Devrait-il repartir en quête de ses amis, Arangadir, Arban, Hirjile, Rebus ? Tous venaient de peuples différents de croyances différentes et les vélins découverts par Hirjile laissait penser, par les quelques heures d’études, que ceux qui les avait écrits étaient aussi hétéroclites qu’eux. Le talisman maintenant ancré dans ses chairs est sans doute une de ces clefs pour l’ailleurs : autre lieu, autre temps. Il devait exister bien d’autres pierres de pouvoir que celle bien gardées par mon peuple. Il était alors possible, qu’ainsi chacun des peuples représentés ses amis avait ce genre de portes sacrées.

C’est Arangadir de Ploie, qu’il avait rencontré en premier avec deux autres personnes qui n’avaient pas eu la chance de survivre à la tempête « magique » du désert, Gur’al de la presqu’il de Thur et Canonis le Guelte. Etant revenu dans le passé, il lui serait peut-être possible en agissant de la même manière de les protéger, même si cela voulait dire revoir le visage de leur meurtrier, ce Kiet’al qui avait bien des connaissances, magiques en tout cas. En suivant l’histoire normal, il devrait pouvoir revoir Hirjile l’historien qui pourrait bien l’aiguiller sur ses hypothèses, puis Rebus au camp de l’empereur, et enfin le chevalier Arban d’Orignal le bienheureux. Mais était-ce le bon choix ?

Il demandait aux infirmiers où étaient ses affaires. Il fut surpris de les retrouver, outre le vieil uniforme qu’ils lui avaient déjà donné à l’époque, il retrouvait le jeu de runes qu’il avait taillé au camp de fouilles.

            « Tu te souviens de ce qu’il s’est passé ? lui demanda Darrault, l’infirmier

            _ Pas la moindre chose, j’étais dans une formation d’éclaireur. Je me souviens, il y a eu une tempête de sable très violente, je ne sais pas ce qu’il s’est passé… mentit-il.

            _ Ce n’est pas la première fois que ce genre de chose arrive, pour une fois, on a retrouvé quelqu’un et quelqu’un de vivant. Ce désert est une plaie, à part les échos des batailles, nous n’en savons guère plus. Les gens disparaissent. Et puis comme pour compenser, une nouvelle clique de bleus vient équilibrer la population du camp. Je vais te dire de toi à moi, que je me sens presque chanceux à ne pas devoir jouer le mariole dans le désert.

            _ Je vais tâcher de retrouver quelques compagnons maintenant.

            _ Tu fais bien, j’espère que tu auras un peu de répit avant ta nouvelle affectation. »

Retrouvé avec son uniforme, il avait tout de suite été affilié à l’armée de l’empereur sans plus de questions. Il pourrait agir plus librement, peut être… Il se souvenait qu’Hirjile, leur avait parlé d’un prévoyant, une sorte de personne dont le pouvoir était de ressentir celui des autres.  C’est par lui qu’ils avaient été sélectionnés pour aller au camp de fouilles.

Peut être qu’un lancé de runes éclairerait sa situation. Il trouva un endroit entre deux tentes, à l’abri des regards, qui n’avait pas servi non plus de dépotoir ou de latrines, ils étaient bien rares. Il traça un cercle par la pointe de sa botte. Pris ses pierres et les lança  à la hauteur de ces yeux. Trois restèrent dans le cercle dessinant un triangle isocèle, la quatrième resta à la frontière dessinant un autre triangle isocèle. Ce qui était dans le cercle était la vie, l’en-dehors, la mort. La frontière était tout ce que nous percevions lors d’un battement de cil, toujours aux extrémités de notre champ visuel, ce monde de la magie. Il s’agissait aussi de tout le possible, tout le potentiel, chaque action réalisant une partie des désirs et des rêves, rendant l’autre partie comme morte. La frontière, c’était ça aussi, ce monde des rêves.

Avoir une rune à la frontière pouvait tout autant désigner la présence d’une personne en devenir. Gorth se doutait qu’il ne pouvait s’agir que de cette femme qui rayonnait encore par sa présence en son esprit. Les trois autres runes étaient sans doute moins des personnes que des situations. L’axe séparant ces deux triangles appelaient un choix. Aller vers le haut et peut être revoir cette femme. Où aller vers le bas et retrouver son propre temps. Continuer cette quête insensée ou bien le salut dans l’oubli… Ce choix n’en était pas un. Il avait beau être propulsé dans ce nouveau siècle au cœur de conflits improbables, sa voie était celle du guerrier qu’il avait appris à être. Il continuerait sa route. En ramassant ses runes, il se fit appeler par un guerrier qu’il reconnut bien qu’il ne l’est vu que peu de temps. Albur, le compagnon de tente de Kiet’al, le Faucon et de Hurle, le disparu. Ils n’avaient pas mis beaucoup de temps à le retrouver.    

« Et toi, on te demande à la tente du lieutenant. C’est la tente à droite après trois intersections. » Le supérieur était Julieu Farth, un homme émacié autant physiquement que lorsqu’il s’adressait à ses sous-fifres. Il savait être d’un miel fort sucré pour ses supérieurs et s’attirer ainsi quelques privilèges à la foi d’initiative ou simplement de confort. Gorth se présenta donc. Il n’avait guère le choix, le regard acéré d’Albur semblait lui perçer littéralement la nuque. Un garde à la porte lui demanda de patienter. Le lieutenant était en réunion. Une heure plus tard environ, et bien que personne sortit de la tente, il l’invita à entrer et entra à peine le seuil franchi dans le vif du sujet

« Nous te suivons depuis que tu es arrivé au camp… Il y a quelque chose en toi que nous ne savons définir avec exactitude. En tout cas, tu vaux bien mieux que la grande majorité des gens ici. Tu pourrais très vite prendre du galon dans quelque mission secrète…Il y a du danger, bien sur mais à voir ta carrure, on voit tout de suite que tu n’es pas un bleu. Qui tu es ou étais, ce que tu as fait n’ont aucune importance ici. C’est ce que tu vas faire pour nous à partir de maintenant qui compte. Le lieutenant se promenait de long en large sans daigner un seul regard à Gorth pendant qu’il parlait de sa voix, légèrement sifflante.

_ Bien, dit calmement Gorth afin d’amener le lieutenant à quelques confidences plus précises

_ Bien sur, il y aura davantage de danger que lors d’une simple garde au camp. Il s’agit tout simplement d’une troupe d’éclaireur vers un camp avancé dans le désert. Quelques rapports montrent en effet une activité d’ordre magique hors du commun. Julieu se tourna d’un geste vers lui, le regard plongé dans celui de Gorth, interrogatif de la réponse.

_ Quand dois-je partir ? Demanda Gorth voyant la chance de rejoindre Hirjile, s’il s’agissait du même camp bien sur…

_ Le plus tôt possible, nous attendions ta sortie de l’infirmerie pour te missionner. Il y aura avec toi, quelques personnes dévolues à la cause. Nous nous doutons que tu as des compagnons avec qui tu souhaiterais partir. Mais cette mission ne doit pas servir les ragots des soldats. Le moral n’est déjà pas très bon comme tu l’as sans doute remarqué. »

Cette dernière annonce plus humaine était surprenante et ne convenait pas au caractère bien compris par son entourage. Gorth se doutait déjà que Kiet’al le faucon serait de la partie. Son amulette bien que physiquement dissimulée en ses chairs devait sans doute avoir une quelconque émanation magique suffisamment particulière pour être remarquée.

Ils partirent donc dans la foulée. Au sortir de la tente, ses compagnons, Kiet’al et deux autres soldats de la Dualité, l’attendaient déjà chargé d’un paquetage et d’un supplémentaire pour lui-même.  Ils partirent vers la fin de l’après-midi, le temps était propice à une bonne marche : les organismes étant au fort de leur forme. Une bonne nuit de sommeil les attendaient afin de rejoindre le camp dont Hirjile dirigeait les fouilles vers la fin de matinée si tout se passait bien. Gorth se rendit compte qu’ils y arriveraient avec un jour d’avance par rapport à la dernière fois.

Environ une heure de marche avant le camp. Kiet’al tint ce discours.

 « Bon, les gars, on est pas là pour se tourner les pouces. On vous a vendu une mission d’éclaireur. C’est plutôt une sorte d’épuration, de tri, si vous voulez, que nous allons lancer. Nous forçons personne. Si vous ne voulez pas en faire parti. Ce n’est pas un problème, il est libre de rentrer au camp. Des dispositions sont prises spécialement pour que vous n’ayez pas à souffrir d’un quelconque déshonneur. Des désistements avant que je continue ? Kiet’al attendit une dizaine de seconde avant de continuer. Personne ne voulait rentrer seul au camp traversant une autre journée de marche en plein désert. De plus, les réserves d’eau avait été calculé au plus juste de manière à les remplir une fois le camp atteint.

Bien, reprit le Faucon, voilà ce qu’il en est exactement. Nous cherchons des résistances magiques naturelles. Pour cela, sous le couvert d’un enchantement de mon jus, nous lancerons une tempête magique plutôt spéciale car quiconque n’aura pas de protection adéquat périra en moins d’une seconde comme carbonisé. J’ai besoin de vous pour placer des charges aux quatre coins du camp. Se faisant, il s’accroupit afin de dessiner  avec le doigt, le plan de bataille ; même s’il ne s’agit pas réellement d’une bataille…désignant l’emplacement des tentes, et surtout l’endroit où nous nous posterons pour lancer l’attaque qui devra être très coordonnée. Nous ne devons pas nous faire remarquer par qui que ce soit. Pour se faire, nous attaquerons en pleine nuit. Il n’y a guère que quelques sentinelles pour en assurer la protection. Quelques charmes mineurs de confusion, garantira une certaine invisibilité. Cela ne veut pas dire que vous serez invisibles, seulement que les personnes oublieront aussitôt vous avoir vu même si vous restez en face d’eux. Cela dit, le charme fatiguera très vite. Je vous conseille de pas vouloir la jouer trop téméraire. Un pauv’ gars, Hirjile, est en charge ici. Hormis l’explosion du camp, Hirjile doit pouvoir rester en vie. Il a des instructions pour ce genre de situations prévues spécialement à cet effet. Vous avez des questions ? Demanda-t-il.

_ Quand aura lieu l’attaque ? Demanda un des soldats ?

_ Dans la nuit de demain. Un groupe devrait arriver dans la journée. Nous surveillerons le camp de derrière cette dune. Kiet’al désigna une dune placé derrière le camp. Nous allons le contourner et camperons pour la nuit. »

Ils attendirent. Le lendemain vers la fin de matinée, un groupe de cinq personnes arriva. Il devait y avoir : Arangadir, qui perdrait un œil, Gur’al de Thur et  Canonis le Guelte qui mourraient si rien n’était fait pour les prévenir...mais comment faire sans que sa propre vie ne soit pas en danger? Ils attendirent encore. C’est vers le milieu de la nuit que Kiet’al leur donna leurs charmes, les dernières instructions et surtout les mystérieux explosifs. Tout s’était déjà passé une fois…Il était néanmoins de l’autre coté du mystère. Ce que croyait Hirjile n’était encore qu’une fable de l’empereur. Gorth commençait à se demander si menteur n’était pas le terme le plus approprié pour désigner ce demi-dieu comme il aimait se faire désigner. Ils se lancèrent dans la nuit vers le camp pauvrement éclairé par un seul feu dévalant la pente sans prendre garde où ils mettaient les pieds. A l’approche de la première tente, ils se séparèrent pour disposer les charges. Ils auraient alors quelques dizaines de secondes pour fuir et se regrouper autour de Kiet’al qui porte un charme de protection supérieur. L’ignorance de Kiet’al au sujet de Gorth est sa meilleure protection bien que venant de Kiet’al, il faut s’attendre à tout. Gorth ne rencontrait personne. Il avait décidé de gagner directement la tente d’Arangadir. Peut être que son amulette le protégerait également s’il était suffisamment proche de lui… A moins de retrouver rapidement son bivouac, il n’aurait pas le temps de lui expliquer. Traversant le camp, il vit un furtif combat entre un des soldats de Kiet’al et un de faction à la périphérie du camp…Il trouva Canonis et Gur’al dans une tente  à l’autre extrémité du camp, là où il aurait du poser sa propre charge. Il les réveilla sans ménagement leur intimant d’aller trouver Arangadir et de se protéger par un sceau dont il avait connaissance. Ils réagirent très rapidement, soit par le ton impérieux de sa voix et la connaissance parcellaire du corps de l’expédition, soit parce qu’ils le prenaient pour un autre. Alors qu’il quittait leur tente, une première explosion de l’autre coté survint. Il savait que dix secondes plus tard, il ne resterait que des os noircis au milieu de cendres et de quelques pierres fondues. Il s’éloigna le plus possible du camp, il n’eut guère le temps que de parcourir quelques dizaines de mètres, ses pieds s’enfonçant dans le sable jusqu’à la cheville. Il se retourna alors pour voir l’explosion du à la seule qui avait du être posée. Il n’y avait rien de commun avec ce qu’il en avait entendu lors des veillées avec les marchands du village. Il y eut d’abord comme une boule rouge partie du centre du camp qui s’étendit en un disque sur tout son diamètre. Toute l’énergie semblait se concentrer à la périphérie, si bien, que ce ne fut qu’un anneau et finalement qu’un cercle sans épaisseur disparissant dans la nuit. Laissant sur la rétine, un halo lumineux rouge pointillé de blanc. Avec cette explosion lumineuse, un bruit sourd enveloppa ses oreilles, ressemblant à quelque chant shamanique. Mais au fur et à mesure de la progression du souffle, le son devenait de plus en plus aigu, suivant une modulation très précise. Tout cela n’avait duré qu’un bref instant.

Que faire ? Il est possible que Kiet’al soit au camp jouant les protecteurs, vérifiant que nous soyons tous morts, les deux soldats et moi. Je ne le vois pas avoir confiance en qui que ce soit. Dans ce cas, Gur’al et Canonis et par conséquent Arangadir aurait une histoire quelque peu troublante à lui raconter. Ou bien il restait loin pour observer qui avait survécu, et comprendre pourquoi des trois charges, une seule avait réellement fonctionnée. La première explosion devait heureusement être un raté…

Gorth attendit un peu tapis dans l’ombre en retrait du camp et observer de même. Il vit Hirjile sortit tremblant de sa tente. Arangadir accompagné de deux personnes et bien qu’il ne put distinguer leurs visages, il se doutait bien qu’il s’agissait de Gur’al et Canonis. Kiet’al restait absent. Il pouvait être parti pour le camp de l’empereur annoncé la nouvelle ou ce qui lui ressemblait bien davantage, attendre que nous nous y présentions pour mieux nous cueillir. Hirjile devrait réagir comme la première fois.

Gorth décida, d’avancer vers le camp de l’empereur, il avait un chameau à retrouver, et il devait également permettre à Rebus de se sortir de ses griffes. Il ne parviendrait à rien seul, mais mieux valait avoir de l’avance et tenter de rentrer au camp avec eux que connaître le risque de rencontrer Kiet’al. Il partit donc la nuit même et les attendrait dès que la pointe du jour se lèvera. 

 

 

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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 23:09

La nuit avait été vide et le rêve, creux. Le commandant n’avait pas aussi bien dormi depuis qu’ils avaient commencé à assiéger le  bastion du Grand’Alne. C’était la clef qui ouvrirait à l’empereur, de nouvelles richesses et de nouvelles terres. Le fortin avait été bâtit sur le lit d’un ancien fleuve, il défendait une passe entre deux massifs montagneux, bloquant définitivement cette voix d’accès. Le pays était prenable par la voie des mers mais les problèmes logistiques étaient quasi  insurmontables. Ces murs défais signifierait automatiquement la chute de l’état. Après tant de mois de préparatifs, une stratégie avait pu voir le jour. En effet, le travail de sape y était rendu impossible tant la pente était douce et constituée d’une très bonne épaisseur d’éboulis. Attaquer par les cotés en creusant des tunnels avait été également envisagé mais les faces de la montagne étaient en ce granit que seul la force du temps pouvait faire éclater.  Lancer les hommes dans un assaut massif aurait été suicidaire même si ils étaient de ces frénétiques qui ne redoutaient rien. La solution de la rampe communément proposée lors des sièges aurait demandé des années de travail de terrassement. De plus, arrivés au fait de la muraille, ils auraient découvert une grande fosse difficilement franchissable sauf par un travail supplémentaire de terrassement encore. Tout cela sous les tirs aisés des multiples meurtrières qui sertissaient ce mur. En son sein, derrière le pont-levis immense relevé, une lourde porte bardée de fer surmontée d’une herse en acier. Si le bois pourrait peut être souffrir de projectiles enduits de poix, il en serait tout autrement pour le métal. Les murs étaient épais et les passages étroits, ils perdraient grand nombre d’hommes rien que pour passer ces portes, car il ne pourrait être guère plus que deux de front. 

 Pour le commandant, la solution viendrait d’armes de sièges à très longue portée mais les catapultes n’étaient pas suffisamment puissantes. Il aurait fallut les surélever d’au moins deux dizaine de mètre pour pallier à ce manque. Surtout, ce qu’ils auraient gagné en puissance serait perdu en cadence de tir du fait du ravitaillement en pierres pesant entre cinq et huit hommes en haut de la structure. La solution avait germé dans la tête de l’ingénieur en chef. Partant du principe qu’un homme moyen seul ne pouvait guère envoyé une pierre de la taille de son poing à plus de trente mètres mais qu’à l’aide d’une fronde, il parvenait à l’envoyer à plus d’une cinquantaine. Il suffirait de réaliser ce même travail avec force de contrepoids propulsant un bras articulé en deux bouts permettant un décuplement de force. Ainsi, quelques prototypes à taille humaine furent vite mis en place. Une pierre d’une cinquantaine de kilogrammes parvenait à être propulsée à une trentaine de mètre. Des structures plus grandes furent alors construites. Le bras appelé verge était la pièce maitresse. Sa longueur et sa relative flexibilité garantissait une portée exceptionnelle.  Il fallut trouver le bois adéquat qui ne se brisait pas sous la force qui semblait être surhumaine. La solution résida à transmettre cette force dans le panier portant la charge par une articulation réalisée par un faisceau de fibre souple et résistant. Venait alors un autre problème, la force de recul était gigantesque faisant parfois giter l’ensemble parfois seulement d’avant en arrière mais parfois même sur les cotés. Un système de roues posé au socle donnait un équilibre mais augmentait sa distance de recul. La solution fut trouvée dans le guidage du contrepoids qui au lieu d’avoir un mouvement de balancier suivrait une rigole verticale. Le résultat était magnifique à voir. Non seulement le recul était quasi inexistant ce qui améliorerait la visée mais ils avaient également gagné en puissance. Une pierre pesant huit hommes environ pouvait être envoyé à plus de trois cent mètres à coups surs. Les archers longs ennemis placés sur le mur d’enceinte pouvaient les tirer à environ deux cent vingt mètres. Le vent serait cependant critique lors des échanges de tirs. Les archers ennemis auraient en plus l’avantage de la pente ne permettant pas une riposte aisée de la part des leurs.

                Désormais, ils étaient prêts à lancer les hostilités. Ce siège n’était pas habituel car ils leur étaient impossibles de couper court à tout ravitaillement. Le commandant avait envoyé des escouades réduites pour à la fois espionner et si l’occasion se présentait lancer des attaques éclairs sur les caravanes peu gardées pour tenter de limiter voir d’empoisonner les ressources qui y parvenaient.  Jusqu’à présent, les informations recueillies n’étaient guère optimistes, car si les escouades restaient insoupçonnées à l’arrière du bastion, elles restaient surtout inopérantes tant les caravanes étaient protégées.

«  Chef ingénieur, vous remonterez le trébuchet dès que la nuit sera tombée pour que l’on commence à attaquer le mur. Ils ne doivent pas suspecter ce que nous faisons. Vous le camouflerez en tour dès que le jour poindra.

_ Ce sera beaucoup d’effort…

_ Cela en vaudra la peine. Ne sous-estimons pas l’ennemi. Nous n’avons aucune information sur ce qu’ils ont en réserve Une fois le premier mur tombé, nous pourrons nous avancer et utiliser la poix.

_ Nous travaillerons à l’aveugle alors…

_ Nous ne serons pas les seuls ainsi et vous saurez bien régler la distance après les essais réalisés.

_ Très bien commandant chef.

_ Fait entrer les officiers de fantassins et d’archers, je dois les briffer. »

Toute la journée se succéda ainsi pour mettre en place les différentes stratégies, pour faire face à tout ce que les assiégés pourraient tenter, qu’il s’agisse d’informations certifiées ou de purs hypothèses. Les quelques magies élémentaires ne feraient souffrir que l’équipement et pas les hommes a priori. Bien que les disciples de la Redoute fussent incapables d’utiliser la magie offensive, ils étaient, de part leur initiation, immunisés contre elle.

Le soir venu, les ingénieurs avait mis en place à plat les différents morceaux de la structure du trébuchet pour qu’en moins d’une heure, ce dernier fut monté et prêt à lancer. La première roche fut lancée dans le noir de la nuit.  Le ciel était nuageux, ce qui jouait en leur faveur, les dissimulant tout à fait.  Le bruit de l’impact fut impressionnant. Et bien qu’il fut difficile de savoir qu’elle en avait été les conséquences, les hurlements des hommes les convainquit d’avoir fait mouche.  Le rythme du trébuchet semblait imperturbable. Lorsque la pierre semblait se perdre, ils tiraient alors plus bas ou bien s’orientait sur un angle légèrement différent. Le commandant avait hâte que le soleil se lève pour contempler les dégâts. Quelques tirs de barrages de flèches enflammées furent tentés à leur encontre mais sans grand mal.  Ils n’éclairèrent que peu leurs positions exactes. Les fantassins s’étaient munis de seaux ou d’outres remplis à la rivière afin d’en étouffer les flammes. A la fin de la nuit, trente et une pierres avaient été lancées. Vingt-trois avaient laissé des bruits d’impacts mêlés de cris. Les ingénieurs montèrent des pans de bois autour du trébuchet donnant l’illusion qu’il s’agissait d’une tour d’assaut.

Le jour se leva sur un champ de bataille  uniforme et lisse devant un mur qui ne l’était pas moins… C’était comme si rien ne s’était passé. Les pierres d’environ trois cents kilogrammes chacune étaient comme rangés devant le mur, comme si quelqu’un possédant une force surhumaine les avaient mises là. Où était l’illusion ? Dans le fait d’avoir cru détruit le mur ou dans celui de croire qu’il était toujours vaillant ? Le commandant décida d’envoyer une chenille d’hommes à la rencontre du mur. On avait donné ce nom à cette technique constituant à mettre à couvert une colonne d’hommes pour qu’ils ne craignent pas les attaques à distance. Ils se caparaçonnaient derrière d’épais boucliers carrés en bois. Cette colonne permettait une assez bonne mobilité mais n’était bonne qu’à la reconnaissance, elle était bien incapable d’attaquer efficacement. La première chenille tomba dans un piège. Le terrain avait été creusé de-ci de-là rendant malaisé tout déplacement en ligne droite. Il fallait sans cesse louvoyer. Un homme glissa stupidement, ouvrant une brèche dans la carapace de boucliers, brèche qui fut vite comblée de flèches ennemies. La chenille mourut avant même d’avoir franchi la moitié de la distance les séparant du mur. Une deuxième fut aussitôt envoyée, plus prudente que la précédente, elle se rendit jusqu’à une cinquantaine de mètre avant de disparaître complètement comme avalé par un brouillard alors … qu’il n’y a pas de brouillard, comme si il s’agissait d’un mur d’eau, quelques rides en perturbaient la surface lorsque les hommes eurent traversé. Quelques minutes suivirent dans un silence complet. Le commandant regardait à l’aide de sa longue vue ce qu’il en était. Il vit alors ressortir un homme hurlant de peur, complètement déboussolé qui courut quelques dizaine de mètres avant de mourir par une flèche perçant sa gorge de part en part. Cette flèche ne pouvait avoir été tirée que du sol. Il était impossible de tuer un homme de cet angle du haut d’un mur. Il y avait bien un écran d’illusion leur dissimulant la réalité. Comment percer ce mur bien plus dangereux que celui de pierre puisque indestructible ?

Il décida alors d’utiliser un des trébuchets secondaires pour voir de visu ce qu’il advenait du projectile une fois arrivé dans l’aire des cinquante mètres du mur environ là où était si soigneusement alignés celles lancées pendant la nuit. La pierre arriva sur le mur avec une belle allure puis fut brusquement stoppée à cette frontière. Elle glissa le long de ce mur invisible et se posa doucement sans un bruit sur le sol. Le commandant et ses conseillers se réunirent. Ils avaient bien pensé à ce qu’ils pourraient affronter mais cette magie semblait inaltérable. Pour l’instant, il semblait que ce mur d’air retenait l’inorganique  mais laissait passer les créatures vivantes. En effet, les oiseaux traversaient ce mur sans soucis. Au bout d’une semaine de tentatives vaines, ils essayèrent différents mélanges organiques, excréments, poils, sang qui enduiraient les projectiles pour tenter de les rendre indétectables. Si cette méthode fonctionnait, la cadence des tirs s’en trouverait réduite à un cinquième. Le siège allait donc durer bien plus longtemps que prévu. Les hommes étaient trop nombreux. Des bagarres causées par l’ennui et l’inaction commençaient à éclater.

 Le commandant se doutait néanmoins de quelque chose d’autres. Car si le mur semblait bloquer l’inorganique, le minéral, quant n’était-il de la flèche qui avait traversé cet espace dans l’autre sens. Fonctionnait-il seulement dans une direction ? De plus, les portes étaient restées fermées, il n’avait pas vu l’homme qui avait tiré qui ne pouvait se trouver que dans le même plan que sa cible à quelque chose près. La conclusion était édifiante, le mur n’existait pas et peut être même n’avait-il jamais existé. Des illusions sonores et visuelles les avaient tous floués.  La confirmation vint quelques jours plus tard après, par le retour de sa meilleure chef des services d’infiltration et par d’autres échecs qui confirmaient sa thèse. Ils entendaient toujours les fracas des pierres et les hurlements des ennemis pour découvrir qu’aucun dommage n’avait été causé mais cette fois, même si les pierres ne s’amassaient plus devant eux.

«  Mon commandant, au rapport.

_ Chef espionne, j’en suis ravi que vous soyez saine et sauve, c’est déjà une bonne nouvelle en soi. Racontez moi ce que vous avez vu et fait

_ Nous n’avons pu nous infiltrer, leur méfiance est grande envers tout les étrangers. Il aurait fallut  patienter une dizaine d’années avant de pouvoir s’enrôler dans l’armée. C’est ainsi qu’ils procèdent depuis la grande guerre qui avait faillit leur coûter leur indépendance, il y a plus d’un siècle maintenant.

_ Alors ?

_ Nous avons pu néanmoins pu passer par derrière en suivant un chemin difficilement praticable. Il tient plus de l’escalade que du chemin d’ailleurs. Nous avons perdu un membre de l’équipe à cause de cette difficulté. Nous avons pu avoir une vue plus nette et bien différente que celle à laquelle nous nous attendions.

_ Le mur ?

_ Le mur que nous voyons dans le camp n’existe pas de l’autre coté.

_ Rah je m’en doutais, voilà quelques jours que je n’ai plus aucun doute. Que de temps perdu. Et leur nombre ?

_ Leur armée est bien fournie, essentiellement composée d’archers longs et de cavalerie lourde. Ils ont quelques machines de guerre du type baliste surtout.

_ Ravitaillement ?

_ Intouchable, j’en ai peur. En plus des sentinelles présentes tout les cinq cent mètres environ. C’est une compagnie entière qui accompagne à l’aller comme au retour chaque trajet.

_ As-tu pu entendre quelques rumeurs, leur état d’esprit, quelque chose qui pourrait nous être utile ?

_ Ils ont la foi d’être dans le vrai. Ils ne comprennent par où est leur faute. Ils ne voient que barbarisme aveugle ou sauvagerie sans-nom. Ils ne se moquent pas pour autant de notre foi. Durant ces trois mois à leur coté, j’avoue que même en temps de guerre, leur joie de vivre  m’a touché, d’autant plus que… tu m’as manqué… Sheitan… dit-elle en rougissant

_ Ma douce Heila, tu sais que nous n’avons pas le droit à notre individualité. C’était une erreur de nous donner des prénoms. Nous nous y sommes attachés maintenant. Nous nous aimions suffisamment comme ça sans gâcher notre seule protection.

_ J’aime le nom que tu m’as donné, n’aimes tu pas celui que j’ai choisi pour toi Sheitan, dit-elle en chuchotant son prénom au creux de son oreille

_ Heila, répondit-il de la même manière. Tu sais bien que je ne cesse de penser à toi, trop souvent pour le commandant que je suis. »

 Ce faisant, il mit dans un geste rapide sa main droite au creux des jambes de Heila tandis que l’autre se saisit à sa nuque l’emmenant vers lui. Heila laissa échapper un petit cri vite étouffé par les lèvres de Sheitan. Il continuait à la caresser tout en l’embrassant tandis que Heila s’occupait fébrilement à défaire les entrecroisements de sa simple tunique pour caresser sa poitrine puissante, légèrement velue. Brusquement, il cessa, la repoussant en arrière.

« Attends-moi là, et ne dit rien » Il partit de la tente, Heila l’entendit donner quelques ordres puis revint. « Nous serons plus tranquilles maintenant » annonça t-il un sourire aux lèvres.

Heila était arrivé dans sa vie comme un caillou dans une mare, dérangeant tout ce qu’il avait appris, tout ce qu’il ne remettait plus en cause, sa foi, sa façon de vivre, ce pour quoi il avait été préparé. Il s’était rendu compte qu’il régnait en fait une grande confusion, les désirs inscrits en lui n’étaient pas ceux qu’il voulait écrire en lui.  Il trouvait de la beauté partout, à travers l’horreur des combats, des corps démembrés, des ventres ouverts sur des cascades sanguinolentes d’intestins, sur l’odeur de pourriture qui se soulevait des blessés qui voulaient encore combattre pour leur cause, pour l’avilissement des Redoutés partis piller, violer, torturer les hérétiques. Ses instructeurs s’étaient bien servis de ce penchant pour le faire devenir un bourreau au cœur pur à l’esprit entièrement tourné par la voix de l’empereur, quelqu’un d’imprenable, d’indomptable aussi. Il était alors craint de tous, puissant parmi les puissants. C’est en levant les yeux vers le soleil à son coucher, la lune pleine au milieu des étoiles innombrables, les fleurs des prés relevés la tête après une fine pluie de printemps, qu’il avait perçu une perversion dans son sens de la beauté. Les flaques d’eau dans lesquelles se reflétaient sont visages étaient bien plus belles que celles de sang  répandu par l’ennemi tombé. C’est sur ce fait qu’Heila était arrivé pour se présenté à sa nouvelle affectation. En dépit de ses seize ans, il émanait d’elle une pureté, une sagesse quelque chose d’inaltérable aussi mais digne du divin. D’abord espionne, elle avait vite grimpé les échelons pour en devenir l’officier principal.  Ses techniques d’investigations  étaient toutes plus subtiles les unes que les autres. Elle n’avait jamais fait couler le sang.  Elle respectait la vie dans son tout et pourtant elle devrait avoir cette fougue barbare à la vue des hérétiques. Sheitan avait été alors attiré. Quelques années plus tard à travers les batailles et les épreuves, ils firent l’un vers l’autre qu’aucun ne regretta par la suite. Ils se montrèrent leur amour autrement que par de simples observations voilées. Autour d’une carte, ils s’effleuraient, dansant l’un autour de l’autre, faisant sentir leur souffle par derrière l’autre. Toujours en silence… La veille d’une grande bataille, la chef espionne était venue le voir et s’était exprimée ainsi.

« Chef commandant, j’ai dans le corps la peur qu’il ne vous arrive du mal, et même la mort. Je ne devrai pas vous montrer mes doutes en vos valeurs mais je ne veux pas vous voir disparaître. Je ne devrai même pas vouloir, seulement obéir…Si vous deviez ne pas revenir, je voudrai me souvenir de vous, de ce que vous êtes, de ce que nul autre ne pourrait remplacer. J’aimerai vous donner un nom, un nom juste pour moi que je pourrai murmurer dans mon sommeil pour m’endormir, un nom que je pourrai tenir proche de mon cœur, un nom qui orientera mon avenir. »

C’était pure folie de s’adresser ainsi, tout autre commandant chef l’aurait tué sans tergiverser davantage, mais ce mélange de volonté, de reconnaissance que l’autre a son individualité qui peut être aimé pour elle, de souvenir et de futur lié, abattit les derniers remparts de sa foi du Redoute.

« Je devrai te tuer… il respira longuement avant de poursuivre. Une larme glissa sur sa joue.

Mais… je ne peux que t’aimer en retour et voudrait donner un nom à celle qui veut me nommer.  Un nom pour me lier à toi, en secret… Nous perdrons ce que nous ennemis nous envie, notre protection. Nous gagnerons aussi à vivre plus libres même si assujettis à un nom nous serons. 

                _ J’aimerai t’appeler Sheitan

                _ J’aimerai m’appeler Sheitan, cela me plaît. J’aimerai t’appeler Heila

                _ J’aimerai m’appeler Heila, cela me plaît. »

Ils scellèrent leur amour par un baiser avant de glisser dans les merveilles des sens où ils fusionnent sous les caresses et les souffles chauds venus des cœurs. Ils devinrent très vite ivres l’un de l’autre. Ils apprirent très vite la discipline qui leur vaudrait leur survie au camp. Voilà quelques années qu’il en était ainsi, qu’ils prononçaient le prénom de l’autre à couvert ou en esprit. Quand Sheitan levait les yeux vers le ciel en prononçant son prénom, il savait qu’Heila faisait de même et réciproquement. Il était peut être idiot d’y voir une utopie si mièvre et creuse mais c’est ce qui lui donnait la force de continuer à couvert. Qu’un jour, ils pourraient fuir pour bâtir leur rêve.

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28 septembre 2009 1 28 /09 /septembre /2009 16:20

Chapitre III - La forêt

 

Il était frappant à l’approche de cette forêt gigantesque d’être dominé par autre chose que le vent du désert et un soleil torride. Ces arbres dressaient une frontière qui paraissait au premier regard infranchissable. A part Gorth, personne ne semblait avoir vu des arbres d’un âge millénaire. De grands lianes pendaient jusqu’au sol. Déjà les bruits de la forêt emplissaient l’espace. On voyait dans les branches les plus basses, de multiples oiseaux aux couleurs chatoyantes. Le chant des dunes s’était fait remplacé par celui de la forêt bien plus complexe mêlant le bruit des feuilles, le craquement des branches et au loin le bruissement de quelques ruisseaux enfouis sous l’humus épais des bois ancestraux. Ils échangeaient aussi une chaleur sèche pour une chaleur humide bien plus étouffante mais l’eau ne serait plus un problème. Elle suintait littéralement du sol. Après quelques dizaine de mètre en profondeur, l’impression d’être dans un temple végétal était présente en chacun. Même Bosse-et-demi semblait marcher avec respect en ces lieux.

« Comment se repérer en ces lieux ? S’enquit Arangadir.

_ Ne vous inquiétez pas, je sais comment me repérer dans une forêt. Si les étoiles sont un beau repère pour quiconque navigue ou arpente le désert. Il existe des arbres si vieux qu’ils sont comme des phares. Leur configuration suffit pour ceux qui les reconnaissent. »

 Il était rassurant de voir qu’au cours du siècle passé, la lisière définissait le même profil. Gorth pourrait dès lors diriger ces compagnons vers son ancien village afin peut être de comprendre ce qui arrivait au monde.

« Suivez moi avec prudence, il y a d’autres dangers que ceux du désert, les serpents sont nombreux ici. Ne touchez à rien, même de simples grenouilles pourraient vous donner la fièvre. Nous marcherons tout le jour et nous arrêterons pour nous hisser dans les arbres à l’affut des prédateurs.

_ Pour quelqu’un du nord, tu t’y connais bien en forêt vierge. Remarqua Kiet’al

_ Nous avons été préparé depuis notre enfance à toute éventualité, éluda Gorth. »

 Tant qu’il ne saurait par pourquoi Tamal’hik l’avait choisi, il était hors de question de dévoiler davantage son passé.

Gorth retrouva facilement après quelques heures de marche vers l’ouest, quelques signes familiers. Un bombax juste à coté d’un grand figuier dont les racines qui sortaient de terre se confondaient avec le tronc qui surplombait un très vieux carambole marron. A partir de là, ils avanceraient vers la mangrove en bordure du fleuve et delà, il gagnerait l’emplacement du village.

« Il nous faut nous reposer dès à présent, gagner la canopée d’où nous pourrons nous reposer loin des prédateurs. Annonça Gorth.

_ Et pour Bosse-et-demi, s’enquit Rebus

_ Nous procèderons pour lui comme pour nous grâce aux lianes. La base des branches de ce poivrier sont suffisamment larges pour ne pas risquer de tomber. Je vais vous montrer comment. »

Gorth pris deux lianes dont il s’assura de leur solidité en s’y suspendant plusieurs fois, il commença à les tresser largement créant ainsi des échelons qui facilitèrent sa montée. Tout les deux mètres environ, il se servait d’une autre liane pour consolider l’échelle. En quelques minutes, il était arrivé à la première branche. Il continua son ascension facilement de branche en branche et redescendit tirant derrière lui plusieurs lianes suffisamment longues pour tomber de part et d’autres de la première branche. Il suffirait alors de hisser Bosse-et-demi, en tirant d’un coté. Ils ne seraient certes pas de trop  pour le hisser, mais ainsi, les prédateurs nocturnes seraient moins attirés par l’odeur du chameau, odeur qui ne pouvait guère plaire qu’à des animaux sans aucun goût. Il leur fallut une petite heure de sueur pour parvenir à s’installer tous en haut sur la grande branche.

            « Et comment ferons nous pour nous restaurer chaudement ? demanda Arban

            _ Nous mangerons froid tant que nous serons dans la forêt. Il y a d’ailleurs trop d’humidité pour ne tirer que des fumées des tentatives pour activer un feu et en plus nous risquons de séduire des insectes bien désagréables.

            _ Quel pays !! S’exclama le chevalier. Sitôt habitué à quelconque climat que nous dussions nous accoutumer à un autre.

            _ Rebus, n’y a-t’il pas moyen pour toi de connaître quelques informations au sujet de l’empereur et de sa soif de conquête ?

            _ Je ne sais pas grand-chose vous savez…

            _ Je voulais parler de ton don…

            _ Je procèderai demain, le temps de préparer du matériel, avec cet écorce et quelques fruits, je devrai pouvoir au moins essayer quelque chose, j’ai quelques amis qui me doivent certaines faveurs. J’espère ne pas les mettre en péril inutilement.

            _ Alors, tu as raison, nous attendrons d’avoir un réel besoin de tes talents. Soit prêts. On ne sait jamais.

            _ Je suis fourbu, je vais me coucher tout de suite, cette luminosité me fatigue les yeux. Devons nous instaurer des quarts ? demanda Kiet’al.

            _ Il vaudrait mieux oui ne serait-ce que pour protéger Bosse-et-Demi de quelconque glissade. Bien que je n’ai jamais vu animal aussi calme et compréhensif. Peut être y a-t-il une intelligence cachée dans ses bosses… plaisanta Gorth. »

Le fait de retrouver son élément détendait Gorth au plus au point. Il se rappelait les temps heureux où il partait pécher ou chasser avec des amis. La fête du village où les plus vaillants guerriers luttaient avec leurs poings et leur courage pour remporter le titre de champion, où les enfants se battaient à l’escalade sur les plus hauts arbres, où tout se terminait par des danses de joies autour de leur joyau tutélaire. Mais il avait quitté un village ruiné en feu et à sang, où la mort n’avait prit que trop sa part.

            «  Arban et moi prendrons le premier quart, Rebus remplacera Arban, puis Arangadir, et enfin toi Kiet’al. Je te rejoindrai quand Arangadir ira se coucher. Proposa Gorth. »

Ils alterneraient ainsi les gardes permettant à ses compagnons de gagner en cohésion. Il y a des choses qu’on est prêt à dire lorsqu’il n’y a pas plus de deux autres oreilles. L’autorité de Gorth n’avait été remise en cause par personne encore. Il semblait naturel à tous que Gorth était en quelque sorte leur chef. Ce qui semblait quand même quelque peu blesser Kiet’al qui grinçait quelque fois des dents. Sans doute de sa position lorsqu’il s’était rencontré et qui se répétait à nouveau. Disposition naturel ou destin implacable ? La nuit était chaude et humide, ce qui changeait des nuits où l’abri des dunes n’était qu’un piètre refuge au vent frais qui les tourmentait.

Kiet’al avait monté quelques branches supplémentaires pour dormir. Arangadir était resté près du chameau, ils semblaient bien s’entendre tout les deux. Rebus s’était placé le dos au tronc, il ne sentait pas très à l’aise dans les hauteurs.

Tout était très calme, la luminosité des étoiles filtraient quelque peu à travers l’épais nuage de feuilles. Cette forêt était très riche en ombrophiles si bien que le sol était tapissé de fougères, fleurs aux multiples senteurs, le rendant que plus traître à ceux qui ne savaient pas s’orienter. De véritables trous d’eau se camouflaient ainsi sous ce tapis végétal. Gorth parti faire un tour dans ces arbres qu’il connaissait bien avant de rejoindre un endroit pour dormir. Cela lui semblait un temps infini qu’il ne s’était pas ainsi promener. Il trouva un coin parfait à peine écarté des autres d’où il pourrait être vu pour qu’ils n’aient pas à s’inquiéter.

C’est un cri d’effroi qui le réveilla vers le petit matin. C’est Kiet’al qui avait poussé ce cri. Arangadir restait pendu à l’échelle de liane. Bosse-et-demi gisait une bonne quinzaine de mètres plus bas, désarticulé au milieu des herbes hautes, n’eut été son œil qui montrait toute son agonie, on aurait pu y voir une simple peluche tombé à terre. L’échelle oscillait encore fortement… Sur la branche où ils s’étaient reposés, aucune trace de lutte. Kiet’al prit la parole en balbutiant, la peur et la crainte semblait se lire sur ses traits :

            « Il…il…. Le chameau a  a  trébuché, Arangadir s’est prépi, précipité derrière voulant s’accroché à son harnais, il…il a mis un pied dans la première marche et sous le poids du chameau à cubulté, culbuté vers l’arrière, sa tête s’est alors prise dans un anneau en contrebas et là j’ai entendu un bruit de craquement. Quand, quand je me suis jeté derrière lui, c’est… c’était trop tard… »

Les oiseaux s’étaient tus, le vent agitait les hautes branches comme au ralenti. Arban la main sur l’épaule de Kiet’al comme pour extirper la vision qu’il avait du avoir. Il suffit bien souvent de quelques secondes seulement pour que n’importe quel guerrier, vaillant ou couard passe de vie à trépas.

            « Descendons-le et enterrons les dignement. Allez viens Kiet’al, il nous faut continuer sans trop nous retourner, car il ne sert à rien de trop se lamenter.

            _ Tu as sans doute raison, dit assez froidement Kiet’al, je vais préparer mes affaires, je vous rejoins.

Ils se préparèrent. Rebus descendit le premier pour détacher le grand corps d’Arangadir en prenant soin de l’assurer par d’autres lianes pour les descendre sans le briser davantage. Arban et Gorth participèrent à l’opération. Personne ne blâmait Gorth pour sa décision qui était la cause de cet accident stupide. Arban était juste. Son regard ne l’accablait pas mais semblait partager sa peine. Une fois fait, ils descendirent un à un. Rebus, Arban puis Gorth. C’est à peine un mètre en dessous de la branche qu’il vit Kiet’al arrivé au dessus de lui, un sourire carnassier sur les lèvres.

            « Il vous faut mourir, traîtres. »

Il partit dans un grand et cruel rire. Se saisit de son poignard et coupa les lianes de l’échelle. Une seconde de cri pourrait simplement résumer leur chute. Rebus qui était arrivé au sol, n’eut le temps que de lever la tête pour voir le chevalier tomber droit sur lui. Gorth suivait de près. Arban écrasa Rebus. Rebus qui criait de peur, hurlait maintenant de douleur. Gorth dans sa chute et battant des bras eu la chance d’attraper une liane trop fragile puisqu’elle se rompit un bref instant après, mais cela freinât suffisamment sa chute pour lui permettre de rester en vie. Il n’y a pas eut une once de magie dans tout ça ce qui expliquait sans doute pourquoi son amulette était resté amorphe. Il se releva quelques instants plus tard. Rebus était mort. Arban pleurait. Sa colonne était touchée, il ne craignait pas la douleur. Il ne pourrait sans doute plus se relever.

            « Achève moi, j’ai bien vécu et vu multiples choses. En vérité, Dieu est grand mon ami. Si les hommes pouvaient le mieux savoir…supplia le chevalier Arban  d’Orignal le bienheureux. »

 Gorth compris que son nom n’était pas usurpé pour avoir dans le cœur cette belle sagesse.

« Prends mon épée, c’est par elle que je dois quitter ce monde, reprit Arban. »

L’épée était magnifique, la poignée était décorée à l’image de son animal emblème. La garde était la projection de ses magnifiques bois, protégeant la main du porteur. Deux rubis ornaient le pommeau comme le regard vif de cette bête princière. Gorth s’en saisit et la plongea droit dans le cœur d’Arban. Dans un souffle qui étira ses lèvres en un dernier sourire, il rendit l’âme.

            « Hé bien, il y en a qui ont de la chance, dirait-on, tu n’as pas trop souffert de cette chute. Ce n’est qu’une question de temps avant que je ne t’attrape… »

Kiet’al arma son bras pour lancer son poignard…Gorth plongea derrières les corps de Rebus et d’Arban, libérant la lame. Il s’enfuit alors à couvert des fougères. Il entendit Kiet’al continuer à rire comme si tout n’avait été que partie de plaisir et tenir ces propos digne de grande folie.

            « Ce n’est pas utile de fuir, je sais où tu es à chaque instant. Vois-tu, chacun a un don. Le mien me permet une fois l’empreinte psychique de mon ennemi prise de le localiser sans aucun problème. Au fait je me présente, bien que tout le monde m’appelle Kiet’al. Je suis bien plus crains sous le nom de Faucon. Tu es un plus spécial que prévu grâce à ton amulette. Si elle semble pouvoir te protéger de la magie offensive, elle est bien efficace pour la magie passive. Je pense que tu ne résisterais pas à des attaques physiques portées à distance. Vois-tu le problème ? Tu portes une magie qui ne te permet aucune attaque, tu ne peux décidément que fuir…Ca me fait penser à la mort de ce pauvre Hirjile, il a bien sur été utile, en son temps. Mais lorsqu’il t’a rencontré, il s’est détourné tellement de nos buts que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il soit châtié. On a profité de toi pour voir un peu qui dans les proches de l’empereur pouvaient être digne de confiance ou digne de choir dans l’oubli. Ah, j’aime bien faire sentir le pouvoir que nous possédons sur vos pauvres et misérables existence. La chasse n’en devient ainsi que plus excitante»

            Gorth partit vers son village, si Tamal’hik l’avait protégé jusqu’à présent, ce ne pouvait être pour rien. Il lui fallait trouver quelques pistes. Les vélins étaient perdus. Ils étaient sans doute une clef dont il avait à peine abordé les rouets ou pertuis.  Le village n’était qu’à deux jours de marches, en passant par la canopée, peut être pourrait-il être plus rapide, évitant ainsi les ravines.  Les arbres étaient si dense dans cette partie de la forêt que leurs branches étaient un véritable entrelacement formant un réseau de chemin en trois dimensions à la fois confortable et rapide pour quiconque avait un bon sens de l’observation.  Gorth avait grandit ici. Kiet’al et ses alliés ne le savaient sans doute pas, il ne l’aurait pas emmené ici à moins peut être de vouloir le suivre pour gagner quelques informations. Et même si Kiet’al, ce fourbe pouvait le rattraper ou appeler du renfort, passer de branches en branches ne lui rendrait pas la tâche facile.

            Gorth retrouvait l’excitation de ses premières courses dans les arbres lorsqu’il allait quérir quelques orchidées sauvages qui poussaient dans les gros nœuds arbres pour sa mère et ses sœurs avec ses frères. Car c’était au premier qui parviendrait à trouver la plus belle à la couleur la plus proche du blanc qui remportait le défi. La situation était bien différente, bien qu’ayant passé seulement quelques mois avec eux, il s’était rapproché d’eux, pas au point de raconter ce qu’il était en réalité mais d’avoir des élans de cœur sincères. Ils avaient commencé ensemble à communier dans le sang des combats, quoi de plus glorieux pour le guerrier qu’il était.  Il regrettait qu’Hirjile bien qu’homme de connaissance soit parti par ce vil serpent de Kiet’al. Arangadir avait l’âme noble, finir ainsi tragiquement pendu ne convenait pas à sa fin. Aucune fin n’avait été noble dans cette hécatombe. Arban semblait néanmoins une variable imprévus au plan de Kiet’al. Ceci expliquait peut être aussi la chance d’être en vie. La question était de savoir comment venger ses compagnons. En prenant suffisamment d’avance, peut-être pourrait-il se préparer à le combattre. Gorth courut à travers les arbres, à travers la nuit, les animaux de nuit. Quelques fruits cueillit sur le chemin le sustentèrent et lui permis de ne pas s’écrouler ou pire de tomber par un malencontreux faux pas.

            Il arrivait près de son village. Il se doutait qu’il n’y trouverait rien. La végétation ayant eu le temps de regagner ses droits depuis le massacre dont il avait été victime un siècle auparavant.  Le village était placé à quelques mètres du grand fleuve, d’où on pouvait gagner facilement la mer intérieur et ainsi tout les pays abordants. C’était en vérité un village où le commerce était fleurissant. Essence d’arbre rares et fruits exotiques étaient échangés contre des peaux, d’autres biens.  Les nouvelles du monde parvenaient également sans heurt jusqu’à eux bien qu’avec quelques semaines de retard. Il fallait bien payer un prix à un certain isolement. C’est en descendant de la canopée que Gorth se retrouva au dessus de la pointe est de son village. Il était curieux de voir, bien qu’aucune ruine ne soit visible, l’emplacement des huttes plusieurs fois centenaires avaient marqué le sol. La végétation y a avait davantage poussée mais elle était d’un vert plus profond comme plus riche. Au niveau du sol, Gorth remarqua que quelques pyramides de pierre étaient encore intactes. Lorsqu’une personne mourrait, elle n’était pas enterrée mais brûlée au plus haut d’un arbre qui ne craignait pas les flammes. Le feu délivrant l’âme du corps était entretenu pendant un cycle entier de la lune. Alors venait ensuite la chasse au caillou. L’être aimé bien que séparé de son corps avait laissé une empreinte de sagesse à ses descendants ou bien à ceux qui restent. Il fallait chercher cette pierre sacrée. La première de la grosseur d’un poing trouvée était alors la bonne. On y gravait alors quelques signes personnalisant son souvenir. Il fallait parfois de longues semaines pour trouver une pierre de la bonne taille, là où n’était qu’arbre, mousse et fougères. On accumulait les pierres alors  en monticules. Les plus vieilles familles avaient devant chez elles, plusieurs centaines de cailloux.

Gorth venait également d’une famille très ancienne, voilà pourquoi son père était le grand prêtre de l’ordre guerrier et lui, le grand guerrier. Ils étaient arrivés à un temps pacifique où ces titres étaient honorifiques mais son père avait coutume de dire, que le temps était une gigantesque roue, elle tournait sans cesse avec l’illusion de rester à sa place. En vérité, quelques grains de poussière déviaient imperceptiblement son axe. C’était la chance de salut des hommes. Gorth avançât vers l’emplacement du temple. C’était la seule hutte en pierre du village. Elle était de taille modeste, chaque pierre ayant son histoire portée gravée sur elle. Il en restait encore quelques unes dont les symboles avaient été oubliés par le temps, lui aussi. Il ne trouverait rien ici.

C’est en se relevant qu’une silhouette bougea à la périphérie de sa vision. Kiet’al déjà ici ? C’était impossible, il avait pratiquement volé pour arriver jusque là. Il se retourna et vit une ombre rougeoyante dont il peinait à discerner plus de détail. Elle se trouvait à quelques dizaines de mètres de lui. Il la héla sans succès. Elle s’enfonça dans la forêt. Gorth se décida à la suivre. Bien qu’il essayait de se rapprocher d’elle, elle semblait en avoir conscience et gardait toujours avec lui la même distance. Gorth la suivit à son rythme pendant trois jours et trois nuits entiers. Elle marchait lentement. Gorth avait peur de se faire rattraper par le Faucon. Sa robe semblait changer de couleur au gré des pinceaux de soleil qui passait à travers la toiture verte. Elle le conduisait vers un lieu que nul autre sinon les prêtres, avait accès. Ce secteur de la forêt leur était interdit car on disait que c’était là que tout avait commencé. C’est à la bordure de cette aire que la personne se retournât et l’attendit. Si la beauté avait le pouvoir de frapper l’âme au point de la diviser en deux, Gorth fut heureux d’en être aveuglé. La chevelure brune légèrement ondulante dans le vent, entourait un visage aux traits fins percé par deux émeraudes à la lumière propre. Elle était vêtue d’une robe longue à capuche noire curieusement sans trace de son périple. C’est d’une voix mélodieuse qu’elle lui parla qu’il aurait pu reconnaître entre toutes :

            « Te voici enfin Gorth, je t’attendais. Tu dois aller au devant de ton destin et non pas le laisser te saisir de tes désirs, de ta volonté. Il y a de grandes forces en jeu. Les anciens remuent la terre en quête de richesses. Tu fais parti de cette richesse bien plus que tout autre. Tu as pris mon amulette. Elle t’a bien protégé jusque là. Il te la faut garder encore. Bien qu’elle te coûte plus que tu ne l’imagines, elle te donne la liberté dans l’action et l’invisibilité pour presque tous. Rien n’est plus parfait. Car le ciel lui-même semble corrompu.

            _ Qui es-tu ? Une aide divine ou autre illusion de mes sens ? J’ai cru t’entendre chanter lors d’une obscure captivité.

            _ Je suis ce qui aurait pu t’arriver de mieux dans une autre vie. Je te laisse mon nom, Ephéïde Telgeuse. Garde de toi d’en savoir davantage. L’équilibre n’est que trop fragile. Le temps a des mystères qui te seront révélés en …temps utile… annonça t’elle avec un sourire énigmatique. Je ne peux aller plus loin, traverse la frontière et reconnait la pierre.

            _ Pourquoi ce chant en particulier ?

            _ Il y a de ces instants où l’on voit la Mort, toutes les morts, et Vie qui ne tient qu'à un fil. Sa résistance au Chaos a une limite. »

Ce présage était mot pour mot celui qu’il avait tiré des runes à l’approche du village à l’obélisque. Il y avait des connections bien secrètes dans ce monde.

            _ La mort m’a déjà prise et me reprendra maintes fois avant que le monde ait un salut mérité. Reprit-elle avec mélancolie.

A peine eut-elle achevé sa phrase qu’une flèche empênée de pourpre fila en sa gorge bien profondément. Gorth se précipita en avant pour la soutenir dans sa chute. Le corps était bien réel tout comme les mots qu’elle avait eu.

            « A quoi peut-il donc bien te servir cette amulette si elle n’est pas capable de protéger tes précieux alliés ? Lança goguenard son pourchasseur. »

Sans prendre le temps de lui répondre, avec seulement un regard de surprise, mêlée de haine, Gorth franchit la frontière sacrée et s’enfouit entre les arbres millénaires. Quelques dizaine de mètres plus tard, il surveilla l’arrivée de Kiet’al en se demandant comme il avait pu être aussi rapide. Cet espion était bien plus qu’un simple gens de l’empereur. L’important maintenant était de se cacher du Corbeau et  trouver la pierre comme lui avait demandé Ephéïde. Kiet’al sembla comme repoussé par une barrière magique. Il semblait mécontent et maugréa en grands geste. Il fouilla dans ses poches intérieur et se saisit d’un petit objet qu’il lança par devant lui. L’air se troubla alors comme par l’effet d’une forte chaleur. Un trou de la hauteur de l’homme se dessina irisant l’humidité de l’air. Kiet’al passa alors victorieux.

            « Tu as vu Gorth ? Aucune barrière ne peut me résister, tu entends ? Aucune. Tu peux courir, tu ne peux aller bien loin … »

Mais courir était ce qu’il lui restait. Il repartit donc à travers la forêt foulant pour la première fois, cette terre de ces ancêtres, inconnue. Il décida de grimper un peu. Peut être qu’il y trouverait le temple sacré réservé aux prêtres et leurs initiés C’est avec un mélange de naturel et d’instinct qu’il se tourna vers le tronc le plus large. L’arbre avait été évasé en son centre au fil des générations lui permettant de continuer sa croissance tout en gardant son centre excavé pour leurs cérémonies. C’était un véritable trésor au sein de l’ordre naturel de la forêt vierge.  

Mais, Kiet’al l’y attendait déjà.

«  Ne sois pas surpris. Je te l’ai dit non ? Que je savais exactement où tu te trouvais ? Je sais donc où tu vas, ce n’est guère compliqué alors que de t’y précéder. Tes amis ont du vivre longtemps pour faire ça. Dommage qu’ils n’aient pu survivre… Au fait en t’attendant j’ai trouvé cette pierre. Il n’y avait que ça à l’intérieur. Bizarre quand même. »

 Ce faisant, il jeta avec Dédain la pierre par-dessus son épaule. Qui rebondit sur la branche maitresse avant de tomber dans le vide. Gorth se précipitât à sa rencontre, ce devait être la pierre qu’Ephéïde lui avait demandé de chercher. Il chuta à la suite de la pierre laissant un Kiet’al perplexe.

La pierre tomba au milieu des fougères, s’y perdit presque. Gorth suivit dans un grand cri de douleur. Il avait chuté de plusieurs dizaines de mètres. Il était vivant mais respirait à peine. Quelques instants plus tard, il entendit des pas à travers les hautes herbes fouiller autour de lui et s’approcher.

« Tu pensais qu’il te pousserai des ailes au cours de ta chute ?  C’est moi qu’on appelle le Faucon, pas toi…Tu veux toucher la pierre ? Je me demande bien pourquoi. M’enfin je suppose qu’avant de mourir tu as droit à une dernière volonté… Tu as bien couru après tout. Dit-il, goguenard.»

Il avança la pierre vers sa main droite et l’y posa. Il vit alors la pierre se mettre à luire suivant un symbole représentant une étrange lune au regard fermé. Une explosion de lumière en surgit alors. Le monde vacilla et bascula...Gorth se réveilla allongé sur ce qui semblait être un lit dans un dispensaire. Il essaya de se relever. Contrairement à la première fois, bien que nauséeux, aucune douleur à la tête le surprit.

«  Hé, le 27 bouge, on dirait, va voir toi.

_ Hum.

_ Hé, on se réveille enfin ?

_ Où suis-je ?

_ A l'hospice de Gartagasse, tu sais qui tu es ?

_ Je... je suis Gorth.

_ En quelle année ?

_ Le quatrième du rayon pourpre.

_ Hé, Darrault? Le 27 va s’en sortit! »

 

 

 

 

 

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22 août 2009 6 22 /08 /août /2009 00:12

Gorth erra quelques temps dans le camp sans but précis comme pour exorciser ses craintes ou ses peurs. Se faisant, il ramassa quelques morceaux de pierres émoussées afin de les tailler en runes qu’il avait perdues. Même si elles ne seraient jamais bénies par le grand prêtre, elles revêtiraient le sentiment de perte qu’il endurait jusqu’à présent. C’est en les ciselant à l’aide d’un long couteau courbe dont seul le manche en os avait noirci qu’il avait ramassé que Hirjile s’avança pour discuter un peu :

            « Comme ça, on se fait des souvenirs ?

            _ Hum, on retrace l’histoire…

            _ Ha les femmes, les femmes, utiles et agréables, agréablement utiles si ce n’est lorsqu’elles empiètent sur les domaines qui sont nôtres… J’ai du laisser la mienne, elle ne voulait comprendre quel était mon rôle en cette vie…

            _ Est-elle plus à l’abri des caverneux que nous l’étions ?

            _ Sans doute, Seuls les hommes dont la virilité est avérée ne le sont pas.

            _ Pratique…

            _ Les choses sont ainsi, et nous devons apprendre à nous battre contre elles. Est-ce un jeu d’osselets que tu nous prépares ?

            _ En quelque sorte, il faudra pouvoir occuper son temps autrement que par la prière.

            _ Pourtant pour les gens comme vous, la prière devrait pouvoir se substituer à toute autre activité pour le salut de vos âmes…

            _ Regarde ce que nous étions et ce que nous somme appelés à devenir…

            _ Je savais que ton regard noir était une preuve de grande maîtrise. Nous partirons dans une heure environs, prépare-toi. »

Cette discussion énerva Gorth. Il lui semblait être surprennement transparent devant ce soi-disant historien. Il espérait ne devoir dévoiler que de fines parties de lui.

Ainsi, ils partirent vers la fin de journée. Ils attendirent le coucher de soleil pour pouvoir partir et profiter d’une nuit fraîche pour marcher. Le camp de l’empereur n’étant éloigné que d’une journée de marche. Ils profiteraient ainsi d’un nouvel abri avant les heures chaudes du lendemain, même si ils devraient braver les vents et le sable tourbillonnant dans la nuit. Ils se guideraient par rapport aux étoiles.  La queue de la manticore présentait le chemin à suivre.

Le camp de l’empereur était constitué de quelques centaines d’hommes aux abords d’une oasis bien plus conséquente que le précédent. La première moitié semblait être des soldats d’expérience directement attaché à Gartagasse. La  seconde était vraiment hétéroclite et devait réunir les élus des éléments comme l’avait expliqué Hirjile. Un amoncellement de Prêtre, Scribe sacré, Archiviste de l’Invisible et autres gens de cultes plus ou moins obscures.

Une tente leur fut rapidement attribuée sans un seul mot. Hirjile avait quitté leur petite escouade dès l’entrée au camp. Sans doute pour tenir son rapport.

Arangadir était parti pour son œil à l’infirmerie dès son arrivée. Kiet’al et Gorth furent appelé en même temps mais escorté dans deux tentes séparées. Il ne fut guère laisser de temps à Gorth pour explorer le camp. Un sentiment d’ordre paraissait régner par rapport au précédent, mais sans doute parce qu’à art de sérieux et massifs gardes, le reste des gens tenait plus du scribe que du guerrier. Et c’était bien attendu, Hirjile ayant dévoilé quelque peu la raison de cette première « épreuve » Il fut invité à rentrer dans une tente noire située à peu près au centre du camp. Ils durent passer pour cela, deux cercles de gardes très armés et vigilants.

            « Assois-toi, Gorth, Gorth… Quel nom surprenant… Aucune consonance connue même pour quelqu’un qui viendrait de chez cet infâme patriarche. La question est simple… Si c’est bien ton nom… D’où viens-tu ?

            _ Je ne sais pas qui vous êtes et il m’ait difficile de me confier à un inconnu…

            _ Une forte tête, hein ? J’aime ça… »

 Un simple regard de son interrogateur vers le garde qui se tenait à sa gauche suffit pour que ce dernier, en un instant, comme mué par un réflexe, lui donna un coup de pied dans l’épaule faisant violemment basculer Gorth et sa chaise dans la poussière. Le second garde le releva et le rassis de force …

            « Envie de répondre maintenant ?

            _ Peuh, fit Gorth en crachant sur le sol et haussant les épaules. Je m’appelle Gorth et je viens par delà les montagnes blanches.  Par delà même le territoire du Padré, par delà le désert des pluies éternelles.

            _ J’ai l’impression que de deux choses l’une, soit tu aimes la souffrance ou bien tu nous injuries pour raconter de telles inepties.

            _ Connaissez vous si bien le grand nord pour en juger ?

            _ Il n’existe que des contes et légendes… Ces territoires sont interdits à tout mortel depuis la nuit des temps maintenant… Ce n’est que délires de soiffards que de rêver qu’il existe encore quelques civilisations de l’autre coté du gouffre. »

            Ainsi, ces gens du nord avec lesquels Gorth et son peuple entretenaient des liens commerciaux via le fleuve Serpentin, avaient disparus ou s’étaient fermés en leurs terres au point d’appartenir à ce passé digne des mythes.

            _ Si je pouvais le prouver, je le ferai…

            _ Hum, laissons tomber. Ce qui m’intéresse, enfin, nous intéresse c’est de savoir, quel est le pouvoir de ton amulette. Elle t’a protégé des flux tempétueux. C’est le seul objet pratique à notre connaissance qui permet cela. Où l’as-tu trouvé ? Elle doit être relié à ce qui se passe aujourd’hui et peut être même es tu même un responsable de ce qui cause tout ce trouble…

            _ C’est un héritage de mon peuple. »

            Un autre regard, un coup de poing et quelques coups de pieds dans les côtes montrèrent que ce n’était pas la réponse attendue…

            « Prenez-lui l’amulette.

            _ Non, intervient un homme resté dans l’ombre au fond de la tente. Sa voix était éraillée et essoufflée bien qu’il ne paraissait pas dépasser la trentaine. Il faut qu’il la donne de lui-même. Un objet magique pourrait réduire son acquéreur en poudre si ce dernier le prend de force.

            _ Balivernes !! tonna l’interrogateur. Toi, en hélant le premier garde, prend lui l’amulette. Pour une fois, c’est sans empressement qu’il se plaça devant Gorth, saisit à deux mains la chaîne et tenta de la soulever. Il ne sembla ressentir nulle douleur mais ne parvint pas à la déplacer d’un iota.

            _ Alors, te moques-tu de moi ?

            _ Elle est trop lourde !!! Je ne comprends pas…maugréa le garde, un peu honteux

            _ Toi, en désignant l’autre garde, essaie… »

Cette fois, c’est sans peur qu’il s’approcha, ricanant de la faiblesse de son camarade. En approche de la chaîne, à une main environ de distance, un arc électrique parcourra l’espace et le frappa en pleine poitrine, le faisant traverser la tente en un souffle. Il ne se releva pas…

            _ Ne t’avais-je pas prévenu, imbécile !! Maintenant toi !! Tempêta t-il en désignant Gorth du doigt, Donne-nous l’amulette, nous avons d’autres moyens que de te faire souffrir…

            _ Je ne peux pas, c’est un héritage de mon peuple s’entêta Gorth

Encore un regard, la tempe de Gorth explosa, et dans les yeux, des étoiles scintillèrent. Il sombra quelque peu dans l’inconscience mais fut vite rappelé par un seau d’eau croupie au visage, suivi du seau lui-même. Gorth ne sentait déjà plus son visage. Ses yeux sous les coups commençaient à se tuméfier.  L’interrogatoire enchaîna coups et questions stupides. Si l’amulette avait eu la faculté de le protéger de la magie, les coups portés à son corps ne lui épargnait ni la douleur dans sa chair, ni celle dans son âme. La nuit vient et avec elle un peu de repos. Pas longtemps, une nouvelle équipe remplaça la première. Il put boire un peu et manger un bout de pain rassis au milieu des coups.  L’amulette lui réchauffait néanmoins la poitrine, et c’est la sensation de puiser dans cette chaleur qui permit à Gorth de survivre les prochaines heures de la nuit. Au petit matin, Il ne respirait encore que par instinct. Pourquoi ne pas le tuer tout de suite. Mort, l’amulette aurait pu leur revenir à moins que quelque chose lui échappe. Gorth n’était pas très au fait des artefacts magiques. Ces bourreaux ne semblaient pas l’être davantage non plus.  Un homme entra, l’observa, dis quelques paroles que Gorth ne comprit pas mais, les occupants quittèrent aussitôt la tente sans un mot. Peut être aurait-il un peu plus de quelques minutes de repos cette fois. Gorth finit par s’endormir en dépit de la pensée terrible qu’il ne se réveillerait peut être pas…

 

C’est lorsque le soleil était à son apogée que Gorth souffrait le plus, aucune ombre possible ainsi emprisonné dans une fosse profonde creusée dans le sable et consolidée par des planches de bois. La nuit lui était encore supportable, le bois dissipant la chaleur du jour. Sa nourriture lui était jetée et était surtout constituée d’os à ronger. Il n’y avait que l’eau, qui rationnée lui était doucement descendue par une corde. Ils avaient cessé de vouloir lui enlever son collier, ils n’avaient reçu que des souffrances. Il fallait que Gorth, plutôt que combattre accepte sa destinée, ça ne voulait pas dire qu’il ne devrait pas se battre, seulement qu’il devrait nager dans le sens du courant pour ne pas se noyer… C’est environ une dizaine de jours plus tard que Gorth fut tiré de son trou.

« Où est-elle ? Lui claironna au visage l’officier supérieur

_ Où est quoi ?

_ L’amulette ? Tu l’as donné à qui ? Tu as un complice ?

_ Je…

_ Maintenant que tu ne l’as plus, tu vas pouvoir souffrir encore plus … Lui promit-il. »

Il regarda Gorth droit dans les yeux, lui cracha au visage, se recula, arma son poing doucement et frappa de ce qui semblait être toutes ses forces en visant le plexus… Gorth ferma les yeux, instinctivement, entendit un cri, ouvrit un œil pour voir l’officier par terre criant en se tenant le poignet…la main qui devait le frapper se trouvait à quelques mètres de là encore fermé en poing.

«  Soit… maudit, éructa-t-il

_ Il la porte toujours, c’est seulement que nous ne la voyons plus, mais je peux encore la sentir dans sa chair, elle tout autant inaccessible qu’avant. Son pouvoir s’est même renforcé. Il faut peut-être y voir un signe vers notre salut et non un défi. Expliqua un moine encapuchonné par-dessus la fosse.

_ Que faire ? Venez dans ma tente pour en discuter… dit l’officier.

Quelques minutes plus tard à l’abri des oreilles indiscrètes…

 _ Laissons le prendre la tangente, quelques uns de ses amis ont demandé après lui, je pense qu’ils sauront s’échapper avec lui si nous relâchons quelque peu notre surveillance. Il faut l’envoyer là où ne pourrions jamais survivre avec quelques uns de ses condisciples et un agent bien à nous pour la liaison, il ne s’agit pas de laisser libre un homme ayant autant de valeur…

_ Je sais l’homme qu’il nous faut pour jouer l’espion, le Faucon. Mais, je ne vois pas  l’empereur vouloir se séparer de son plus fidèle chien de garde…

_ Il faudra bien qu’il accède à notre demande, nous pouvons ici porter un coup décisif, même si il s’agit de sacrifier quelques pièces importantes…

_ Tu as toujours été plus doué aux échecs que moi, je t’en laisse donc la responsabilité et n’y voit pas de la lâcheté…»

 

Cela se passa au milieu du jour alors que les gardes faisaient la sieste à l’ombre. Une corde se terminant en lasso fut descendu. Gorth s’en saisit, et fur remonté sans grand effort. Il avait bien perdu en cette décade de diète forcée. Un inconnu accompagné d’Arangadir avaient fomenté son évasion. Le nouveau se faisait appelé le Rebus, soit parce que personne voulait de lui, soit parce qu'il était une énigme. Il venait d'Abyrie, une province de l'Ouest où l'écriture était l'expression du divin. Rien de bien original donc à ce qu'il ait pu survivre dans les tempêtes magiques. Il était, en dépit du soleil, complètement blême, son visage se laissait transpercer par des lèvres d'un carmin éclatant et des yeux d'un bleu glacial. C'étaient les seules couleurs qui contrastaient chez lui, complètement vêtu de blanc. Ils  louvoyèrent entre les tentes, les soldats de gardes étaient tous assommés ou bien plongés dans un profond sommeil. Il se laissa ainsi guider jusqu’à issir du campement. C’est à ce moment là qu’un garde avait sonné l’hallali. Une petite escouade s’était mise à les poursuivre comme avec une certaine mollesse. Ils avaient vite rompu une fois que la direction prise fut celle du sud. Il ne comprenait pas pourquoi après tant de jour d’interrogatoire et de torture, il fut si vite abandonné sachant en plus la valeur du moins magique qu'il détenait bien malgré lui.  Ils devaient aller plus au sud encore, il tardait à Gorth de retrouvé sa province natale même si celle-ci avait du être bien altérée par le temps. Ils retrouvèrent Kiet’al et  Hirjile quelques dunes plus loin avec un chameau portant tentes et le gros de la nourriture.

 

Une première estimation à une semaine de marche dans la tourmente du désert à vol d'oiseau devrait leur permettre d'arriver à la lisière de la jungle au Joyaux. C'était sans compter les possibles attaques magiques ou d’autres créatures dont Arangadir avaient entendu certaines histoires aux premiers jours dans l’infirmerie du camp de l’empereur. Ils marcheraient donc quand le soleil descendrait sur l'horizon et se cacheraient de lui pendant ses heures de règnes. Quelques heures de marches plus tard, Rebus nous expliqua qui il était et pourquoi il avait voulu rejoindre le groupe. L’empereur l’avait gardé au près de lui durant ces quinze dernières années à cause de ou plutôt grâce à sa faculté à pouvoir communiquer sur de très grandes distances de manière immédiate. Voyant, une libération se profiler, il se décida d’en être, n’oubliant pas tout ce que l’empereur et sa clique lui avait fait subir à sa famille et à lui. Il avait donc aidé les autres à le libérer. Gorth suspectait de voir en son rôle bien davantage qu'une simple échappée. S’il était si proche de l’empereur, son dévouement lui apportant protection et confort pourquoi se faire la belle. Son don est très rare, et l’empereur voulait des espions aux quatre coins de ses domaines, il avait donc tenté plusieurs élevages qui avaient pour l’instant tous échoué. Il avait ainsi faillit mourir de maladies vénériennes comme la vérole ou la chancrelle. La protection et le confort étaient ceux du genre donné à un pur sang dans un haras ou à un chien pour les jolies tours qu’il sait faire.

 

Ainsi Arangadir, Kiet’al, Hirjile, Rebus et Gorth et Bosse-et-demi, ainsi qu’ils avaient nommé le chameau à cause de sa seconde bosse beaucoup plus petite que l’autre, reprirent la route avec un moral quelque peu remonté. Arangadir et Kiet’al détestaient se voir comme de simples protecteurs de l’empereur. De plus, ils partageaient avec Hirjile, le sentiment d’avoir été complètement trompés. S’ils avaient une chance de satisfaire leur envie de vérité, c’était avec Gorth et loin du camp qu’ils pourraient la saisir. Ils marchèrent presque sans discontinuer pour mettre le  plus de distance entre eux et leurs éventuels poursuivants. Bien que l’évasion ait été quelque peu organisée, ils manquaient quelques linges qui les auraient bien protégés du sable. Ce dernier se déplaçait en tourbillon, sans cesse tournant, entrant pas les cols plus ou moins détendu de leur vêtements, mais c’est surtout le nez et la gorge qui souffraient le plus. Le voyage se faisait dans le silence le plus total.  Après quelques jours de ce régime, le paysage commença à changer et se fit plus rocailleux et bien qu’il devint plus lunaire, il faisait moins chaud. Ils décidèrent ainsi de prendre une journée complète de repos au bord d’une dépression contenant un peu d’eau, ils approchaient. N’ayant pas suivi une direction précise tout au long de leur marche, le sable ayant sans aucun problème effacé leurs traces. Ce n’est pas une colonne de l’empereur qui devrait les déranger. Ils pourraient dormir tranquille.

Ils prévoyèrent tout de même des tours de gardes, n’étant pas à l’abri de brigands. Ceux-ci s’étaient naturellement multipliés depuis les raids menés par l’empereur. Que pouvait faire un fermier une fois sa terre brûlée, salée et dévastée sinon allait pleurer quelque aumône en ville, s’enrôler dans l’armée responsable de son malheur ou bien tenter de se venger de l’empereur et sa clique…

 

Ce fut vers le petit matin, que quelques bruits parvint aux oreilles de Rebus. C’était comme un sifflement dans le vent semblant venir de très loin. Il y avait en tout cas des personnes aux alentours. Il réveilla donc ces compagnons en les enjoignant de s’armer de ce qu’ils pouvaient. Il n’avait pu prendre des armes dignes de porter ce nom lors de leur échappée, mais c’était mieux que rien. Ils avaient sinon une hache à double tranchant qui appartenait à Arangadir, quelques épées fourbues qui auraient davantage de potentiel à étourdir qu’à couper la chair. Elles avaient pu être prises derrière l’échoppe du forgeron.  Ils s’armèrent donc,  Gorth aurait préféré avoir une lance, qui était son arme de prédilection. Kiet’al semblait complètement gauche en tenant son épée. Arangadir portait sa hache avec délections. Hirjile et Rebus quant à eux avaient déjà du porter une arme, faisant montre de quelques passes face à leur ombre pour s’échauffer. Kiet’al resterait donc en retrait avec Bosse-et-demi pendant qu’eux quatre partiraient à la rencontre de cette mélodie.

Ils avancèrent sous le couvert des dunes en rampant dans le sable rafraîchit par la nuit. Bien qu’ils aient quelques difficultés sans même un fourreau pour leurs armes, quelques dizaine de mètres plus tard, ils arrivèrent surplombant un camp digne du leur bien qu’ils étaient deux fois plus nombreux. Au milieu d’eux, une personne clairement emprisonnée subissait quolibets et crachats tandis qu’un autre chantait une geste pour ses amis. C’était un homme à la chevelure de fauve, bâtit comme un ours, une barbe épaisse encadrait des traits sans doute rendus encore plus durs par le reflet des flammes.

Les chaînes qui l’enserraient semblaient le faire à grande peine.

            « Il faudrait s’avancer plus près pour savoir de qui il s’agit, on dirait toutefois que c’est une troupe de l’empereur vue leur matériel…énonça Rebus

            _ Si ce sont des chiens de l’empereur, cela me suffit pour leur donner la chasse… répliqua Arangadir

            _ Je propose qu’on les prenne en étau, l’un d’entre nous fera le lapin, les trois autres chasseront les chasseurs…

            _ Qui veut être le lapin ? Demanda Gorth »

 

Rebus se proposa, il était hors de question que Gorth encore affaiblit s’amuse à courir autour du camp. Rebus partit donc à l’opposé du camp, tandis que ses compagnons descendaient la pente avec une extrême prudence… Vers le début de la soirée, les hommes semblaient partis pour passer journée de repos et…une nuit à boire, ils attendirent donc encore pour ménager un effet de surprise le plus total possible.

 

            Rebus se leva à environ une vingtaine de mètre du feu de camp. Il y lança des pierres récupérées sur son chemin sans doute. Les hommes autour furent aveuglés par les tisons brûlants qui s’éparpillaient autour d’eux, trois se retournèrent vers Rebus et se mirent en chasse, deux étant armés, le troisième ne prenant pas le temps d’en chercher une. Rebus couru alors dans l’autre sens. Nous arrivâmes juste après sa prestation en vociférant comme des diables de nuit. Ils en restaient six qui eurent le temps de sortir leurs armes.

Gorth accueillit le premier qui vient à lui avec une pierre qui le frappa à l’épaule le déséquilibrant, il fut facile alors même avec une épée fourbue de le frapper à la tempe droite, ce qui le mit hors combat. Arangadir en dépit de son œil était un prodige de la hache, utilisant tant le manche que le tranchant de son arme. Les trois hommes qui s’étaient projeté contre lui furent très vite à terre. Hirjile parvenait à donner le change contre trois des hommes, ceux-ci ne se coordonnaient pas et s’empêchaient les uns les autres de viser avec précision. Arangadir courut à son aide. Les deux autres qui arrivaient sur Gorth semblaient plus assurer dans leur équilibre. C’est comme détaché de son esprit qu’il sentit alors le cœur de l’amulette sourdre en lui, armant son bras d’une grande vélocité. Il parvenait comme recueillit en lui-même à rejeter des attaques qui semblaient se suivre avec grande fluidité. Il avait toujours été un très bon guerrier en son village mais rien à voir avec une rixe en garde rapprochée. Tandis qu’il roulait sur lui-même, sautant à nouveau pour échapper aux coups porter sur ses jambes, il parvint à frapper plusieurs fois aux cotes de ses ennemis. Un premier finit par tomber à terre, le souffle en manque, il continuait néanmoins à vouloir le mettre à terre en projetant ces bras vers lui. Son camarade qui avait compris sa manœuvre, le repoussa contre lui. L’homme à terre lui saisit alors les chevilles, le déstabilisant et le faisant mordre la poussière, Gorth n’eut que le temps de se retourner pour faire face à l’homme qui se projetait dans un grand coup de tranche. C’est alors qu’il fut décalotté par un coup de hache magistral. Hirjile acheva le blessé. Ils eurent le temps de se retourner pour voir les trois hommes cherchant désespérément à rattraper Rebus qui semblait inépuisable dans sa course. La victoire était leur.

 

« Besoin d’aide, Rebus ? Railla Arangadir

_ Pas de refus, leur haleine empeste l’alcool, c’est insupportable, répliqua Rebus. »

Rebus passa entre eux, Arangadir abattit le premier d’une volé de hache en pleine poitrine. Ils cueillirent à la pointe de leurs nouvelles épées ramassées sur leur opposant, les gorges des deux derniers. La nuit se fit calme. Le vent entre les pierres, le feu qui crépite, les cœurs qui battent fort. L’amulette de Gorth s’était calmée. Elle avait agit pendant le combat d’une façon nouvelle. Peut-être parce qu’elle s’était intégrée à son corps. L’adrénaline redescendait doucement des bras encore tendus par la bataille.

« Nous avons un prisonnier à interroger, et il faut prévenir Kiet’al de ce qui vient de se passer, suggéra Gorth

_ J’y vais, je ne tiens pas rester plus longtemps près de ces corps. » On lisait un grand dégout sur le visage d’Hirjile. Il n’avait encore tué personne, protégé par son savoir même en temps de guerre. Il était courageux d’être venu et supporté cela.

« On le détache ? demanda Arangadir

_ Débâillonne le d’abord, donnons lui à boire. Il peut exister plus que deux ennemis. Répondit Gorth

_ Qui es tu ? repris Gorth en se tournant vers le prisonnier

_ Je n’ai pas à répondre à vil piétaille, je me sentirai en meilleure humeur si vous procédiez pour mes membres fourbus de pareille manière que pour ma bouche. Mais j’imagine qu’il y ait quelque fortune dans votre venue. Je me présente donc. Je suis le chevalier Arban d’Orignal le bienheureux.

_ Et d’où viens tu ?

_ Vous êtes d’une familiarité fortement déplaisante, mon jeune ami. Je ne suis pas en état de vous rudoyer justement. Par delà la grant mer ociane qui avironne le monde au sud, se trouve à mille lieux, mes terres et mon fief. Nous partîmes avec maintes compagnons perdus sur la route pour ostoyer larcineusement les foules impies. Il y eut grand osseys en ma demeure. C’est grandement effourchis que nous dûmes prendre la mer avec la ferme intention de nous restaurier et les prendre à la remontée. Les vents furent contraires malgré toutes voiles à l’encontre. La travellée fut déviante pour bien d’entre nous. Et ce fut pour être mis en castres sitôt le pied assuré. On nous mis des faux visages et grandes capes pour nous cacher à la foule. Car nul autre semblait avoir mes-hui vu, vêtement et armures ainsi fourbis.

_ Tu parles d’une manière peu conventionnelle pour un étranger.

_ Voilà maintenant bien quelques années que j’arpente ce continent, étant montré à la foule, ce n’est que récemment que j’ai été entremis pour voir l’empereur. Nous semblions nous y diriger bien que l’escorte n’était pas de haute éducation. J’ai donc appris en dépit de ma castration mais ce fut lorsque je fut le protégé d’un sir du Naghellan pendant un temps, j’appris donc vos lettres et votre parler commun avec gens de ma société. Ce monde-ci est d’une grande despérance. J’avais cru que terre nouvelle pouvait rimer avec cœur nouveau. Je fus en grand désappointement qu’un être d’ici ou d’ailleurs a même volonté de conqueste et d’abusement de tout autre. Il fallut pour ne pas dévier, bien se montrer libre fort et courbattu. Je pris alors cette epreuve comme un acte divin.

_ Détache-le Rebus, je crois que tu as trouvé une compagnie qui saura ne pas tordre des désirs. Je suis Gorth, voici Arangadir. Qu’en pensez vous ? demanda Gorth à ces deux camarades

_ A part parler comme s’il venait de je ne sais quelle noblesse, il m’a l’air fiable.

_ Il peut y avoir deux ennemis, mais je préfère penser que l’ennemi de mon ennemi est tu vois ce que je veux dire, annonça Rebus.

_ Le quastrième ? repris Arban

_ Hirjile est parti rejoindre un autre compagnon, Kiet’al.

_ Qu’êtes-vous ?

_ Nous poursuivons une quête de vérité en fuite de l’empereur et des mensonges qui tournent autour de sa conquète.

Kiet’al arriva peu après cela avec Bosse et demie mais sans Hirjile. Il était pourtant parti dans la bonne direction. S’inquiétant pour leur compagnon, ils ratissèrent le bout de chemin qu’il avait du franchir. Il ne pouvait être loin. C’est déjà à moitié effacé par le sable qu’ils retrouvèrent son corps. Il n’avait apparemment aucune séquelle visible. Mais ses yeux semblaient comme boursoufflés, la langue bleue et comme épaissie elle aussi. Poison, peut être un venin de serpent. Dans ces dunes, il était possible en effet de se faire piquer… Une étude plus approfondie de son corps confirma cette hypothèse. Deux petites traces près de la cheville devaient être celle d’une morsure. Si de jour, il y a peu de chance de se faire attaquer. La nuit devient le royaume de ce genre de prédateur. Un compagnon pour un compagnon. Le point positif pour Gorth était l’étude des vélins sans regard extérieur. Ils retournèrent au camp pour chiner quelques affaires plus utiles à leur survie. Quelques vivres et outres d’eau supplémentaires n’étaient pas de refus, ainsi que des armes de bien meilleurs factures. Puis ils enterrèrent rapidement le corps d’Hirjile, laissant les autres au vent. Dans le désert, rien ne reste très longtemps à la surface de toute manière. Ils reprirent la route vers le sud. Arban d’Orignal le bienheureux pourraient les guider un temps. Pendant les heures de canicules, Gorth, contrairement à ses compagnons qui faisaient la sieste, commençait à étudier les parchemins. Bien que les symboles fussent pour lui inconnus, ils semblaient avoir été composés à la même époque que la construction de l’obélisque. Quelques symboles devaient avoir plus d’importance du fait de leur nombre. Mais il pouvait tout aussi bien s’agir de mots très usuels. Quelques rares étaient commun trait pour trait au symbolisme de l’ordre des prêtres de guerre en ce qui concernait les ordres de bataille : pyramide dont le centre était perclu d’un faisceau de flèche, demi-cercle se terminant en point,… Ils désignaient tous la façon que nous concevions la prise d’un lieu ou la manœuvre lors d’affronts. De plus, pour ne rien arranger, même si ce n’était qu’une hypothèse, certains des symboles devaient servir à conférer la magie à moins que l’encre qui avait servie le fut.

 

« Hum intéressant, se prononça Arban faisant sursauter Gorth, il n’avait rien entendu, probablement trop concentré dans son étude. Il avait beau avoir la taille d’un ours, il savait se montrer aussi silencieux qu’un chat.

_ Ne refait jamais ça, Arban.

_ Pardonnez-moi messire. Je fus attisé par votre concentration. Et tout en regardant par delà votre épaule, je vous prie de m’excuser pour ce manque,  que j’ai trouvé curieux de reconnaître certaines écritures bien qu’elles appartiennent à un passé révolu depuis bien des siècles.

_ Lesquels ?

_ La croix à double traverse pour commencé, le poisson à l’œil lumineux. Il montrait en même temps les symboles correspondants. Ce qu’il appelait un poisson à l’œil lumineux était en fait ce que Gorth avait pris pour un trou au sein d’une pâle ligne qui à y regarder de plus près ressemblait effectivement à un poisson.

_ Que signifient-ils ?

_ Ils ont affaires avec histoire d’ost de foi. Le poisson désigne le salut au découvert de la bataille. Cette croix est celle du très-haut seigneur pourfendant l’hérétique, le meschaing, le fourbe, le couard. Je ne connoît pas les autres.

_ J’en reconnais aussi quelques uns, mais ces rouleaux sont composés de dizaines de symboles différents. Le mystère a grand risque de rester entier.

_ Le destin a déjà voulu que nous nous rencontrâmes, et Dieu m’en ait témoin, nous révélera, en temps désiré, ses plans. »

C’est deux jours plus tard au détour d’une énième dune, qu’ils virent au loin se dessiner une ligne verte troublée par la chaleur. Ils arrivaient enfin vers la forêt et il était temps car il ne leur restait guère d’eau. Encore une journée de marche environ et ils pourraient dormir à la lisière.

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17 août 2009 1 17 /08 /août /2009 23:02

Gorth, le réprouvé, s'arrache des Cœurs Joyaux pour suspendre à sa vie quelque rêve de gloire, quelque visage d'espoir... Gorth s'enthousiasmait pour les autres à l'ombre de ses propres désirs, et de son propre désenchantement surgissaient en pointes acérées quelques larmes de beauté. Il s'était placé au centre des étoiles, dos à la grande dune millénaire, il s'était emporté à considérer son existence... voilà deux mois qu'il gravitait seul sans que de nul être vivant, il ait vu quelconque signe... Tout cela n'avait été t-il que cauchemars? Après une nuit de tremblements où la brume rendait la lune blafarde, Gorth reprit sa route, toujours forçant chaque souffle pour traverser l'abîme qui l'amènerait peut-être vers une nouvelle liberté...

Tamal'hik veillait sur le vivant et l'immortel, peut-être surveillait-il Gorth pour qu'à travers cet océan de braises, il puisse vivre encore une dernière fois… Ce fut d'abord un simple chuchotement comme un vrombissement du à une foule innombrable s'agglutinant autour de lui, le bruit allait grandissant. Gorth saisit alors ses dernières forces pour creuser du mieux qu'il put dans ce sable sec. Il y étendit son manteau et ouvrit ses gourdes. Vint la première goutte...puis c’est presque un déluge qui se déversât sur lui. Le bassin ainsi fait lui permit de boire à sa soif, remplir ses gourdes et se sentir presque propre. Sans y voir un signe quelconque des Dieux, Gorth savait maintenant que la décision était la bonne. Alors que derrière lui, les fleurs du désert s'épanouissaient déjà, des constructions humaines apparaissaient à son horizon... Quelques pas de plus amenèrent Gorth à considérer ces édifices comme de simples ruines battues par les vents, s’il s'y trouvait de la vie, cela ne devrait pas dépasser la taille d'un insecte. Gorth s'arrêta à deux jets de pierre de la première bâtisse, s'accroupit, sortit ses runes, pria le ciel et les lança à hauteur de son regard... Quatre furent lancées, trois retombèrent profilant un triangle parfait, la quatrième retomba sur la première se maintenant ainsi en équilibre. Parmi toutes les configurations possibles, celle-ci était sans doute une des moins probables. Voilà en quelques mots ce que Gorth comprit : Mort, toutes les morts, et Vie qui ne tient qu'à un fil. Sa résistance au Chaos a une limite. Ce présage n'amènerait rien de bon... Il fallait néanmoins avancer...

A mesure de son avancée, Goth découvrit entremêlés dans le sable sans même un semblant d'ordre quelques crânes et autres os humains au milieu de ces pierres. La ville avait du être riche pour qu'autant de bâtiments soient ainsi construits. Il n'y avait bien que le temple qui était fait de pierre dans son village et encore dépassait-il à peine la hauteur d'un homme. Nul n'aurait pu dire depuis combien de temps le sable faisait preuve de sa domination sur la ville, mais constatant qu'il recouvrait jusqu'au dernier étage de la plupart des édifices...Un évènement d'une rage folle avait du marquer la fin des temps pour toute une population... A part le vent qui sifflait dans les rues, nul âme ne vint accueillir Gorth...Après le désert des dunes, c'est un désert de ruines qui s'ouvrait à son regard. Si les derniers souvenirs de son village le laissait vibrant de colère vengeresse après l'odeur du sang, la vision des corps démembrés, les cris des torturés, ici il en était curieusement de même, la peine et la souffrance sourdaient de ces lieux.

 Au centre de la ville, un obélisque couleur du sable qui ne semblait pas avoir trop subit les outrages du temps laissait voir quelques glyphes. Un mandala noir empourpré dessinait la silhouette divine et sombre de quelconque dieu ricanant devant l'insécurité éprouvée par les hommes affalés en masse à ses pieds, se prosternant tous, du plus humble au plus décoré... Au dessus de toute cette masse néanmoins, un soleil percé d'un œil entrouvert semblait observer avec indifférence la situation. Devant cette vision effrayante, Gorth recula d'un pas. Un choc sourd accueillit Gorth, des étoiles dans les yeux, le sol venant à sa rencontre et le vide... C'est la tête en feu que Gorth se réveillât sans aucun indice lui permettant de se localiser, sa geôle était plongée dans le noir intégral. Nulle lueur de toute part, nul son.  Cherchant à tâtons de tout coté, Gorth désespéra de trouver une porte, il finit par s'endormir en chien de fusil, ne pouvant ni s'allonger ni se mettre debout en entier. Du temps passa enlevant à Gorth tout repère car c’est aussi de manière non régulière qu’un peu d'eau, un peu de pain arrivaient, toujours lorsqu'il dormait comme s’il était surveillé ou si la nourriture contenait quelques soporifiques.

Quelques jours plus tard, Ghort fut réveillé par la voix cristalline et pure d'une femme. Accompagné de cela, la surprise de comprendre le chant...Il n'était donc pas le seul survivant de son peuple... Voici le chant souvent utilisé lors des funérailles du chef de bataille par les prêtres guerriers :

Le soleil larmoyant résonnait au creux de l’horizon

De plus en plus enfoui, honteux en vermillon.

Espoirs en loques, rêves lambrissés de peines,

Echeveaux fougueux descendant le mont Teigne

S’étaient réunis face au vent du nord comme pour,

Interroger leur prochain pas hésitant comme pour,

Diviniser leur destinée chaotique et branlante,

En tourbillon autour de soi, en danse lente

Celle du couteau matricide qui frappe l’autre

Se frappe lui, le rebus inusité, le Nôtre.

 

Le silence revint, plus pesant encore et il finit par s'endormir. En absence de tout stimuli, il ne savait même plus s’il dormait...Tout démarra alors comme dans un songe, ce fut d'abord l'idée de lumière qui se fit sentir avec un léger souffle d'air chargé de parfums de fleurs avant que Gorth eut conscience qu’un pâle rayon se dessinait révélant enfin la porte. Doucement et prudemment, Gorth s'approcha, guettant le bruit des pas de son gardien, il n'entendit rien d'autre que le vent qui roule sur la terre, il poussa alors la porte qui, sans un grincement, s'ouvrit... En arrière plan, le vert sombre d'une forêt sans âge, et à ses pieds, une rivière éclatant de soleil. De son coté, sur la berge, quelques barques de pêcheurs, encore pleines de leurs trouvailles. Plus en avant encore, des maisons en torchis et toit de chaume provenaient le bruit de bienvenues des femmes et des enfants à leurs maris revenus. Nul édifice en pierre dans ce village à part ce curieux obélisque qui à ses pieds dévoilait  quelques salles. Il serait difficile de dire s’il s'agissait du même obélisque, car la pointe était désormais hors de portée, mais, les glyphes semblaient appartenir au même langage ou symbolisme. Avait-il voyagé par delà l'espace ou bien...par delà le temps?

Reprenant un peu à ses esprits, et pensant à sa chanteuse merveilleuse, il alla examiner les cellules avoisinantes. Ce fut dans celle de droite qu'il vit un squelette partiellement recouvert de lambeaux de peau ou de vêtements, cela pouvait être elle. S'approchant plus près encore, il découvrit un collier avec un médaillon uniformément rouge d'une chaleur indicible. Comme guidé et sans l'ombre d'une hésitation, il le mit à son cou. Le collier semblait bien plus lourd que prévu. C’est en relevant la tête que Gorth se vit encerclé par les gens, indigents, femmes et enfants, avec dans les yeux, l'espoir, et sur le visage, un sourire carnassier. Il ne les avait pas entendus arrivés ainsi dans ses pensées. Soudainement quelqu'un se mit à crier, d'un de ces hurlements de loups aux abois, cri qui fut vite repris par tous, pris de panique, il se mit à crier aussi en tournant sur lui-même. Ce fut alors la peur qui sembla s'emparer d'eux. Les bouches se fermèrent stupéfaites. C’est alors que la foule se fendit en deux, un homme d’une carrure qui mêlait force et majesté arrivait vers lui roulant des épaules, la tête haute et fière. Projetant son regard dans celui de Gorth avec défi, il s'accroupit sans le quitter des yeux, une main fermé sur le torse, l’autre ancré dans la terre. Puis il se mit à psalmodier dans un vieil idiome, qu'il ne pensait réserver qu'aux prêtres et à leurs secrets. Fils du prêtre des Gardiens, il put en comprendre quelques bribes…

"Le messager est là, qu'il ouvre le chemin pour son peuple, lui qui sait l'écriture du très haut, qui a le secret des dieux et la foi de nos ancêtres, Préserve nos âmes." Gorth, déboussolé par cette révélation, se retourna, vit l'obélisque derrière les rangs de la foule et se remit à espérer...Peut être qu’il contenait le savoir qui apportait le salut à ce peuple. Il s’avança alors, la foule s’agenouilla à son passage, la tête toujours tourné vers lui. Arrivé près du monument. Gorth distingua un grand nombre de symboles. Suivant seulement son instinct, il mit la main droite à plat sur une étrange lune au regard fermé tandis qu’il serrait le médaillon dans l’autre... Le monde vacilla et bascula...Gorth se réveilla allongé sur ce qui semblait être un lit dans un dispensaire. Il essaya de se relever. Contrairement à la première fois, bien que nauséeux, aucune douleur à la tête le surprit.

«  Hé, le 27 bouge, on dirait, va voir toi.

_ Hum.

_ Hé, on se réveille enfin ?

_ Où suis-je ?

_ A l'hospice de Gartagasse, tu sais qui tu es ?

_ Je... je suis Gorth.

_ En quelle année ?

_ La troisième du faisceau obédient.

_ Hé, Darrault? Le 27 a pris un sacré coup! »

Gartagasse devait être un descendant de l'empereur Tagasse, ainsi, contrairement à ce qu'il pensait, il était dans un avenir plus ou moins proche... Tagasse gouvernait les contrées de la Thuranie, du Naghellan et de la Farfarlaie. Mais il devait y avoir eu de grands bouleversements politiques pour qu'il puisse étendre son pouvoir en Alesai pays protégé par les hautes montagnes Blanches et la mer Intérieur...

« Où sont mes affaires ? S’enquit Gorth

_ Là  où on t’a trouvé. Elles étaient complètement pourries.

_ Où est ce là ?

_ Dans le désert, j’en sais pas plus, c’est pas moi qui t’aie trouvé. On va te donner un vieil uniforme en attendant que tu t’enrôles officiellement. Tu te demandera aux gardes à ta sortie d’ici quelques jours.

Après quelques jours pour se remettre du choc plus temporel que physique, Gorth put enfin sortir du dispensaire. Il se trouvait dans un camp militaire où l’ordre tentait de s’établir en dépit de la boue, davantage générée par le nombre incroyable des soldats marchant par les mêmes chemins que par les rares pluies qui s’étaient abattues lors de sa rémission. Au loin un désert à perte de vue,  le camp se trouvait dans une sorte d’oasis.

La plupart des gens semblait parler le Grayen, langue commune des peuples de l’ouest, là où se trouvait le fief de l’empereur. Le sien était un peu rouillé mais il lui fallait un endroit où vivre le temps de comprendre de quoi il en retournait.  Il décida d’abord de se promener pour prendre connaissance du camp. On pouvait en apprendre beaucoup au détour des conversations. La plupart avait pour nature l’attente de la solde, l’impatience de rentrer au pays, de quitter cette boue pour dormir au sec, avec le sentiment de ne rien comprendre vraiment à leur situation. Le camp était arrangé en plusieurs cercles concentriques. La tente de l’officier supérieur en son centre avec un cordon de sécurité qui s’étendait sur un rayon de trois tentes, puis un second cinq tentes plus loin. Au-delà, quelques boutiquiers, traine-misères et prostituées vendaient pour les plus riches de quoi améliorer l’ordinaire ou bien pour les plus superstitieux, quelques charmes censés éloigner le mauvais œil.  Gorth put aisément s’infiltrer jusqu’au premier cordon mais fut vite arrêté.

« Qu’est que tu fiches là ? »

_  Je cherche le cuisinier. 

_ T’es nouveau toi ? Jamais vu et pis tu saurai qu’on mange pas quand on veut ici mais quand le tambour sonne.

_ Heu oui, je sors de l’infirmerie, je pensais pouvoir gratter un bout.

_ Mais bien sur, tu m’prend pour un bleu ? t’es pas le premier à nous faire le coup, t’sais? 

_ Va voir Mayol,  la première tente avec le fanion, c’est le r’cruteur, on manque toujours de volontaires.  Suggéra le second garde.

_ Merci…»

Gorth ne pouvait même pas tenter de quitter le camp en douce ainsi vêtu comme un simple soldat. Soit il devenait un de ces porteurs de lanternes ou bien il s’enrôlait pour une cause obscure. Il lui fallait survivre pour savoir qui se jouait ainsi de lui. Il se dirigea donc vers la tente de l’enrôleur…

« M’sieur Mayol ? »

« Hum ? Une nouvelle recrue, volontaire en plus, c’est bien rare de nos jours. Bon, c’est quoi ton blaze ? »

« Gorth »

« Bien, tu signes là, c’est un deni par semaine, nourriture et logement compris. Au début, ça te permettra d’acheter ton équipement et après à le jouer aux dés. On a pas tellement d’autres moyens de passer le temps ici. Pour le logement, faudra te démerder pour te trouver une place dans le camp, si tu te fais piquer tes fringues ou tes biens, faudra pas v’nir te plaindre, c’est que t’aura pas été vigilant c’tout. Ah oui, encore une chose, les babioles, genre que tu portes au cou, sont normalement interdites. En ce moment, vu l’moral des gars, on laisse aller, mais le porte pas en drapeau non plus. Compris ? »

« Et pour l’équipement ? 

_ Tu trouveras l’nécessaire autour du camp. »

Sur le papier que Gorth avait signé, l’année était inscrite, nous étions dans la quatrième du rayon pourpre. Un siècle s’était donc passé. Gorth alla observer le marché, histoire de se familiariser avec cette nouvelle monnaie. Très vite, il se rendit compte qu’avec un deni, il n’aurait guère droit qu’à une miche de pain, le prix d’une couverture étant environ  de dix denis.

« Hé toi ! Tu as besoin d’un prêt me semble-t-il. 

_ C'est-à-dire, qu’il me faudrait de quoi dormir cette nuit mais je n’ai qu’un deni 

_ Bah, c’est pour qu’ils se donnent bonne conscience. Je te la fais à quatre deni, et tu me rembourseras petit à petit. Avec les intérêts, disons que dans cinq semaines, ta dette sera effacée. Ca te va ? 

_ Faut bien… 

_ On a toujours le choix, mais tu trouveras pas moins cher ailleurs, c’est sûr. »

Il lui fallait désormais trouver une place dans le camp, le mieux serait sans doute le plus proche du premier cordon de patrouille, pour ne pas être soumis au bruit des rixes qui ne pouvaient pas ne pas avoir lieu et avoir sa tente peut être davantage surveillée que si elle se trouvait en plein milieu des autres. Cela dit, ce n’était guère évident, rien ne laissait supposer une plus grande honnêteté chez les patrouilleurs que les autres. Au bout de quelques heures, Il trouva une tente avec un emplacement libre, plus petit que tout autre certes mais ça serait suffisant. Il ne comptait pas y rester le plus clair de son temps.

« Hé on dirait bien que la place de Urle ne va pas avoir le temps de r’froidir, maugréa un grand type émacié.

_ Urle était un gars bien et prudent aussi, jamais une parole au dessus de l’autre, il buvait pratiquement pas et avait amassé un joli pécule pour la suite, et ça l’a pas empêché de se faire cueillir comme une mouche par les grands caverneux du nord. Pff, sale engeance que ces bestioles. » 

Il s’appelait Albur, derrière lui un gars massif au regard vif, les cheveux ras  se nommait Kiet’al. Si Albur ne semblait pas très causant, son camarade ne semblait pas pour autant s’en laisser conter facilement.

«  Ici les choses sont simples, tu fais ce qu’on te dit et t’aura pas de blème. Annonça Kiet’al

_ Vous savez pourquoi on est là si proche du grand désert ? 

_ Pour le traverser pardi, de l’autre coté, parait qu’il y a des montagnes de vivres, vins et femmes, de la nouvelle terre à cultiver, de quoi recommencer une nouvelle vie enfin… nous devions déjà trouver ça ici mais, tu vois où nous sommes… 

_ Comme t’es un bleu, tu seras corvée de linge et de rangement, une bonne manière de te familiariser au camp. 

_ Hum. Que sont les caverneux du nord ? 

_ T’es vraiment un bleu toi, pourquoi il y a autant de patrouilles à ton avis ?  Ces bestioles sont grosses comme mon poing mais peuvent autant surgir de terre derrière toi pour te sectionner tes tendons comme te sauter au visage alors qu’elles sont à trente pas au moins. J’en ai tué une, une fois, je me suis brûlé la cuisse à cause de leur saleté de venin. Il y a encore quelques années, ce n’étaient que des bêtes de légendes, aujourd’hui, elles nous poussent hors de nos terres. Elles sont toujours plus nombreuses, toujours plus téméraires. Si le camp était moitié moins grand, nous aurions déjà rejoint Urle. »

Il y avait dans la mythologie de son village, une seule créature qui semblait correspondre à cette description. On les appelait les Belzés, jamais au singulier. Elles étaient reliées au temps du ragnarok, celui de la fin de toutes les fins, d’autres disaient que c’était le temps du grand bouleversement, car la vie et le temps des Dieux, lui-même, n’était qu’un cycle… Elles se faisaient ainsi les messagers du Chaos, s’adaptant infiniment à toute tentative de destruction. En tuer revenait à susciter leur colère et leur vengeance. C’était comme si chacune des créatures n’était qu’un membre d’une communauté, la perte d’un des leurs était aussitôt ressentit par les autres… terrifiant.

_ Dans mon village, on les appelait les Belzés. 

_ Hum jamais entendu, tu viens d’où ? 

_ Par delà les montagnes blanches… 

_ Pourquoi tu es là alors, il paraît que sans les guerres entre notre empereur et le patriarche, nous pourrions être tous en sécurité là-bas… 

_ Parce que, tout ne se passe pas comme on le dit. 

_ Ouaip, c’est moche. Fit-il en faisant semblant d’avoir compris.» Gorth eut la vive impression qu’ici, tout le monde avait quelque chose à cacher…   

Ainsi,  non seulement, c’était un camp de réfugié contre ces calamités mais également l’armée de contre-invasion du patriarche. Si on se préparait à traverser le désert, Gorth ne pouvait pas dire que c’est de là qu’il venait, autant se faire pendre directement. Il faudrait qu’il se renseigne sur le courant des religions, beaucoup de choses avait du changé. Il se souvient que déjà enfant, de nombreuses croisades vers les Iles centrales, soi-disant lieu de naissance de tout les divins mais aussi de tout les démons pour d’autres, déchiraient les pays, si ce ne sont pas les peuples au sein même d’une caste ou d’une famille qui guerroyaient. Des petits seigneurs jusqu’aux grand Comtes se mobilisaient pour peut-être avoir la chance d’explorer ces Iles si spirituelles. Elles l’étaient tellement d’ailleurs que personne n’en était jamais revenu, et c’était même à douter de leurs existences. Les batailles se déroulaient usuellement sur la terre ferme ou encore dans les ports… aucun navire n’avait jamais pu quitter encore les quais…Il y avait toujours un acte de sabotage qui pouvait parfois venir de l’armateur lui-même. Une époque de folie qui ne semblait pas être révolue…Voyant un symbole dessiné sur la couverture de Kiet’al. Gorth sut comment s’acoquiner ses camarades ; il demanda où l’on pouvait prier. 

« Chais pas de quelle confession tu tiens… Lui répondit Albur dans un grommèlement.

_ Je suis un dualiste du Pourtour céleste et vous ?

_ Tu as trouvé le bon coin alors, tu verras une tente avec les symboles de Vie et de Chaos à l’entrée du camp vers l’ouest. C’est bientôt l’heure de l’office d’ailleurs. Tu as ton Manteau ? 

_ L’infirmerie me la prit ou l’on laissé lorsque ils m’ont trouvé.  

_ Ces infidèles du Redoute nous font toujours des crocs de jambes. Enfin, ils nous soignent, c’est déjà mieux que la plupart de leurs confrères. On te trouvera certainement quelque chose en attendant que tu le confectionnes alors. »

C’est à l’office que Gorth fit la rencontre de son supérieur et bien que la même foi aurait du conduire à davantage de complicité en ces temps de troubles, celui-ci du nom de Julieu Farth jugeait opportun de mettre à profit la hiérarchie pour se vautrer dans la prétention et l’abus du plus faible, un opportunisme de premier choix en somme. Et c’est tout naturellement donc que ce dernier n’eut pour Gorth qu’un simple regard actant de sa prise de connaissance.

Du temps passa sans grand nouveauté au camp, on comprenait mieux  le laisser-aller des soldats lorsque aucune nouvelle plus importante que l’incendie d’une tente par simple imprudence et non par malveillance avait lieu.

C’est Kiet’al qui au milieu de la nuit le réveilla. Kiet’al aspirait à devenir sergent et pour cela travaillait dur comme patrouille et messager en sus de ses corvées quotidiennes. Et Gorth comprit mieux pourquoi le ton de Kiet’al paraissait si hostile au milieu de la nuit…

« Quelqu’un là-haut veut te parler… 

_ Où ça ? »

_ A la grande tente, donne leur ça. »

 Il lui donna un laisser passer.

Des questions pourraient peut-être trouver leurs réponses…

 

« Gorth, nous savons qui tu es et pourquoi tu es là… »

Saisissant, il était presque ironique de penser qu’ils en savaient plus que lui-même…

«  Ainsi, nous savons que tu viens du nord pour t’informer des dispositions prises en compte pour survenir à notre déclin… Nous ne le laisserons pas faire… Nous ne pouvons pas te tuer pour autant, trop d’incidences en découleraient et soulèveraient la suspicion chez les troufions. Alors bon,  nous n’avons pas encore découvert comment tu communiquais avec tes seconds… C’est pour ça que nous t’envoyons au sud en éclaireur avec quelques autres. Tu seras conduit par un tiers à l’extérieur du camp. On te donnera ton paquetage… Tu pars ce soir. Ainsi éloigné de tes pairs, la menace que tu représentes disparaîtra. On pourrait aussi bien t’éliminier sur le champ mais nous ne tenons pas à ce que tes complices soient au courant…»

Le capitaine Paulo Grajik ne laissa place à aucune réplique.

Quelques heures plus tard le revoilà parti avec ses « nouveaux compagnons », c’est non sans surprise qu’il se vit avec Kiet’al qui pour le coup était heureux de cette nouvelle marque d’intérêt de ses supérieurs. Tous n’avait pas du entendre le même discours.  Les trois autres compères ne partageaient rien de commun. Aucune confession, aucune patrie, aucune culture, et même le langage n’était qu’approximatif… Une façon comme une autre de les condamner secrètement sans qu’aucun ne dusse mettre la main à l’épée.

 

C’est à l’aube, après les présentations qu’ils partirent vers le sud… Gorth espérait que Tamal'hik était encore parmi eux…Gur’al de la Presqu’île de Thur,  Canonis le Guelte et Arangadir de Ploie. Tout trois étaient de confessions différentes.

La presqu’île de Thur était connue pour le culte du sang, non celui des barbares du grand nord qui poussait son peuple à se sacrifier sur l’autel des dieux mais son antonyme le plus complet. Les Thuréens ne répandaient le sang que celui de la naissance, toute blessure devenait alors le toucher du divin. Il n’y avait sans doute pas religion plus pacifiste. Avec le sang, venaient les pulsions de vie et l’enfermement dans la crainte de la souffrance. La mort devenait alors une libération. La vie était alors vue comme une épreuve qu’il fallait passer. Le suicide ou le meurtre étaient vraiment très mal vu puisque c’était empêché la libération de l’âme et la contention du sang dans l’enveloppe de chair.

Canonis le Guelte était un frontalier de Gur’al. Il croyait en somme au même mélange contenu si ce n’est la nécessité dans la vie de répandre le bien autour de soi et échappé à une nouvelle existence terrestre. Le cycle de la réincarnation étant vu comme l’enfer. L’énorme point de désaccord était l’immortalité de l’âme pour Canonis et la mortalité de toute chose pour Gur’al. Il s’agissait en tout cas de deux peuples très pacifistes. Il était curieux de retrouver des émissaires aussi éloignés de leur pays dans un conflit sans réel substance, pour Gorth tout du moins.

Arangadir était sans doute le plus éloigné de toutes les autres par sa croyance au divin ancré dans le vent. Car c’est sous le vent que pouvait naître tout mouvement. Sans doute par le fait d’appartenir à un peuple marin, cela pouvait s’expliquer. Il était curieux de penser que l’eau n’avait rien de plus sacré que cela pour eux…Cette religion était fortement répandue aux abords de la mer Intérieur et de l’Océan du Vide se trouvant à l’est de l’Alasaïe. Cette religion prônait le mouvement parfait et l’harmonie infinie, c’est pourquoi leurs moines guerriers avaient un style de combat très particulier faisant d’eux des soldats bien souvent respectés.

Au contraire, la dualité du pourtour céleste était une des plus vieilles religions du continent et sans doute une des plus compliquées dans les contradictions qui venaient des atermoiements de l’histoire. Pour faire simple, elle surimposait l’image d’un dieu vengeur et donc guerrier à celui d’un dieu de la vie et donc amical dans des rapports très codifiés.

Aucun infidèle de la Redoute, c’était déjà ça…Ces gens étaient des nihilistes intégristes dont il était difficile de faire entendre raison. Leur religion n’avait pas de nom. Car le nom était lui-même une hérésie. Le nom de Redoute était alors resté pour les désigner tant ce sentiment était fort chez les populations attendant leurs attaques il y a quelques siècles.

Après ce petit cours de religion, il était temps pour eux de se repérer et de remplir la mission s’il en s’agissait vraiment d’une. Ils attendirent le lever du soleil, ainsi marcheraient-ils vers le sud avec assurance.  La journée fut éprouvante à travers le désert, quelques minutes de repos à l’ombre des dunes  de temps en temps pour leur permettre de boire fut leurs seules pauses de la journée. Le sable avançait vite et on comprenait mieux l’image d’un océan donné par Arangadir. La nuit fut fraîche et très calme après une journée très chaude à travers le chant des dunes.  Ainsi durent-ils faire une trentaine de kilomètres avant d’arrivée à un poste avancé protégé par un puits et quelques palmiers dattiers. A sa vision, Gorth fut pris à partie par Kiet’al.

« Je ne crois pas que nous soyons partis pour être enterrer.

 _ Que t’ont-ils dit ? 

_ Comme à chacun, je pense, mission de reconnaissance, jouer les éclaireurs

_ Et ? 

_ Si on avait du être évincer, nous l’aurions été autrement, et puis pourquoi nous faire partir si précipitamment sans nous laisser le temps de prendre notre paquetage. Tout cela était trop bien préparé… 

_ Je pensais la même chose, de plus, on ne met pas des gens d’origines aussi diverses sans raison… 

_ Une idée ? 

_ Pas pour l’instant, il faudra être patient. 

Arrivant plus près, avec un accent très rocailleux, un homme dans la trentaine les héla.

_ Ah vous voilà enfin, ce n’est pas trop tôt, c’est qu’on a plus grand chose comme vivres ici. 

_ On nous a rien dit de plus que d’avancer vers le sud… Des vivres ? pas plus que ce que nous pouvions chacun porter…

_ Quelle bande de couillons, c’est la deuxième fois ce mois-ci qu’ils nous font le coup, j’espère que vous aimez les dattes. » 

Installé sommairement au pied des palmiers, le camp se composait d’une dizaine de personnes affairées à rien de précis au prime abord. Une observation plus poussée attira Gorth à considérer leur travail comme celui de dépoussiérage et de recopiage de textes.

« Hé, tu m’as l’air un peu éclairé de la lanterne que tout autre toi ! » Il faudra que Gorth se montre plus vigilant.

_ Je me demandais ce que faisait un poste avancé ici… 

_ Ho, bonne question, de simples fouilles , mais viens plutôt par là, tu vas me dire ce que tu penses de ça. » 

Attiré dans sa tente, il se fit présenter de vieux vélins sur lesquels des symboles vaguement reconnaissables par Gorth semblaient avoir été tracé avec une encre rouge. Sans doute, venant d’un poisson des rivières au sang bleu qui s’oxydant devenait d’un beau cramoisie.

«  Je n’en reconnais aucun, désolé. 

_ Comme chacun d’entre nous, personne ne sait ce que nous avons découvert. Nous pensons à une civilisation disparue bien sur. Avec ces vélins, peut être pourrons nous trouver la clef de cette énigme… 

_ Et en quoi est ce important en ces

 de troubles ? 

_ Tout pourrait reposer sur ce que nous pourrions découvrir. Nous sommes aux portes d’un gouffre, savoir lire les inscriptions se trouvant sur le linteau est capital. Qui sait ce que nous pourrions trouver de l’autre coté du désert ? Nous sommes pressés de toute part certes mais nous devons être méfiants. »

Gorth ne savait pas quel statut avait Hirjile l’historien dans le commandement du camp, mais, autres choses devaient se tapir dans le coin. Et ces informations n’étaient que parcellaires dans ce qui semblait opposer, l’Irréel et le Chaos au monde des hommes.

Gorh fut tiré de second quart à l’oasis : le moins agréable pour passer une nuit correcte. Néanmoins, il le partagea avec Kiet’ al pour qui une certaine habitude naissait.

« Bizarre de trouver des ruines au milieu du désert, non ? 

_ Il a put se passer beaucoup de choses ici comme il s’en passera encore beaucoup. 

_ Hum, loin de la doctrine du Pourtour, ta réflexion.

_ Tu as vu avec qui nous devions faire équipe ? 

_ Ouaip, drôle d’époque. On se demande pourquoi il y a ce besoin de se réunir et en même temps, cela n’a pas empêchés certains alliés de tout temps de se chercher des poux.  L’empereur a finalement eu raison de tous ces différends et c’est sous l’unification que tout s’est mis à dérailler. Seul le patriarche s’en est gardé. Tu ne t’es jamais demandé pourquoi vous n’aviez pas souffert des croisades impériales ? Gartagasse nous a fait tellement traverser de contrées hostiles, à pieds ou en en bateau que je n’imagine pas pourquoi quelques montagnes l’ont effrayé.

_ Il y a très longtemps, si longtemps qu’il s’agit peut être que de fariboles ou légendes, un sceau empêcherait à quiconque porteur de mauvaises intentions de passer les cols les plus accessibles.  Ne resterait que les chemins des chèvres pour traverser les montagnes. Le patriarche a peut être trouvé un moyen pour réactiver la frontière.

_ Hum, bizarre de quitter un pays où tu étais tranquille alors …

_ La loi est intraitable pour ceux qui la violent. »

Kiet’al ne poussa pas plus loin son interrogatoire. Il y a certaines choses qui doivent rester cacher. Partager un secret est rarement chose agréable surtout si il demande une quelconque responsabilité.

« Et l’Empereur ? reprit Gorth pour détourner la conversation.

            _ Jamais vu, à chaque fois que j’ai posé la question, on me répondait invariablement qu’il était soit en vadrouille exploratrice, sont en ses quartiers. Mais c’est un méfiant. Lorsqu’une escouade impériale quitte le camp. Il n’y a jamais moyen de savoir si en effet il s’y trouve. Et de plus, trois ou quatre autres ont le rôle de leurre.

_ Assassinat ?

_ Des tentatives avortées… Elua Kiet’al »

C’est juste avant la relève que Gorth perçut à l’extrémité de son champ de vision, une ombre blanchâtre comme la lune. Le temps de tourner la tête, elle avait disparue. L’air dans la nuit s’était soudainement réchauffé comme devenu lourd. Quelques secondes passèrent sans un bruit comme si tout air avait été aspiré et puis une des tentes les plus éloignées sembla se consumer de l’intérieur à une vitesse sidérante. Il fallut moins de quelques secondes pour qu’elle ne soit entièrement que cendres. Ses habitants ne semblaient même pas avoir eu le temps d’en souffrir. Gorth courut vers elle,jouant avec les ombres des palmiers projetées par les flammes. Son amulette lui piquait la poitrine et semblait battre son rythme propre comme si elle prenait vie. Plus il s’approchait de la tente et plus elle le brûlait. A quelques pas de la tente, pas un signe de vie cependant. C’est alors qu’une explosion effroyable déchira le silence de la nuit. Gorth plongea ventre à terre évitant ainsi la plupart des débris. Puis une couronne de vent sembla naître du centre du camp soufflant le moindre des feux. Il avait fallut quelques secondes pour se retrouver au milieu de ruines fumantes. Gorth cria au alentours et Kiet’al répondit en écho. Ils se retrouvèrent. Il était lui aussi sain et sauf. Ils partirent alors à la recherche de survivants, fouillant les décombres. Ils découvrirent l’historien affalé, couvert des vélins et vivant. Arangadir quant à lui gueulait comme un porc, se couvrant l’œil percé d’un débris de tente des deux mains. L’aube se leva sur un champ de décombres, les dattiers ne semblaient avoir aucunement souffert des forces mises en jeu.

Ils n’étaient plus que quatre. Les caverneux du nord ne pouvaient en aucun cas être la cause du désastre. Elle relevait cependant de la Frontière. Les cadavres étaient vitrifiés sous le feu de l’enragée et folle explosion magique. Gorth se demandait comme il avait pu en réchapper sinon par la chance d’être dehors ainsi que Kiet’al. Arangadir pouvait être dehors puisqu’il était de la relève mais l’historien restait un cas inexpliqué. Hormis les vélins découverts, les blocs de pierre étaient partiellement fondus rendant toutes traces d’inscriptions confuses. Gorth se devait de rester prudent même si il était relié par quelconque obscure lien avec ces évènements. Il devait être méfiant en en révélant le moins possible.

            Il se trouvait que Kiet’al n’était pas ce qu’il paraissait. Il s’était joint à cette expédition dans le but de purger l’hérésie en tant qu’excommunicateur de son prieuré. Il avait su se préserver de cette magie en faisant appel à la protection de son Dieu…

            Arangadir pour sa part était le grand Scribe de la Flibuste. Sentant dans l’air quelque appel de magie. Il n’avait eut que le temps d’écrire dans le sable le symbole du son gardien. La précipitation de son invocation rendant imparfaite son écriture lui avait coûté son œil.

            L’historien explique que pour sa part, les vélins avaient joué comme un rôle de talisman. Le collier ou le pendentif de Gorth avait dû faire de même.

            Ainsi deux maîtres en arts magiques, un chanceux et un « possédé » ou du moins manipulé faisaient face à quelques sombres machinations.

            Hirjile expliqua ce qu’il se passait ici :

            « Il y a beaucoup de magie de part le monde, disons, beaucoup de manière de faire appel à elle. Mais ça vous le savez déjà.  Cela fait maintenant six mois que les vélins ont été découvert et me protègent. D’autres compagnons sont venus ont été soumis à …l’épreuve si l’on peut dire, ils ont survécu ou pas. Votre potentiel a été préalablement déterminé au camp et voilà pourquoi vous vous êtes ici maintenant. Le prévoyant nous en a informé. La sélection a été faite. Il semble que la magie faisant appel aux inscriptions semble fonctionnée contrairement à celle des éléments. Les magies de l’âme ont rarement la force de résister. Kiet’al ? Surprenant. Gorth, tu n’as a priori aucune connaissance de la magie et pourtant tu as survécu…

            _ Qui était derrière cette attaque ? coupa Arangadir.

            _ Personne, nous nous trouvons simplement à un nœud de puissance, c’est donc de manière cyclique que le camp se fait rasé et consumé dans les flammes et le vent. Toujours au tiers de la course de la lune.

            _ Si nous vivons ça, c’est qu’un dérèglement est survenu. Mon boulot est de rassembler les personnes qui survivent et qui ont donc le potentiel pour découvrir le levier qui permettra d’équilibrer les puissances.  Nous allons désormais rejoindre le camp de l’empereur. Là bas, nous aviserons. »

 

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