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17 décembre 2010 5 17 /12 /décembre /2010 14:19

Le 18 Septembre

Je compose le début de ce journal sur les souvenirs qui s'articulent autour d'un évènement majeur, crucial dans ma vie, dans nos vies, et, si j'ose dire. Je situe à cette date, le premier phénomène étrange, ensemble d'images, de sons, de flashs, d'odeurs qu'ils aient touché sans discrimination  mes yeux, mes oreilles, mon nez, mes mains, ma peau.

J'étais sur le quai du métro La Chapelle. C'est une station qui se trouve en hauteur, on y a une vue particulière ainsi placé à mi-hauteur des immeubles. Le train était en restard. Un homme venait de se jeter sur les rails un peu en amont de la ligne. Il faisait bon, le ciel était bleu et les gens étaient, les gens, indifféremment indifférents à ce qui pouvaient se passer autour d'eux. Les moins sensibles par l'accident étaient ceux qui rouspétaient pour le retard...

Pourtant, en dépit de cette apparente normalité parisienne, quelque chose tremblait au coin de mes yeux, comme si l'air était moins dense derrière ou à coté de moi. Cela vibrait d'une fréquence faible comme si finalement sous les coups inaudibles d'un tambour, j'en percevais par la vue, la compression des couches d'air. Un peu plus loin  sur l'horizon, un nuage grossièrement sphérique mais à bien y regarder, comme finement sculpté se tenait, immobile à quelques centaines de mètres de ma position. Il devait faire environ quelques mètres de diamètres à quelques centaines de mètre d'altitude et ne semblait que légèrement tourné sur lui-même.

Tandis que l’observant, je m’interrogeais sur la cause d’un tel phénomène, les pulsations cessèrent tout à fait. De la forme blanchâtre, s'échappait une pâle lueur tremblante dont la couleur évoquait les rouges lointains. Cette couleur, bien que je peine à qualifier exactement la tenue se répandait aux alentours et j'y voyais une anormalité incommodante. Le nuage se dissipa finalement dans une rafale de vent violent. 

Je ne me souviens pas avoir partagé ce témoignage avec quiconque sur le quai du métro. Et je doute encore à savoir si mes sens hallucinés n'en étaient pas l'auteur.

 

Le 20 Septembre

Les chiens ont jappé fort cette nuit. Ce n'était pourtant pas la pleine lune et le temps n'était pas à l'orage. Ils ont du se calmer vers les trois heures du matin. C'est la dernière fois que j'ai jeté un œil à la pendule avant de m'endormir. Néanmoins, je me réveillais tôt. J'avais d’abord à prendre le RER assez tôt pour me rendre à la gare. Et de là, en prendre le train pour gagner Seignosse.

A cinq heures, les gens qui peuplent les quais et les trains de banlieue représentent une image dont j'avais été sensibilisé à la lecture de l'histoire comique des états et empires de la Lune de Cyrano de Bergerac : il y a ceux qui reviennent, ivre d'une nuit folle et ceux qui vont nettoyer leurs merdes. Les premiers étant bien plus jeune que les seconds. Qui fait le monde ? Ceux qui le salissent ou ceux qui le nettoient ?

Dans la rame du Rer, j'étais seul et regardais pas la fenêtre le paysage nocturne défilé : les lampadaires qui jetaient leur regard blafard sur les trottoirs humides. Je m'endormais à moitié lorsqu'à l'arrêt de Cité Universitaire, un individu entra. D'un aspect plutôt jeune, il paraissait par sa démarche et son regard, d'une dizaine d'années mon aîné. Une barbe de trois jours lui décorait la mine. Les cheveux en bataille de la couleur de paille dépassaient sans ordre d'un large sweat à capuche. Chacun de ses pas laissait entendre un bruit de succion accompagné d'un chuintement, ses bottes en caoutchouc accusaient leur âge. Je reconnu alors, l'équipement parfait d'un rôdeur des catacombes.

Il s'assit en face de moi alors que j'étais seul et qu'il y avait tant de places autour. Ce qu'il me dit, je n'y ait prêté attention comme lorsqu'un homme ivre cherche à vous parler, vous souriez gentiment et priez que cela ne dure pas. Ces paroles m'ont néanmoins marqué si bien que je peux les retranscrire sans écart. Bien qu'il parlait français, les mots étaient hâchés et sa syntaxe était primaire non pas à l'image d'un enfant qui ne possède que quelques mots de vocabulaire pour s'exprimer, plutôt celle d'un adulte qui a oublié et peine à se rappeler les sons à produire. Je livre ici ces paroles entendues : 

"Le trône se construit ouverte la porte désormais va voir va voir fermer les yeux brûle ton âme sinon le trône la porte ouverte plus le temps n'est plus." 

Je transcris sans ponctuation, le rythme avec lequel il scandait ses phrases ne suivait aucune logique. De longs silences s'inséraient entre deux mots et parfois, c'est avec un débit tel qu'il les prononçait que je ne les comprenais qu'à peine. Il répéta bien dix fois tout ces mots avant de descendre. J'étais soulagé de ne pas avoir à le suivre plus avant. Avant de quitter le train, il me tança du regard avec la bouche ouverte comme un poisson sortit de l'eau. Puis, il dévala le quai en hurlant des mots parfaitement étrangers dont la phonétique ne m'était alors aucunement familière.

Bien que cet homme avec ce fort pouvoir de répulsion, par son regard, le son de sa voix et ses propos incohérents, l'odeur de pourriture humide qui se répandait au moindre de ses gestes, je le prenais davantage pour un fou, un esprit déréglé que pour une menace réelle. Je passais le reste de mon voyage sans m'en soucier davantage.

PS : C'est plus tard que certains de ces mots prirent du sens et que je rencontrerai à nouveau cet homme...

Le 22 Septembre

Je me trouve à plusieurs centaines de kilomètres de Paris au bord de l'océan. J’ai d'abord pensé que cela m'éloignerait suffisamment des phénomènes étranges dont j'avais été témoin. Malheureusement, la sensation d'être épié par l'espace entre les coins, entre les surfaces, la sensation que tout va exploser à l'image d'un regard dans un kaléidoscope revient plus présente que jamais. 

Le sable chante sous chacun de mes pas, il forme une croûte qui se craquelle et laisse entrevoir en différents instantanés, la présence d'un autre monde, d'une autre logique. Les vagues se brisent à leur habitude. Je me calmais en me concentrant sur leur musique, leur respiration. Cela arriva doucement, lentement comme à la limite du champ de mes perceptions, comme lorsqu'on se sent glisser dans le sommeil. Et pourtant, je ne dormais pas, j'étais même davantage concentré sur ce qui venait, approchait. Mes yeux étaient fermés. J'avais peur d'observer quelque chose que je ne pourrai appréhender ou comprendre.

L'air changeait, il se chargeait de particules malodorantes, l'odeur d'un animal gangrené de l'intérieur. Elle se faisait de plus en plus présente arrivant avec le même rythme des vagues, comme un souffle de quelque bête venue des enfers qui camouflait sa respiration. L'océan respirait deux fois...il y avait les vagues, et il y avait, ça...

Mon cœur battait à tout rompre si bien que mes mains s'étaient crispées d'elles-mêmes et tremblaient. Bien que je ne comptais qu'une dizaine de ces respirations méphitiques, cela me sembla durer des heures.

La vraie "nature" repris ses droits et les odeurs disparurent peu à peu. J'ouvrais les yeux à nouveau et après quelques secondes pour me réadapter à la lumière violente du soleil, j'observais le rivage. Tout semblait être normal. Toutefois, une sorte de rocher que je n'avais pas perçu avant était là à quelques dizaines de mètres du bord. Je ne sais pas d'où il est venu. Une sorte de brume à la couleur indescriptible proche de celle s'échappant du nuage observé il y a quelques jours entourait le bloc. Les remous de l'eau à son encontre semblaient même échapper à quelques lois de physique élémentaires.

Je me réconforte en pensant à une nature dont de nombreux aspects sont encore ignorés de tous ou bien qu'il existe plusieurs natures qui cohabitent dans une même réalité avec des problèmes de cohérence auxquels je serai sensible...Je prie pour que le mal-être que je ressent à ces manifestations ne soit pas de simples préjugés face à cette inconnue réalité.

 

Le 23 Septembre

Des traits mordorés de pinceau céleste tombaient sur la mer dormante.

Son voile s'accordéonne avec douceur sous leurs caresses enjôlantes

Allant du blanc et du bleu vers le gris acier et doré

 

Le sable s'accroche et se colle à la peau.

Il caparaçonne et transforme la chair

On s’écaille, la gorge coincé dans un étau

Nous étouffons ainsi plongés dans l’air.

 

Mais l'eau pue, et le poisson n'est ni blanc ni bleu

Ni gris acier, ni doré, il est écailleux en vert globuleux

En vert pourrissant. Il est corrompu

Les nageoires lui poussent à travers l’âme

Se détruisant au néant, il crame.

Le 25 Septembre

 

L'océan montre toute sa violence aujourd'hui. Les nageurs se font soulever et emporter devenant de simples jouets ballotés par les flots. Cela se fait dans de grands éclats de rire et même les adultes redeviennent enfants laissant leurs instincts dominer leur actes. On rie et on crie comme dans un manège. Le sable crisse sous les dents, on goutte l'océan par tout nos sens en éveil.

Je ne peux m'empêcher de penser que nous nous corrompons ainsi, ingérant peut être, une infime partie du rocher apparu il y a quelques jours. Je ne le vois pas aujourd'hui. Soit que les vagues le recouvrent tout à fait, soit qu'il ait disparu comme il était venu. J'espère seulement que ce sentiment de corruption, de voir des choses qui ne peuvent être n'est qu'une crainte, un effet des nerfs et ne se propagera pas dans les jours prochains.

Bien que, ce dont je suis témoin soit de formes et d'aspects différents à chaque fois, un lien existe peut être entre toutes ces évènements.

Je ne parvient pas à me sentir autrement que trahis par la Nature, non pas que j'ai signé quelques pactes avec elle, je trouvais simplement une assurance à savoir en expliquer quelques aspects...

 

Le 27 Septembre

La nuit a été difficile, bruyante, due au chaos atmosphérique qui sévissait au dessus de nos têtes. Le ciel était lourd et menaçant. Les éclairs crevaient la nuit en cicatrices aveuglantes. L'inquiétude se lisait sur les visages de mes collègues. La terre elle-même semblait trembler sous les coups répétés du tonnerre. Comme si le ciel cherchait à la fendre en deux, à l'ouvrir pour découvrir ses entrailles. Nous subissions encore les éléments naturels. Les nuages étaient tous en circonvolutions, bouillonnant, donnant naissance à des bourgeons sombres et funestes. La pluie s'abattaient à grands fracas sur les toits. Nous entendions la houle souffler à travers les dunes propageant les sons d'une flûte interdite. La mer rugissait. Je sentais les échos d'une langue d'un autre monde où tout se modulait autour des voyelles o, a et ou. des consonnes cassantes en k et en kr ajoutaient le rythme. Comme si il y avait une sorte de prêtre psalmodiant je ne sais quel sortilège.

Cela dura environ une dizaine de minutes avant de cesser complètement aussi brusquement que cela avait commencé, tonnerre, éclair, vent se turent au même instant. Même les vagues s'étaient calmées. Ce qui vient ensuite, fut choquant et pour la première fois fut partagé par de nombreux témoins. Une odeur fétide nous assaillit au nez et à la gorge dans un dernier souffle. Quelques amis et collègue à qui j'avais parlé de mes observations précédentes me prirent alors à part pour me confirmer l'étrangeté du phénomène et à moins que nous ayons tous ingéré quelques drogues hallucinogènes, il était impossible de partager la même sensation : quelque chose dérangeait, quelque chose n'était plus à sa place. Bien que ces phénomènes allaient s'amplifiant, j'étais rassuré de ne pas être fou. Je n'en doutais pas moi-même mais de voir ces phénomènes aux allures naturels suivre une totale absence de logique, enfin, une logique qui ne nous appartient pas...

Les hypothèses pour expliquer ces manifestations ne manquèrent pas et abreuvèrent les discussions jusqu'au petit matin. L'alcool aidant, nous nous rassurèrent et parvinrent à rire un peu... Et je ne sais pas si c'est cette ivresse mais aux frontières de mon champ de vision, cela vibre encore... 

 

Le 03 Octobre

De retour à la capitale. Je n'ai pas pu tenir le journal à jour durant cette dernière semaine. Le retour a faillit être impossible et je ne crois pas exagérer en disant fatal. Les météorologues s'entendent à parler de la tempête du siècle sans parvenir à connaître les causes ou la nature exacte. De lourds et sombres nuages ont littéralement arraché les lignes électriques, le train n'a pu aller bien plus loin après ça. Les rafales devant étaient si violentes qu'il tanguait presque comme un bateau gouverné par les vagues. La radio, le téléphone ne fonctionnaient plus. Nous étions isolés et perdus. Mes amis et moi-même sommes parvenus à rester suffisamment calmes pour rassurer les plus effrayés. Une force, sans doute la même que l'évènement précédent était à l'œuvre. Nous relevions certains "indices" de cette autre présence dans le balancement des ramures qui se faisait à contre sens du vent, dans la mélodie peut être trop humaine créée par le vent passant entre les cimes des arbres. De lourds battements se faisaient entendre et nous trouvions suspects que la grêle puisse être la seule responsable de tels rythmes. La panique des voyageurs grandissait et s’alternait selon les périodes de somnolence et de veille. Le personnel du train appelait au calme et on devinait bien qu'ils étaient aussi nerveux que nous. Les secours ne devraient en tous pas tarder, un protocole d'urgence se mettait automatiquement en place dès la perte du signal avec le train. Il espérait simplement que la tempête ne retarderait pas l’arrivée des secours. Ils mirent trois jours et deux nuits. Durant tout ce temps, ni le vent, ni la grêle, ni la pluie, ni le rythme trop régulier et répétitif, ni les sons de cette flûte d'outre-monde ne cessèrent. Nous nous regardions, mes amis et moi, et ne soufflèrent mot à quiconque de nos observations, ou de notre expérience de la semaine passée.

Nous avions peur de lever une autre panique plus effrayante que celle que nous ne parvenions à réprimer qu’à grandes peines. Nous avions peur également d'être pris pour cible... Et si les témoins de l'évènement précédent étaient les seuls à pouvoir observer ces phénomènes contre-nature ? Et si à cause de cela, nous étions poursuivis pour abattre le silence en nos esprits ?

Il nous fallait plus de connaissances, peut être que l'humanité avait déjà subit de telles attaques et que l'histoire en gardait des traces... Nous décidâmes de créer un réseau, et mener une correspondance relatant ce que nous pourrions voir, entendre, apprendre à travers des archives, des ouvrages ou d'autres témoignages. Peut être apprendrions nous une cause raisonnable ? une solution peut être ? Nous espérions ne pas tomber dans une folie et que ce regard nouveau contemplant l'inexplicable n'est pas le signe d'une chute imminente...

Le 05 Octobre

Je me suis fait surprendre par la pluie. A la sortie du taffe, je n'avais pas fait dix mètres que le ciel s'est mis à déverser des tombereaux d'eau. Le ciel s'est obscurcit en l'espace de quelques minutes seulement. J'ai trouvé refuge dans le bar le plus proche, une sorte de pub un peu dans le style Irlandais. Le problème avec cette pluie, ce n'est pas tant sa soudaineté que le fait qu'elle puait. Même abrité, l'odeur indescriptible de charogne en décomposition avancée, de soufre oxydé, de végétaux pourris passe à travers les murs. Tout l'air en est saturé. des éclairs sillonnent le ciel sans ordre apparent. Je n'en ai jamais vu de tels. Ils ressemblent à ceux des orages de chaleurs, sauf que là, il ne fait pas même vingt degrés. Le ciel se déverse sans discontinuer et l'aspect chaleureux du pub se transforme très rapidement en endroit de la dernière chance. Le pub est maintenant bondé d'inconnus et leurs vêtements trempés ne parviennent qu'à étouffer la pestilence de l'air ambiant. Certains affichent un sourire et tente de rire de la situation, les cheveux dégoulinants d'une eau noire et boueuse au point qu'on se demande si ces gens ne se sont pas fait une mauvaise teinture. Les autres pressentent une certaine violence dans les éléments en furie, un certain responsable derrière ce déchaînement. Ils prennent du thé ou un chocolat chaud pour retrouver peut être les sensations d'un foyer protecteur. D'autres une bière bien fraîche et désaltérante pour se souvenir d'un temps meilleur où le soleil irradie sa chaleur.

Je tente d’oublier un peu le chaos extérieur en lisant la lettre que j'ai reçu une lettre de Lyon, d'un de mes amis avec qui j'ai partagé l'épisode du train. Il a commencé à mener des recherches et trouvé parmi les archives d'un journal local traitant d'astronomie, les faits divers célestes et autres contes plus ou moins surnaturels: comme des bolides perdus ou des étoiles filantes venant d’une partie improbable de l’univers, les étoiles clignotantes inexpliquées et d'autres phénomènes étranges qui n’ont au prime abord que peu de lien avec ces phénomènes. Il va chercher à raccorder les dates des évènements avec d'autres qui auraient pu toucher les gens du pays. C'est un angle de recherche auquel nous avions pensé du fait de l'affinité de cette entité pour les éléments naturels et surtout atmosphériques. Il m’indique également d’autres livres particuliers qui, n’ont que peu de pertinences scientifiques mais écrit par des personnes, aujourd’hui disparues, dans certains gouffres de la folie.

J'allais de mon coté plonger plus profondément dans l’histoire des endroits de Paris associés à de tels légendes ou histoires sombres tels que les catacombes, ce Paris des bas fonds où les reclus, les marginaux se contemplent dans certains spiritismes absurdes. J'avais conscience qu'il pourrait être difficile de séparer la réalité des allégations folles dont je serai peut être témoin mais un fond de vérité et la découvrir pourrait être une piste intéressante.

Ca y est, la pluie s'est arrêtée et avec elle cette odeur de mort. Les gens sortent petit à petit levant peureusement le regard vers le ciel redevenu bleu. Les trottoirs sont noircis, et comme embourbés. Quoique cela a été, les gens ont senti la présence de cette "chose". La tempête était très localisé comme si finalement, elle m’avait suivit et n’attendait qu’une chose, pouvoir s’abattre sur moi. Je crains que, cette entité ou quoique cela puisse être possède une certaine intelligence pour ne pas frapper à l’aveugle. Il va falloir que je trouve un moyen de m’en protéger…

Je me rend compte du danger à personnifier tout cela derrière une "entité". Il ne faudrait pas que je comprenne ce qui se passe sous le couvert d'une logique "humaine". Le chaos n'a pas de logique et encore moins d'humanité.

 

Le 07 Octobre

Je suis parti sur Lyon, précipitamment après un appel de mon ami durant la nuit. J'ai donc pris le train avec une certaine appréhension mais le ton urgent qu'il avait au téléphone ne m'a pas laissé le temps d'une autre solution. Avec le caractère fantastique des cieux, je préfère encore être sur le sol bien qu'aucun accident d'avion sensationnel ou inexpliqué ne soit encore arrivé.

A quelques dizaines de kilomètres de la ville, au cœur de la forêt, transpirait le surnaturel par l'entremise d'une sorte de pierre levé, de monolithe. Mon ami n'a pas su me décrire exactement sa géométrie, son histoire. Il semblait à la fois perturbé et excité. Le phénomène avait lieu toutes les nuits. Il ne comprenait pas mais plus qu'excité, il était comme fasciné. Il parlait avec de vagues mots, de solutions définitives à tout ce qui nous angoissait.

Ce que je tirai au milieu des qualificatifs comme, sensationnelle, d'une beauté incroyable fut que son origine était sans doute volcanique mais qu'elle n'appartenait pas aux montagnes environnantes. De l'étude qui avait été faite quelques décennies plus tôt par des géologues ressortait une datation assez imprécise de son origine. Cette pierre aurait été amené du cœur du massif central à l'époque du pléistocène, époque des premiers hominidés. Mon ami faisait le rapprochement avec les sites de pierres "debout" tel que Carnac ou encore Stonehenge, ces pierres qui ne parlaient plus se réveilleraient peut être comme celle-ci. Elles étaient, selon ses propres termes, des portes garantes de l’intégrité de notre monde…

Mon ami avait bien changé en à peine une semaine. Il avait un caractère très différent. D’habitude sceptique, réfléchi, calme et posé, il débordait d’une énergie que je ne lui connaissais pas. De plus, il semblait sans cesse distrait et ne parvenait pas à mener une discussion normale. Il revenait toujours à la Pierre. Nous sommes passés à un magasin de camping pour nous préparer à passer une nuit à observer le site. Je m'étais muni pour l'occasion d'une caméra numérique et de petits sacs plastiques, d'un marteau et d'un burin me permettant de prélever des échantillons du site alentour et du monolithe.

Ce qui s'est passé cette nuit... je ne peux le dire qu'avec des mots qui seront sans nul doute que trop faibles pour énoncer ma douleur, mon incompréhension totale, ma frayeur qui m'a fait défaillir plusieurs fois afin d'écrire ce récit et, la perte de mon ami... Je parle de perte même si le cercueil que nous avons mis en terre était vide...

Nous étions partis au soleil couchant en direction de l'est. Les villages que nous traversions devenaient au fur et à mesure du jour diminuant, de plus en plus gris, tristes et sans vie. Les maisons sans balconnières fleuries, aux façades fissurées remplaçaient celles propres et éclairées de vie. Les volets clos et défraîchis laissaient suinter une lumière blafarde. C'était la preuve que nous avions que quelqu'un vivait encore en ces lieux. Après la route bien goudronnée, nous avons pris un chemin forestier pour arriver sur un cul de sac. Un chemin pédestre continuait alors et s'enfonçait dans les bois. Ils faisaient encore bon pour un début d'octobre, nous ne devrions pas avoir trop froid. Nous marchâmes environ deux heures avant de déboucher sur une clairière entièrement tapissée d'épines de pins ou de sapins alors que les arbres du pourtour étaient des chênes ou des boulots. Alors que j'allais en faire la remarque à mon ami, je vis la pierre, droite et dressée en plein centre. La première impression fut très curieuse, j'avais du mal à le voir de manière précise. Il fallait sans cesse que j'accommode ma vision comme si il se trouvait trop loin pour mes yeux, juste trop loin. Je m'en approchais mais le malaise ne cessait pas, il ne faisait qu'augmenter. Mon ami, je le suspectais d'avoir pris quelque substance hallucinogène pour être dans un tel état extatique. A le croire, ça allait commencer... Je profitais de ce temps pour fixer la caméra sur son pied et observer les alentours et m'approcher au plus près de l'objet... Je ne décelais à la lumière de ma lampe torche aucune inscription visible. Mais lorsque je risquai ma main à toucher la pierre, elle n'était pas lisse, je ressentais une sorte d'écriture. Je pris alors un papier de mon sac et y appliquait un balayage au crayon de papier. Des motifs dont je ne connaissais pas la signification me furent ainsi révélés. Au fur et à mesure que l'heure approchait, une phosphorescence émanait légèrement de la pierre, irradiant la clairière d'une lumière bleutée, cassant les ombres des troncs fantomatiques.

Vers les deux heures du matin, le vent se leva brusquement si bien qu'une musique, ces flûtes déjà entendues auparavant, parvenaient d'entre les arbres, au delà des arbres je crois bien. Je mis ma caméra en route. Mon ami me dit qu'il était heureux que j'ai répondu à l'invitation, qu’ "Ils voulaient que je vienne". Qui étaient "ils" ? Si mon ami me répondit, je n'entendis pas la réponse. Un lourd grondement survint. Mon ami bondit alors du couvert des arbres pour s'approcher du monolithe dont la phosphorescence pulsait comme une sorte de cœur sanglant. Il dansait autour, une sorte de danse saccadée, qui n'avait pour moi aucun sens. Il se déshabillait petit à petit. Le tonnerre n'avait de cesse et ponctuait, rythmait les gestes et les pas du danseur. La foudre frappa la pierre une première fois, m'aveuglant presque. Un nuage d'une couleur indéfinissable, une sorte d'orange bleu se dégageait et se compactait autour de mon ami, désormais nu. Le nuage l'enveloppa en une sorte de grande robe de cérémonie, ne laissant que son visage à découvert. Ce visage, ce n'était plus celui de mon ami, c'était un masque d'horreur où les yeux brillaient, tournant de manière non synchrone, la bouche était déformée en un rictus morbide et carnassier. Dans le bruit persistant des flûtes lointaines et du tambour atmosphérique, j'entendis, mais peut être est-ce mon imagination trois mots comme prononcés en une multitude de voix : Grakh, Fruhzà, Arkr. 

Un second éclair frappa le monolithe. Rien ne se dégagea sinon une forte odeur de charogne. L'odeur venait du sol devenu grouillants d'asticots comme si les épines de pins n'étaient que cela, des asticots par millions rampant les uns sur les autres dans un suintement squameux. J'appelais mon ami à m'en casser la voix... Je crois que j'espérais quelque chose, une sorte de réveil. Je tentais un pas vers lui mais le sol ne me soutins pas. Je ne sais pas quelle profondeur avait pris la clairière mais un geste rapide me permis de raccrocher à une racine et me hisser hors de la fosse sans fond. Je me débarrassais à grands gestes de ces vers morbides.

Un troisième éclair frappa alors la Pierre. Je relevais la tête, mon ami n'était plus, la vapeur colorée non plus, la "musique" avait cessé. Le monolithe pulsait encore mais bien plus lentement. De son ombre, sortit une ombre plus noire, plus... Je crois que ça m'a vu. Je n'ai fait que courir à me rompre le cou. Je sentais dans les secondes de flottement, une emprise à l'intérieur de mon crâne. J'hurlais sans discontinuer...

Je me suis réveillé, sans souvenir de la suite de ma fuite. J'ai peur que quelque chose se soit mise dans ma tête, de ne pas avoir fui assez vite. Un vieux fermier m'a recueilli alors que je hurlais dans sa cour, me roulant dans mes propres excréments.

Je sens la peur du fermier dans ses yeux. Il sent ma peur mais ne me pose pas de questions. Je ne suis pas prêt encore à raconter à d’autres et encore moins à retourner à cet endroit...

 

Le 10 Octobre

Je me suis occupé de l'enterrement de mon ami bien qu'il n'y ait rien à enterrer. Je retournais chez lui à la demande de sa famille pour réunir ses affaires. Je profitais de l'occasion pour fouiller son bureau et ses recherches. Des indices sur ce qui avait pu le posséder, dominer son esprit en si peu de temps s’y trouveraient peut être. Son bureau ne contenait qu'une large table et un fauteuil qui avait du être confortable. Des piles de livres s'entassaient en tout sens dans la pièce. Je trouvais sur la table, un bocal rempli d'épines de sapins. Elles appartenaient à n'en pas douter à la clairière du monolithe. Il avait également remarquer l’incohérence avant de glisser vers la folie, je le glissais dans mon sac pour des analyses qui pourraient révéler quelque chose d'anormal. Une pile de feuilles bien ordonnée et neuve était remplit de l'écriture si particulière de mon ami. Les pages étaient datées, celle du dessus portaient celle de la veille de mon arrivée. Sa lecture en diagonal me renseigna sur son état d'esprit, un esprit déjà obscurcit et dérangé. Plusieurs fois étaient répétés les mots sacrifices nécessaires, immortalité, dimension inconnue/inhumaine. D’autres que j'avais pris pour des possible hallucinations auditives étaient également transcrits avec une orthographe légèrement différente. D'autres, bien qu'ils pouvaient être assimilés aux mêmes origines culturelles que la première, étaient également inscrits. Il n’y avait aucune intégrité entre chacun, seulement des mots, jetés pêle-mêle sur les feuilles.

La nuit approchait et l'électricité avait déjà été coupée. Une pâle lumière parvenait dans la pièce. Ne pouvant aller plus avant dans mes recherches, je pris ce que j’avais trouvé sur le bureau sans plus de tri. Il y avait de fortes chances que ce soient les derniers livres ouverts par mon ami. J’y reviendrai le lendemain pour aller plus avant dans mon exploration.

J'étudierai à l'hôtel ce que j'avais et reviendrai au besoin le lendemain. Les pages manuscrites étaient toutes à l'image de celles lues à son appartement. Des mots incompréhensibles au milieu d'autres aux connotations mystérieuses faisait état d'un esprit torturé ou malade. Ce qui était davantage intéressant et pouvait peut être lever le voile sur ces dernières étaient les livres emportés dans ma hâte. Le premier traitait de phénomènes paranormaux et fantastiques de la région. Le second, du symbolisme chez les civilisations antiques : égyptienne, grecque, étrusque, nordique mais également d'outre atlantique telle que les toltèques ou d’autres tribus amazoniennes. Des relations étaient faites entre des symboles identiques de tout ces peuples et émettaient l'hypothèse qu'une entité supérieure s'était manifestée à travers les éléments naturels...

Bien qu'ayant une connaissance médiocre de ces cultures, je pouvais jurer ne jamais avoir vu de tels symboles. Une aide en la matière me serait précieuse. Les sources des différents documents cités restent plutôt obscures. Une recherche informatique ne me conduisit qu'à de nombreux échecs. Un forum abandonné depuis quelques années au vu du dernier message présentait quelques photos similaires. Je recherchais le webmestre du site, peut être aurait-il des informations tangibles...mais je n'avais guère d'illusions.

L'auteur des chroniques fantastiques de la région était décédé il y a plusieurs années à la maison psychiatrique de Lyon, il y avait passé plusieurs années atteint de schizophrénie. Je trouvais vite des relations entres les deux livres et la page griffonnée à l'aide d'un crayon que j'avais effectué sur le monolithe. Les symboles étaient en tout point semblabes avec ceux les plus "reconnus" comme universel par le livre. Entre tous, trois resurgir plus fort en mon esprit et bien que le livre parlait d'écriture phonétique retranscrit dans un manuscrit grecque. Il n'y avait aucun doute possible : Grakh, Fruhza et Akh'r étaient là.

Ajout : A l'heure où j'écrivais ces mots... L'appartement de mon ami a été incendié et bien que les pompiers n'aient aucune évidence quant à une responsabilité humaine, ils ne trouvent aucune trace expliquant cette soudaineté et une température qui a du être bien supérieure à un incendie normal...

            Le film réalisé de la nuit de la disparition est totalement illisible. Bien qu’il y ait rien à l’image, je sais que ce n’est pas le simple jeu de mes sens. Quelque chose a brouillé le capteur, peut être qu’un fort champ magnétique pourrait expliquer cela.

 

Le 12 Octobre

J'ai passé cette semaine à déchiffrer les glyphes de mon ami disparu. Espérant y trouver une piste, des indices, quelque chose de concret sur quoi faire reposer mes actions. Les phénomènes augmentent en fréquence et en brutalité. S'ils se faisaient discrets, il y a encore peu de temps, chaque quidam en a été désormais le témoin ou pire, le supplicié. Un vent de folie se répand à travers les pays.

Cette puissance obscure et sans âge semble s'être présentée partout et si une civilisation en a été le témoin, c'est sous la forme d'un peuple d'esclaves, de possédés, de suivants. Depuis les jours glorieux du monothéisme, les preuves de sa présence se sont fait plus discrets. Il n'y a guère que de mouvements composés de quelques dizaines de membres qui sont sortis des ombres ou qui ont été révélés lors des croisades et autres guerres, religieuses ou non.

Ce qui ne cesse de m'étonner, c'est qu'au delà des âges, des cultures, des croyances, certains symboles sont présents et universels, des grottes du néolithiques jusqu'aux peintures rupestres indonésiennes, d'anciennes tombes égyptiennes, chinoises ou aztèques jusqu'à certains objets cérémoniaux : totems indiens, poteries amazoniennes.

Il recouvrent toujours une signification inconnue ou interdite. Les hypothèses des divers historiens et archéologues sont multiples et n'expliquent que peu de choses par rapport à ce qui nous touche aujourd'hui. Les symboles sont repris par des fidèles de ce mythe occulte sans qu'ils ne connaissent l'existence de cet Absolu. Je me refuse à appeler Dieu ce qui ne pourrai être qu'une exhalation fétide et génitrice de ces phénomènes d'une entité plus grande encore...

Les schémas des dieux punis, des guerres cosmiques de l'ordre et du chaos, des dieux bannis, des démons libérés remontent à la surface et sont autant de diatribes lancées par quiconque sur le ton d'un prédicateur. Aujourd’hui, il est difficile de marcher plus de quelques centaines de mètres sans voir une petite foule agglutinée autour d'un pantin gesticulant.

Grakh, Fruz'h, Akh'r, le trône, la porte... Les mots résonnent sans cesse dans ma tête, ne me lâchant bien souvent qu'au petit matin...

D'autres ruines se réveillent, d'anciens châteaux, d'anciens lieux druidiques et d'autres insoupçonnés laissent sourdre une noirceur aux origines inconnues. Le gouvernement appelle au calme et à une reprise d'activité mais le cœur n'y ait plus et certains des ministres se sont même échappés dans un paradis terrestre qui n’est sans doute que temporaire.

J'ai rendez-vous prochainement avec un membre occulte du culte de Knarg'hulk. Si le nom m'est inconnu, il résonne avec Grakh, Akh'r... Cet instinct ne repose sur pas grand chose. Mais je ne pense pas perdre grand chose à essayer de comprendre un peu plus la folie des hommes face à celle que j'ai envie d'appeler simplement Folie, car sa nature semble bien être de cet ordre...

 

Le 16 Octobre

Je reviens du rendez-vous, sans doute le plus étrange auquel il m’ait été donné de participer. Hormis l’aspect mystérieux qui englobait notre rencontre : nous nous rencontrés dans une salle des catacombes qu’il m’avait fallut trouver après un jeu de piste de plusieurs jours ; Il y avait eut une force vivante et bouleversante, si j’ose dire, positive et naturelle, qui m’avait fait succomber davantage encore au charme de la sœur du culte de Knarg’hulk.

Quelque chose d’ancien et sans âge sont les gardiens de la vie, de la nature, de cette évolution libre, née des liens multiples que chaque individu entretient avec les autres. Voilà comment se définissait cette secte.

Quelque chose d’ancien et sans âge cherche à se libérer des gardiens. Des sceaux ont été brisés, des portes murées ont été rétablies, des salles comblées ont été déblayées. Certains l’ont été par la bêtise humaine et leur manque de connaissance, d’autres l’ont été par une volonté définie, sans doute plus meurtrière. Des fissures légères laissant suinter cette énergie néfaste ont menés à leur agrandissement d’abord puis à la manipulation d’esprits humains. Le phénomène s’accroissait sans cesse désormais.

Comme tout combat entre de telles forces, de telles entités, la libérer complètement mènerait à un chaos sans précédent et à une disparition du temps. La contraindre totalement renverrait à un immobilisme du vivant, une inertie totale, une entropie nulle, une destruction du temps. Un équilibre devait être maintenu. Les gardiens appartenaient à plusieurs cultes répartis sur la planète, celui de Knarg’hulk était l’entre d’eux. Ils maintenaient une balance entre l’ordre et la nature et cette sorte de chaos que nous, humains, percevions comme tant destructeur.

Je lui racontais qui j’étais et ce dont j’avais été témoin. Je me sentais en confiance telle que je ne l’ai jamais ressentie avant vis-à-vis d’un inconnu. Elle s’appelle Amaranta. Bien que je n’ai vu qu’à la pâle lueur d’une lampe torche provenant du couloir où elle m’avait demandé de laisser mes affaires, par le son de sa voix, et ses expressions, je peux attester de sa beauté.

Elle m’a raconté certaines choses qui complètent et concrétisent mes craintes. Des disparitions inexpliquées, il y a en a toujours eu. Cela fait partie de leur travail mais leur fréquence grandissante est un indice de leur incompétence à maintenir cette force. Des lueurs et des phénomènes inexpliqués, il y a en a également toujours eu mais qu’ils s’accompagnent d’odeur de décomposition, de mots perceptibles, de cette musique inhumaine, voilà qui n’étaient pas normal…

Le nombre de disciples au sein de leur culte a diminué insidieusement au fur et à mesure des siècles mais le problème vient de certaines de leurs antennes dont ils ne reçoivent plus de nouvelles depuis bien trop longtemps. Quelques émissaires ont été envoyés mais leur retour se fait douloureusement attendre. S’ils ont pu calmer les fuites sur Paris, ils ne peuvent se permettre de fermer hermétiquement, tout les portails, portes et salles. Un peu comme un système de vases communicants, d’autres lieux seraient littéralement en proie à la plus grande destruction, altération des sens d’abord avant celui du temps. Des micro espaces où l’écoulement du temps et les lois de la physiques seraient différentes naîtraient alors et grignoteraient petit à petit l’espace naturel.

Je lui demandais pour quelle raison elle me racontait tout ça… Je trouvais plutôt suspect le fait d’avoir été ainsi « choisis ». Je n’étais pas le seul badaud à traîner dans le coin, le jour où on m’avait pris à part pour me proposer ce rendez-vous. Les choses étaient simples : je correspondais au profil : curieux, prêt à croire l’impossible mais pas crédule pour autant. Une enquête discrète sur ma personne avait été réalisée depuis que mon ami disparu avait sorti de la bibliothèque ces ouvrages particuliers. Le jour où ils l’avaient contacté, il était déjà perdu. Ils avaient craints que je ne disparaisse également, n’arrivant toujours que trop tard pour m’interpeller.

Je ne deviendrai pas un disciple à part entière. Ils étaient formés dès leur plus jeune âge pour accomplir cette tâche. Je pourrai être leur yeux manquants et ainsi rapporter ce qu’ils ne parvenaient pas à déterminer : pourquoi l’agence situé au sud de la France avait complètement disparu. N’étant pas marqué par cette entité néfaste comme eux l’étaient à force de s’en approcher au quotidien, j’avais des chances de ne pas mourrir comme leur émissaires. Cette enquête ne serait pas sans risque. Amaranta me remis un médaillon, qu’il me suffirait de presser dans ma main et de formuler la phrase Hulk Garzolu Amaranta Kha pour établir autour de moi une sorte de barrière protectrice qui me permettrait de m’échapper. Bien que je ne croyais pas en ce grigri, je me dis que je pourrai toujours y trouver du réconfort en cas de pépins. Prochaine étape : Marseille et certaines ruines troglodytes présentes le long des calanques…

 

Le 20 Octobre

Je suis arrivé sur Marseille, la journée s'annonce belle et ensoleillée. Très vite je constate l'état de peur et de crainte des habitants moins protégés que ceux de Paris comme me l'avait annoncé Amaranta. Les rues sont jonchées de détritus insolites comme si le contenu des immeubles en avait été vomi par quelques typhons intérieurs. Je cherchais à prendre un bus qui m'amènerait au delà de la pointe rouge jusqu'à la calanque de la Callelongue. De là, après quelques heures de marche, je devrai pouvoir gagner les grottes où les portails avaient dus céder au cœur de la roche. Amaranta m'avait donné les indications nécessaires pour que même sans lumière, en étant prudent, je puisse retrouver mon chemin. J'avais mémorisé le plan des galeries, heureusement pour moi, bien moins complexe que celui des catacombes parisiennes.

Je ne peux dire si la folie avait réellement gagné la population entière de la ville. Mais une partie importante semblait glisser doucement vers un terrain de la psychologie encore inconnu. Il arrivait à certaines personnes marchant normalement, de se mettre à courir dans une direction tout à fait aléatoire durant quelques secondes avant de reprendre leur esprit et reprendre un rythme plus normal. Je n'arrivais à lire dans leur yeux, qu'une incompréhension, une crainte sans fondement qui les déséquilibrait davantage encore. Une autre personne qui attendant tout comme moi le bus 19, me fit part posément de sa théorie d'un complot terroriste, du début d'une guerre bactériologique avant de se mettre à hurler d'une autre voix et à s'enfuir de l'autre coté de la rue. Lorsque sa crise cessa, il était de nouveau lui-même, et me cria, qu'il était peut être encore temps de fuir avant d'être totalement détruit de l'intérieur.

Le bus arriva enfin après plus de quarante minutes d'attente. Le chauffeur semblait être scellé à son siège tant son obésité le recouvrait en entier. Il me demandait où je voulais aller. Depuis que les gens étaient à moitié fous, il trainait dans son bus et se sentait à l'abri. Son dernier passage datait depuis plus d'une semaine, il avait demandé à aller au vieux port. De là, il l'avait vu sortir en courant, criant d'une langue inconnue avant de se jeter dans l'eau. Le vieux port ne ressemblait plus du tout au souvenir que j’en avais. Il ne restait que peu de bateaux et ceux-ci gisaient pour la moitié retournés, pour l’autre sur les quais. Pour lui, tout avait commencé à se dégrader depuis un mois environ. De manière lancinante d'abord, c'était rien, peut être un peu plus de disputes, un peu plus de délinquances et puis les mafieux locaux s'étaient détruits de l'intérieurs, les petites frappes locales avaient disparus également comme par enchantement et plutôt d'avoir un sentiment d'assurance dans les rues, ça avait été le contraire. Les gens se tournaient contre leur proches et s'ils avaient personnes, ils se tournaient contre eux-mêmes.  Le chauffeur s'appelait Arsène. Pour lui, tant que le moteur de son bus ronronnerait, tout irait bien. Il pensait que cela pouvait filtrer quelques ondes qui atteignaient les hommes directement au cerveau pour les posséder ainsi et les rendre complètement fadas... Il fallut plus de deux heures à un trajet qui ne demandait d'habitude que trente minutes tant les rues étaient bloquées par des voitures sans passager, des personnes dormant à même le goudron ou d'autres choses que mon regard s'est refusé à décrire. Ils étaient plusieurs comme Arsène à tenir droit, ils ne voulaient pas fuir, ils étaient nés ici et pour toute les belles choses qu'ils avaient vécu, jamais il ne quitterait ceux qu'ils pourraient encore aider d'une manière ou d'une autre. J'arrivais à Callelongue, complètement déserte, et à moitié détruite comme si les habitants avaient voulu se soustraire à la surface du monde par leurs propres moyens. Le ciel était d'un bleu limpide et il faisait plutôt chaud pour l'arrière-saison. Je n'ai jamais vu un ciel aussi menaçant, aussi pesant. Arsène me souhaita bonne chance en refermant la porte du bus.

Je me suis profilé alors en suivant l’itinéraire tortueux qu'Amaranta m'avait conseillé en suivant les procédures qu'en d'autres temps, j'aurai moqué, les affublant de superstitions. J'avais peur et je fondais plusieurs fois en larmes sans raison réelle sinon aux souvenirs de ces gens devenus fous que les autorités, devenant folles elles aussi, ne parvenaient pas à contenir. La mystérieuse Amaranta me suivait en pensée, et je pressais fort le médaillon en pensant à elle, sans toutefois prononcer la phrase incantatoire. Peut être que cette pensée agit comme un charme. Toujours est-il que je me remis en marche et j'atteignis l'entrée vers le milieu de la journée. Elle était discrètement dissimulée derrière quelques bosquets de pins, l'entrée vers les couloirs et les salles où j'espérais trouver des traces et peut être une explication à leurs disparitions. Je m'armais de ma lampe frontale et d'une lampe torche pour dissiper les ténèbres à leur maximum. Après le premier couloir courbé, je parvins à une salle où reposait quelques nattes et lits de fortunes ainsi qu'une petite pièce attenante où un groupe électrogène était éteint. La réserve était vide. De cette salle, deux couloirs en partaient, le premier allant jusqu'à un bureau d'étude, le second s'enfonçant plus profondément vers des salles de réunions et d'autres chambres et celles où se trouvaient les portails. Je commençais par le premier. Je me disais, pour me rassurer un peu, qu’il y aurait moins de chances de tomber sur de l’inexplicable...

Il n'y avait pas d'odeur particulière, pas même celle d'une humidité à laquelle on s'attend à pénétrer dans une grotte. Autour d'une table, quatre individus étaient assis, comme s’ils étaient en train de discuter. Je ne connais pas les processus attenants à la mort de l'être l'humain surtout en ce qui concerne ceux de la momification. Je n'expliquais donc pas l'état si conservé de ces corps à moins de cent mètres de l'extérieur. Le reste de la pièce était composé de nombreuses étagères. Mais ce qui était passé par là avait ravagé tout les ouvrages, pas un seul ne tenait entier et mes essais pour en découvrir le titre de certains ne connurent que des échecs. La couverture se morcelait sous le moindre souffle. Tout retournerait à la poussière et ne tenait que par une sorte d'altération de l'écoulement du temps ou un changement des règles structurant la matière. Je suis retourné à l 'extérieur pour y mettre ce journal. Je ne voudrai pas qu'il soit perdu si jamais je dois disparaître d’une manière ou d’une autre. Je garde sur moi le médaillon et même si j'espère retourner à l'extérieur, je pars avec la ferme intention de trouver, découvrir un peu de vérité. Si ce que j'ai vu jusqu'à présent, ne m'a pas rendu fou, peut-être ce que je verrai ne me donnera pas d'autres alternatives de salut. J'espère que ce journal pourra en tout cas, être une aide, aussi pauvre soit-elle...

J'embrasse une dernière fois l'horizon de cette mer, de ce ciel, de cette nature. Je respire l'odeur des pins. J'ai déjà peur de manquer de tout cela...

Le 22 Octobre

J'ai retrouvé le journal sous des pierres à l'entrée de la grotte...Les traces laissées ne m'ont laissé aucun doute. La poussière qui n'était pas dérangée par le vent après le premier coude montrait des empreintes que j'imputais facilement à Pièr. Les marques étaient les mêmes que celles qu'il avait laissé lors de sa visite aux catacombes.

Je me permets d'écrire à sa suite... après ce que j'ai perçu, je ne pense pas qu'il puisse écrire de si tôt...Il m'a appelé, j'ai clairement senti son appel, et j'ai eu beau faire tout les sortilèges de protection de ma connaissance, rien y a fait. Je l'ai entendu crier, hurler sa peine et sa souffrance, s'arrachant les ongles contre les parois de pierre. Il a été emmené, je ne sais pas pourquoi. Alors que les autres ont été désincarnés, asséchés de toute vie. Pièr a subit un sort plus étrange, plus sombre. Il a été comme désintégré... Les traces de ses pas conduisent dans la roche dense comme s’il l'avait traversé, comme si pour lui, elle s'était ouverte, absorbé ainsi par ce mal mauvais. Le médaillon, que je lui ai donné, est parti avec lui mais ma connexion est comme distordu, ou rompu...

Je peine à oublier ce qui résonne effroyablement à mes oreilles. Je peine à comprendre ce qui m'a poussé à l'envoyer vers cette mort...J'essaie de ne me pas m'accuser de son destin. Je me souviens de son regard avant qu'il parte, résolu, avec cette fièvre de l'aventurier ou du découvreur...Il n'était sans doute pas sufisament près mais le temps nous manque si cruellement...

Où trouver une telle âme maintenant ? Tout les augures le présentait comme une clef aux malheurs qui nous étranglent davantage chaque jour. Nous formons des jeunes disciples que nous épuisons aux tâches de surveillance et il faudra des années avant qu’ils ne puissent agir réellement...Survivrons nous jusque là ? N'y a t'il vraiment aucun espoir ? Je ne sais plus vers qui me tourner pour réduire les tentacules vomissantes du chaos millénaire. Je ne sais plus quoi faire...

Je suis tombée à genoux. Je me suis mise à prier alors... J'ai fais le calme à l'intérieur de moi. J'ai fait une boule de ma rancœur, de mes faiblesses, de mes échecs, de ma culpabilité, de mon incompréhension, une boule que j'ai entouré d'un calme et d'une plénitude infinie. Je suis Amaranta Belguarda et si je suis encore là, c’est pour une raison...

Je ne sais pas combien de temps je suis restée prostrée dans cette position. Le soleil faiblissait déjà à l'horizon lorsque j'ouvris les yeux et je vis clairement devant mes yeux, sortit de nulle part, écrit en lettres azurées comme si les étoiles s'étaient arrangées pour écrire un message : Hulk Garzolu Amaranta Kha...

 

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