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7 janvier 2010 4 07 /01 /janvier /2010 22:29

CHAPITRE I

 

Il voulait se jeter sur elle, les poings levés en massue pour enfoncer son crâne, lui brisant la nuque. Il voulait charger comme un taureau, et voulait suspendre sa vie en un seul instant, lui broyant les os de son visage trop parfait, faisant éclater ses pommettes, ses arcades. Il voulait du sang, son sang sur ses mains. Il voulait s’en repaître pour en jouir. Il voulait lui labourer le ventre, à force de coups de pieds, la foulant au sol comme une vulgaire paillasse. Il voulait sortir son sexe brandit pour pénétrer violement son intimité. Effacer son sourire à tout jamais, sortir son cœur à main nue et lui fourrer dans la bouche. Elle saurait ce que c’est, d’avoir le cœur aux lèvres.  Il riait si bruyamment intérieurement, qu’un sourd grondement pointait de ses lèvres. Un filet de bave glissait silencieusement le long de son menton carré. Il la tenait, il le savait. Il était derrière elle depuis trop longtemps maintenant pour qu’il ne puisse pas s’ébattre avec elle comme il l’entendait. C’était ainsi aux premiers temps dans sa tribu. L’homme pouvait jouir de sa femme comme il l’entendait. Il l’avait décidé depuis tout petit. Sa femme à lui, il ne la respecterait pas. Il la battrait à mort pour toutes les femmes qui l’avaient humilié enfant, pour toutes les femmes qui jouaient les effarouchées alors qu’elles ne désiraient qu’une chose, être possédée et engrossée. Sa femme à lui, il la dépècerait et la donnerait à bouffer à ses propres chiens à elle. Ils méritaient de la viande de premier choix après tout. Il pourrait alors se reposer ainsi repu. Elle lui tournait le dos, Il pouvait voir ses hanches bien faites, ses jambes fines sous la tunique en daim. La peau lui avait été offerte en cadeau de fiançailles, un beau cadeau. Une chemise en lin recouvrait son dos et une écharpe de la même étoffe lui enserrait le cou. Il se présenta tout entier dans l’encadrement de la porte, brisant la lumière venant des torches extérieures. Elle se retourna, surprise. Sa bouche dessinât un petit o d’étonnement. Personne n’aurait du se trouver là, la veille de la cérémonie. Il lui dit de sa voix grave et rauque, « j’ai envie de jouer un peu ». Il fut alors sur elle. Elle n’eut pas le temps de crier.

 

Le lendemain, c’était jour de fête, on allait marier la fille du chef du village avec le plus grand guerrier. Des cochons venus à grands frais du sud avaient été sacrifiés pour l’occasion. Du vin allait accompagner les libations à la place de l’habituel lait fermenté. Les femmes s’étaient vêtues de leurs plus beaux atours, tandis que les hommes avaient ornementé leurs tenus habituels et leurs cheveux de plumes aux couleurs magnifiques. La grande place avait été balayé et la terre tassée afin qu’elle soit bien plane. C’est là qu’ils allaient manger et danser. Les musiciens traditionnels avaient préparés leurs tambours, leurs flûtes et autres sifflets. Il faisait grand beau. Le ciel était d’un bleu magnifique. Cette journée allait en plus de symboliser la formation d’un nouveau foyer, lancer la migration vers le sud avant le début de l’hiver pour gagner des régions plus clémentes. Entre les deux totems tutélaires, le loup guerrier et la belette prêtresse, se tenait le chef, fier avec son plastron tissé d’os d’oiseaux. Bien qu’étant un des plus âgés du village, il gardait le maintien du grand guerrier qu’il avait été. Le fils du chef ne devenait pas obligatoirement chef à son tour. Chaque fonction était méritée suivant l’alchimie de la volonté et du don personnel pour remplir la tâche. Son visage était marqué par les ans, les combats et le soleil. De ses yeux se lisaient la quiétude, la sagesse. Devant lui, le grand guerrier attendait. C’est ainsi qu’on l’appelait. Il était le protecteur du village, le général des armées si l’on peut dire bien que la tribu ne compte qu’une centaine d’individus. Même si cela faisait trois générations qu’aucune guerre entre tribu n’avait eut lieu, le titre était resté. Il était en fait surtout celui qui menait la chasse, choisissait le rythme, la durée, le gibier. Il relevait la piste des animaux presque avec prodige. Il était, plus que le propre fils du chef, la troisième personne la plus importante après le shaman bien sur. C’était un grand mariage. Sa fiancée lui avait été choisit alors qu’il n’avait que quinze ans. Il en avait aujourd’hui vingt-deux. Ces sept dernières années sont la période traditionnelle durant laquelle les deux parties apprennent à se connaître et à se plaire. Si tel n’est pas le cas, le mariage n’a tout simplement pas lieu. Ils ont alors le droit de choisir un autre partenaire mais ne pourront se marier que sept années plus tard. Dans les conditions de vie parfois extrêmes, le mariage d’amour était infiniment rare. La constitution d’une famille, d’un héritage prenait du temps et posséder huit enfants assuraient sa pérennité. Huit étant par excellence le chiffre sacré de tous.

Le grand Guerrier avait patienté toute la nuit auprès du feu central pour méditer, se recueillir et faire vœux de bonheur pour tout le village. Il avait été gardé par les sentinelles. Elles étaient nécessaires en ces temps de paix non par peur d’être attaqués par des bandits mais par des animaux sauvages qui auraient pu s’en prendre aux chiens ou au quelques têtes de bétails. Les gens s’étaient placés de telles manières que les personnes les plus vieilles se trouvaient le plus proche du mariage et les jeunes le plus loin. Les enfants emboîteraient la marche de la mariée lorsqu’elle passerait entre eux. Refermant en demi-cercle tout le village autour des mariés. Elle se présenterait selon la coutume lorsque le soleil serait au plus haut dans la journée. En attendant, ils chantaient pour sa venue. La mariée devait se préparer seule pour ce grand jour à la fois par la méditation et par les travaux de coutures qui allaient de son habillement jusqu’aux couvertures de la couche nuptiale. Le partage des tâches se feraient alors durant toute leur vie commune. Il en était ainsi depuis des temps ancestraux. Cela permettait aux jeunes de savoir tout faire et surtout en cas de disparition de l’être cher, de ne pas avoir à se reposer sur les compétences d’une tierce personne.  Le mariage était absolu même en cas de mort prématuré de l’un des conjoints. Les âmes ne pouvaient jamais se délier, elles ne faisaient que fusionner.

Le temps passait et le soleil amorçait déjà sa descente. On commença à raconter quelques quolibets, davantage pour éloigner l’inquiétude qui naissait dans les esprits. On envoya un enfant s’enquérir de la mariée…Peut-être ne s’était-elle pas réveillée ou bien avait-elle pris du poids rendant sa robe trop juste maintenant ? Le hurlement qui survint quelques instants plus tard, jamais personne ne pourra l’oublier. C’était un enfant et pourtant, son esprit fut brisé en un instant. Personne n’avait jamais vu une hutte où le sang ne laissait la place à rien d’autres que des os brisées, des viscères écrasées, des cheveux poisseux. Il recouvrait tout. La terre en était gorgée. Le grand guerrier pleura, le chef pleura, le village pleura. Tous s’effondrèrent à genoux, ramassant à plein poings la poussière du sol, se la frottant sur le visage. Seul l’enfant témoin fit le seul geste à sa portée pour rester sain. Il s’empala sur une lance dont il avait bloqué la hampe mourut. Le prêtre psalmodia, et vit l’œuvre du démon, du grand démon, non celui qui rend parfois un animal féroce, qui transforme une douce brise en tempête subite. Non, celui qui se cache dans la multitude des hommes, un petit peu en chacun d’entre nous. Il est parcellaire et aisément contrôlable. Mais dans la nuit, il avait du s’agréger, au point de prendre forme. Il avait alors profité des cœurs devenus sain et pur pour la fête de l’union pour faire ce qu’il faisait de mieux, détruire. Voilà l’explication du shaman.

Le grand guerrier doit partir dans une quête sans retour précis. Ainsi l’a vu le shaman. Il doit trouver la source du mal. Il est le seul à avoir une chance d’en trouver les traces, étant versé tant dans l’art de la chasse des animaux que celui des esprits. Quiconque a pu faire ça n’est pas humain, Le grand guerrier tremble. Il a peur de ne pas revenir… Il part avec ses trois chiens, ses trois lances, ses trois talismans. Algard,le noir, le féroce ; Britz, le fauve, l'affuté ; Curnain, le blanc, l’agile. Arche, Branche et Creuse ; Aurtil contre le mauvais œil ;  Barle contre le mauvais choix ; Crul contre les ténêbres. Qu’il s’agisse de ses chiens, ses armes ou ses protections, ils les a tous reçu loyalement au cours du déplacement de la horde par son courage, sa force et sa clairvoyance, la vie de la tribu.

Il part. Les yeux sont plein de larmes et comme vidés de toute vie, mais le cœur connaît ce battement sourd des tambours de bataille. Les lances sont au travers du dos. Algard est devant, flanqué par Britz à sa gauche et Curnain à sa droite. Aurtil pend à son cou. Barle entoure son poignet. Crul noud ses cheveux. Il marche comme un guerrier. Il ne sait pas où il va. Nulle trace ne lui permet de se diriger. Tout ce sang et aucune goutte à l’extérieure. Britz prend de l’avance et fait continuellement des allers-retours entre son maître et une cinquantaine de mètre devant. Curnain assure l’arrière tandis qu’Algard reste fidèlement près de son maître. Le paysage est désertique en ce début d’hiver, il n’y a guère que quelques herbes rases qui survivent encore. Il part plein est. Il n’a pas d’autres idées que de retrouver l’ancien campement et réfléchir à une nouvelle décision.

Le grand guerrier maudit pendant un temps toutes ces croyances, ces traditions. Sans eux, Ils se seraient mariés depuis bien longtemps et elle n’aurait pas été emportée par on ne sait quel démon. Mais… Ce sont ses même traditions et croyances qui ont tant de fois sauvé la tribu… alors lui-même que serait-il devenu ? Sans se targuer d’être le meilleur, même si il n’était pas le grand guerrier pour rien, que deviendraient-ils tous sans ses plus grandes protections, sans lui ? Tout le monde se résolvait trop facilement aux décisions de ce prêtre. Tout cela n’avait pas de sens. Il y a un meurtre et on envoie l’image même de la force de la tribu loin de la scène. Tout tournait trop autour de lui…Il enrageait…

Il marcha le reste de la journée et une partie de la nuit jusqu’à enfin découvrir un petit stock de bois. A se lamenter ainsi toute la journée, il n’avait pas marché bien vite… Il y en avait toujours quelques-uns disséminés aux précédents emplacements. C’était autant d’oasis en plein désert à part qu’ici, c’est la chaleur dont on avait avant tout besoin...Il prépara rapidement de quoi nourrir ses chiens et lui-même plus par besoin que par envie…Puis, il les appela pour dormir au près d’eux et s’endormit.

Hum, la belle odeur que voilà…Un peu trop poilu pour un humain mais… ce n’est que de la peau… en dessous, il y a la chaleur du sang, la chaleur d’organes qui vibrent. Surtout pas de bruit…Il détestait le bruit qui sortait de leurs gueules… Le plaisir du sang qui jaillit des artères, du cœur éventrée, voilà qui était une douce musique à ses yeux. Les os qui craquent, la moelle qui se répand. Mettre sa tête dans son ventre et boire et manger à volonté tout ce qui vient. L’estomac est son organe préféré car il y a très souvent des surprises à l’intérieur à moitié digéré. C’est tout un jeu alors de deviner le dernier repas du condamné. Il y a toutes les viscères qu’il est amusant de suspendre autour de soi en guirlande… Il se souvient une fois d’avoir eu le temps de tuer par étouffement en l’étranglant avec son propre intestin… Il n’avait pas recommencé, la chair était moins bonne après…Il voulait pouvoir se faire un pyjama de sa peau pour mieux sentir la bête… C’était après tout le seul moment où il se sentait plus … humain… C’est en partant dans un grand fou rire inextinguible qu’il s’abattit sur l’homme par derrière. D’un tour de main, il le retourna, laissant stupéfaite sa victime… « J’ai envie de jouer avec toi »  furent les dernières paroles qu’il entendit. S’ensuivit une orgie de sang dans une charmante musique tout en craquements et chuintements morbides.

La nuit fut courte pour le grand guerrier. Il raviva le feu pour chauffer sa soupe matinale et prendre une décision. Si les esprits étaient avec lui… Arche, Branche et Creuse sauraient lui montrer le chemin… Après tout, c’est ainsi qu’à la chasse, cela fonctionnait…Il dansa et chanta. Pas le chant de la chasse, ni celui de la guerre, non. Le chant interdit, celui qui fait sortir la noirceur de tout être pour mieux le percevoir et mieux l’annihiler. Se faisant entrer en transe… par ses propres martellements de pieds et sa propre voix. Il lança tour à tour Arche Branche et Creuse. Quelques minutes plus tard, il se réveilla, étendu sur le dos, les bras écartés. Il se releva, appela ses chiens dressés à retrouver ses lances. Il était bien plus utile de les dresser ainsi plutôt que de reconnaître la simple odeur du sang. Ils partirent tous dans la même direction… Le nord. Le grand guerrier avait rapidement espéré qu’il en aurait été autrement. Ses épaules s’affaissèrent légèrement alors. Les temps seraient durs. Les caches de bois seraient rares et le soleil ne se coucherait bientôt plus. Il avait de quoi manger pour ses chiens et lui pour une dizaine de jour. Il devrait trouver de quoi améliorer néanmoins ses réserves à la moindre occasion. A part quelques lapins, il n’envisageait pas d’autres proies évidentes.

Le vent se faisait dur et acéré. Il remonta sur son visage son écharpe en lapin. Les flocons de givre dansaient devant ses yeux. Brisant sa vue à quelques dizaines de mètres au maximum. Ses chiens restaient plus serrés près de lui. Il prit une grande respiration pour se donner du courage et partit vers le nord.

Pendant ce temps là, au village, les habitants découvraient la scène affreuse où le shaman était répandu dans sa tente. Il ne restait de lui que des fragments plus petits que le poing du plus petit des enfants du village. Ils brûlèrent le tout comme pour la tente de la mariée. Il était impossible de construire un bucher funéraire digne de ce nom. Tout le village était en émoi. Leur protecteur était parti châtié le mal sous la vision du shaman. Et c’est leur protecteur spirituel, lui-même qui n’avait pas pu se cacher de ce démon qui avait succombé. Les hypothèses fusaient. Le shaman avait été possédé pour éloigner ainsi la seule personne qui aurait pu tous les sauver. Le démon ayant remplit son acte avait quitté alors son corps, le faisant littéralement explosé… Ou bien le shaman avait livré hardiment bataille mais avait lamentablement perdu. Ils étaient tous effrayés. D’autant plus que le shaman n’avait pas eu le temps de former un disciple. C’était un grand problème et pire un grand malheur car au prochain rassemblement des tribus, leur clan serait morcelé pour renforcer les autres comblant en nombre de foyer ceux qui en comptait le moins. Il ne s’agissait pas non plus de séparer les parents et les enfants de leurs parents. Le désespoir s’abattit sur eux et les appels à l’espoir de leur chef ne résonnaient que fugitivement à leurs oreilles. Ils ne souhaitaient tous qu’une seule chose, oublier, tout simplement oublier. Le chef lui-même ne semblait pas croire à ce qu’il disait.    

Le grand guerrier se réveilla accompagné de ses trois chiens, de ses trois lances, de ses trois talismans. Il rassembla ses affaires, regarda dans la direction du village, soupira, roula des épaules pour se dégourdir, observa le nord avec détermination, une presque haine voilait alors ses yeux…Il respira et se mit à marcher du pas de l’éclaireur… foulée longue et décidée… Il marcha ainsi une demi-journée entière avant de voir dans le givre, l’empreinte d’une panthère des glaces… La chasser serait une prise difficile certes mais lui permettrait surtout de ne pas endurer la faim pour quelques semaines supplémentaires…Et puis il en avait vu d’autres. Et comme il n’était guère équipé pour abattre des cibles légères comme des lapins trop téméraires, il y vit un bon augure… Les traces l’amenèrent un peu à l’est de sa direction. Il découvrit alors derrière une légère surélévation de terrain, la panthère à l’affût d’un gibier potentiel, que le grand guerrier ne distinguait pas. Il ne pouvait espérer meilleur moment. En effet, toute l’attention de la bête projetée vers sa proie. Elle lui tournait le dos. Il lui était plus aisé de s’en approcher. Il ne devrait pas pouvoir la rater.

Ses chiens, éduqués depuis de nombreuses chasses connaissaient leur affaires. Britz et Curnain approchent la proie de coté tandis qu’Algard partipera à l’assaut de front. Creuse sera son arme, la plus légère, la plus pénétrante, la plus acérée avec sa pointe taillée en barbelée. Il s’approche doucement, glissant davantage que marchant. Il camoufle le bruit de ses pas dans les vents qui agitent la légère couche de grésille. En un instant, arrivé à une vingtaine de mètres de la panthère, le grand guerrier se relève d’un bond, se projetant vers le fauve, le bras armé. Britz et Curnain fondent de part et d’autres. Algard reste en retrait, n’attendant qu’une chose, le jet de lance pour se lancer à son tour. C’est alors que l’impensable se produisit, la panthère se retourne soudainement et se jettent et se propulse vers le grand guerrier. La lance fuse dans les airs, Algard attaque. Britz et Curnain sont bientôt sur elle. La lance n’est qu’à quelques mètres. La panthère se jette de coté, évitant la lance qui se fige, vibrante dans le sol. Britz arrivant sur la gauche saute sur elle. Ils roulent tout les deux tandis que Curnain arrive à son tour. Il ne s’approche pas du duo de combattants mais donne des coups de griffes lorsque la panthère montre son dos. La neige devient rouge sang, sang de la panthère, sang de Britz qui en dépit de ses crocs figés dans le cou de la panthère, se fait labourer le ventre et l’abdomen par ses pattes. Britz finit par lâcher et retombe à terre dans un couinement. Le grand guerrier qui a sortit son couteau, hurle. Curlain continue de tourner autour de la panthère agonisante, sa trachée est lacérée, Britz l’a eue. Algard plonge à son tour sur elle. La panthère ne panique pas, toujours pas…et se projette contre lui, les pattes acérées devant sa gueule. Algard se jette de coté et saisit la par la gueule le cou ouvert par Britz. Ils roulent tout deux, Algard lâche prise. La panthère balaie de sa patte gauche l’espace, déchirant un peu la joue juste en dessous d’un œil d’Algard. La panthère ne bouge plus. Le grand guerrier s’approche alors et l’achève d’un coup placé en pleine poitrine, droit dans le cœur. Dans ce combat, il n’y aura eu que quelques couinements et grognements des chiens. La panthère blanche maintenant maculée de sang, n’aura émit aucun son. Britz est à l’agonie quand le grand guerrier s’approche de lui. Il lui rend alors hommage par le couteau qu’il a nettoyé dans la neige pour ne pas mélanger le sang de la proie et celle du prédateur. Il s’occupe alors d’Algard dont la blessure est plus impressionnante qu’il n’y paraît, son œil est intacte ce qui est le plus important. Il aura sans doute peut-être quelques difficultés à saisir fortement par la gueule pendant quelques jours. Il finit alors de donner les dernières grâces à Britz puis sans tarder, il le dépèce, récupérant ses crocs et sa peau. La viande sera laissée à d’autres prédateurs rendant par la chair que le chien aura  prélevé par la chasse, la sienne. Les crocs conservent l’esprit du chien et son caractère. La peau conserve la chaleur.

La panthère était belle mais l’animal devait être fou ou malade pour réagir comme il avait fait. Elle aurait du fuir, ses chiens lui faisant peur. La lance lui aurait été alors fatale. Creuse n’était pas abîmée ce qui un soulagement. Le grand guerrier ne veut rien récupérer de cet animal. Manger sa chair ne pourrait le conduire qu’à plus de folie encore. Il choisit un endroit où la terre est moins dure et entreprend de l’enterrer afin que nul animal ne puisse partager cette « possession ». Il découvre que là où les crocs et les griffes de ses chiens ont marqué, la chair s'est déjà noircit, une odeur funeste s'en échappe. Il tasse la neige alors du mieux qu'il peut, et fait quelques kilomètres avant de faire une pause. Il ne veut pas rester près du lieu du combat. De nombreuses heures sont passées. Il reprend alors sa route avec ses deux chiens, ses trois lances et ses trois talismans. Il connaît encore un endroit où il pourra dormir au près d’un feu. Les « camps » confortables se feraient alors plus rares au fur et à mesure de son avancée vers la source de la terreur.

Un vent glacial se lève et le grand guerrier a de grandes peines à allumer un feu qui pourrait davantage le rassurer que le réchauffer. Bien qu’il porte Britz en lui et sur lui désormais, il repense à la cérémonie qui l’avait baptisé et donner sa force. Ce n’était pas la première fois qu’il perdait un chien dans un combat mais alors il était entouré d’autres guerriers et de bien d’autres chiens, et la fête qu’il faisait au sortir de la chasse était un bel hommage au combattant disparu. Mais ici, nul fête, seulement les étoiles, et l’horizon rehaussé d’un rougeoiement sans chaleur qui couvrait la plaine et donnait cette impression que la terre se finissait brutalement à quelques centaines de pas. Le grand guerrier assis en tailleur devant le feu qui fumait plus qu’il ne brûlait, se demandait comment se portait le village, et si sa bien-aimée se trouvait bien là-haut parmi ces feux célestes.

 

Au village, le funeste, le mal, la peur rodent. Ils se glissent dans le vent et passent entre les tentes, dansant quelque farandole nocturne de mauvais augure. Ils se mélangent et densifient l’air au point de le rendre presque palpable. Quiconque pourrait mettre sa main à ce moment-là aurai l’impression de toucher une de ces méduses répandues sur la grève les jours de marées basses, visqueuse et gelée. Entre deux replis, on peut distinguer un berceau gazouillant de vie. Il n’aime pas du tout ça, trop de bruit inutile, le bruit du sang est bien plus significatif, seul le sang a la solution de toutes les énigmes. Il a moins de sang qu’un adulte mais s’amuser avec lui sera tout aussi jouissif… Il n’est pas facile de dépecer un homme âgé ou même une femme dans la fleur de l’âge. Un petit enfant doit avoir cette tendresse que lui confèrent des muscles tout neufs. Son charmant sourire, ses deux petits yeux curieux qu’il pourrait effacer, tordre, déchirer. Il n’a pas beaucoup de temps contrairement aux deux dernières fois… Si les parents revenaient, il ne pourrait faire face, il n’est pas assez fort et il n’aime pas laisser un travail inachevé. Il s’approche tout doucement…se saisit de l’enfant âgé de quelques mois, le regarde dans les yeux, lui dit tout doucement, bavant d’appétit, « J’ai envie de jouer avec toi ». Il plonge alors ses longs doigts dans les yeux de sa victime tandis que l’autre main étrangle le moindre son qui pourrait sortir de ce petit être. Il a serré trop fort, le jouet est déjà cassé. Il continue néanmoins, déchirant de ses dents toute partie charnue. Aucune ne résiste. Il compte néanmoins le nombre de tour qu’il peut faire à la tête avant que celle-ci se décroche du corps de l’innocent… un peu plus de quatre. Un mal encore plus sombre s’abat alors sur le cadavre de l’enfant.

 

C’est au milieu de la nuit que les parents découvrent la mort de leur enfant. Ils avaient quitté la tente pour un peu d’intimité ne gênant alors pas l’enfant dans son sommeil…Le père n’émit aucun son, il sombra dans un état catatonique dont il ne se remit jamais. La mère hurla. Le village la retrouva baignant dans le sang de son enfant, cherchant à « recoller » les morceaux de son enfant. Elle était elle aussi, perdue à jamais…Sa sœur s’occuperait d’elle jusqu’à restant de ces jours. Le chef appela au calme tandis que la tente brûlait déjà. « Ne restez jamais seul, rassemblons nous, soyons unis plus que jamais. » Exhortait-il. « Il semble ne s’en prendre qu’aux personnes seules. Ne sachant pas ce qu’il est, évitons de se retrouver seul. Je sais que le grand guerrier est sur le bon chemin, il trouvera la voie de notre salut »

Son fils, s’éleva parmi la foule et rejoignit son père. Il tint ce discours. «  Notre peuple se meurt, ne voyez vous pas ? Ce sont toutes nos traditions, nos valeurs, nos symboles qui sont détruits. D’abord, notre future mariée, notre chef spirituel, notre avenir en s’en prenant au plus frêle de notre peuple. Cet endroit est maudit. Il faut le quitter. Rien ne peut plus nous sauver de ce désastre. Il nous faut partir au sud rejoindre une tribu plus forte qui saura se défendre contre le mal que nous subissons. »

« Mes frères, mes sœurs, mes enfants, c’est maintenant que nous devons faire preuve d’unité, en ces moments de trouble. Nous séparer ne nous rendrait que plus faible » reprit le chef.

La tribu entière s’était mise à murmurer. « Il faut partir, le fils a raison ». « Nous nous sommes sortis de bien des problèmes auparavant, la famine, la maladie c’est ensemble que nous nous en sortirons ». Et d’autres voix s’élevaient plus indécises quant au choix qui leur incombait…

« Mon fils, je n’ai pas le droit de t’obliger de me suivre. Je sais que ton souhait était de fonder ta propre tribu mais que ce temps viendrait en des jours plus heureux. Mais soit, que ceux qui veulent suivre mon fils se présentent à ses cotés. Ceux qui veulent attendre le retour du grand guerrier, fédéré comme un seul homme, reste auprès du mien. »

C’est dans le cœur de cette nuit que le village se scinda en deux. Cette nuit serait la dernière qu’il passerait ensemble sous le signe du deuil et de la perte d’être chers. Le chef embrassa son fils une dernière fois, certaines mères leurs enfants. Ils ne se reverraient sans doute pas avant de nombreuses années dans le meilleur des cas… Ils s’échangèrent alors des charmes de protection contre ceux de l’œil vrai pour qu’ils ne se perdent pas. Le fils du chef parti plein sud, gagnant des contrées plus clémentes, plus giboyeuses, plus riches… La grande majorité des jeunes partiraient avec lui, préférant partir un avenir de conquête même à l’ombre d’une tribu aux cultures différentes plutôt que subir quelque mal sans origine, incompréhensible…

Le grand guerrier dormit mal en dépit de ses charmes, Aurtil, Barle et Crul, de ses trois lances, Arche Branche et Creuse, de ses trois chiens, Algard, Britz dont l’esprit est sur lui et Curnain. Il se lève, et repart vers le nord. Ses pas forment de petits tourbillons, la poussière de glace glisse et se collent sur ses guêtres. Tout est blanc, ses chiens eux même au pelage noir et roux sont comme prématurément vieillit par le grésille. Un vent se lève, il vient du sud et donne l’illusion d’une certaine chaleur. Il marche ainsi jusqu’à une heure avancée de l’après-midi. Il découvre alors mêlée à la couche de givre, une terre étrangère, noire et salissante à l’odeur de cendres, cela ne lui rappelle que trop le bûcher funéraire de sa promise. Une colonne de fumée monte de l’horizon sans doute à une journée de marche environ…Qui peut vivre ainsi reculé alors que l’hiver arrive à grand pas ? Il espère secrètement pourvoir gagner les faveurs d’un feu, d’une hospitalité et d’un peu de conversation...

Le village s’est réuni. Il a formé à l’aide des barrières d’enclos une enceinte plus prévenante et rassurante que défensive. Il a réunit également toutes les tentes afin d’en constituer une grande où tout le monde pourrait vivre ensemble. Les feux de camps seraient formés tout aux alentours suffisamment loin pour éviter que quelques braises envolées par le vent mettent le feu à tout l’édifice. Un seul foyer central pour la cuisine serait nourrit par les brandons apportés prudemment des feux extérieurs. Le mot d’ordre est de ne laisser personne hors de vue ne serait-ce que quelques secondes…

Le nouveau village marche vers le sud, le fils du chef en tête. Ils ont pris avec eux quelques animaux, quelques peaux des précédentes chasses afin d’être accepter par la prochaine horde qu’ils rencontreraient de manière plus aisée. Ils ont laissé la plupart des animaux à leurs parents qui subiraient le froid et l’absence d’une chasse efficace. La marche est triste, ils laissent derrière eux leur famille, leur ancêtre ainsi que leur culture, leurs traditions et leurs histoires. Se faire accepter par une nouvelle horde passerait par renier leurs animaux tutélaires, leurs histoires, leurs noms. Ils devraient tout donner pour tout réapprendre à nouveau. Mais c’est le prix pour rester en vie. Ce voyage devrait être vécu par tous comme un pèlerinage où ils commenceraient à se déposséder des valeurs du cœur, des valeurs de l’esprit avant les valeurs du corps.

Que faire ? Ils s’étaient réunis, la peur sourdait derrière chaque visage, ils se tenaient serrés les uns contre les autres, ne laissant échapper le moindre courant d’air… Il tournait en rond… Personne de seul, personne de libre… Même les animaux étaient trop bien gardés. De toute façon, les bêtes le sentaient venir de trop loin. Il n’aurait pas le temps de les approcher sans que l’une d’entre elles alarme les autres et donc les gardiens du troupeau. Il pourrait suivre les jeunes partis en quête de chaleur. Ils avaient peur aussi mais ils fuyaient. Il pourrait toujours se nourrir de cette peur et faire ainsi un bon repas. Il avait grand faim. Il ne parvenait pas en dépit de ses chasses précédentes à se rassasier. Il devait trouver d’autres moyen, un par un n’allait pas assez vite… La peur se nourrit de la peur qu’elle donne…et se faisant, la nourrit tout autant. Ils étaient partis au matin, ils ne devraient pas être bien loin encore…

 

Le grand guerrier se leva et parti dans la direction du panache qui ne voyait distinctement sur le fond d’un bleu azuré infini. Il mit moins longtemps que prévu à arriver en vue du phénomène. Une légère concavité altérait la perspective. Il ne s’agissait pas d’un signe humain. La terre était noircit sur le pourtour et jurait sur la blanche étendue de neige. Au centre, un peu comme un foyer, une légère incandescence laissait échapper ce panache. Il s’en approcha prudemment, appelant ses chiens à rester à ses cotés, il ne voulait pas les voir aller trop vivement près de cet étrange objet.  La terre était chaude sous ses pas. Une neige légère et noire se collait à lui et coloriait le moindre espace blanc. Ses chiens eux-mêmes, devenaient méconnaissables sous cette tempête de cendres. Il ne put guère s’approcher à plus de quelques mètres de distance de l’objet brûlant, tant la chaleur était vive. Algard et Curnain grognaient méchamment en face de cette pierre incandescente. Ils n’aimaient ni les cendres qui leur courraient devant les yeux, ni la source de cette chaleur surnaturelle. Ils leur étaient arrivés lors des chasses de trouver des pierres de nuit comme ils appelaient du fait de leur origine. Elles venaient du plus haut du ciel,  Ils les voyaient illuminer la nuit et tomber parfois à l’horizon. Ils retrouvaient alors de temps en temps de petites pierres noires encore chaudes. Cette pierre était sans doute la plus grosse qu’il n’ait jamais vu. Etait-ce la source du mal, ou bien juste une preuve qu’il était bien là ? Pour savoir où il devait aller, il ne voyait qu’une chose à faire. Faire appel aux esprits encore une fois, danser le chant interdit. Il choisit Arche et Creuse, laissant Branche aux cotés de Britz. Seul Algard et Curnain pourraient les retrouver. Avec Branche, il déposa Barle, son talisman contre le mauvais choix.  Britz n’étant plus, il ne pouvait utiliser la force des trois pour les rites sacrés. La rupture de la règle de trois engendrerait des perturbations mystiques comme lui avait expliqué le shaman de son village.

Il chanta encore, les grelots accrochés aux chevilles et aux poignets, Arche en main gauche, Creuse en main droite, il tournoya jusqu’à n’avoir dans la tête que les souvenirs perdus des tambours de son village, des rires des enfants courant entre les tentes. En se propulsant hors de lui dans un ultime souffle, il lança alors Arche et Creuse. Il tomba alors au sol étourdit dans le centimètre de cendres noirs qui couvrait l’espace. C’est Algard qui le réveilla avec force démonstration baveuse. Il avait bien du se passer quelques heures. Il reprit Branche et Barle et siffla les chiens pour retrouver ses lances. Ils regardèrent le grand guerrier et se lancèrent l’un après l’autre vers le cratère d’où ne s’échappait plus qu’une fine volute. Le grand guerrier pris peur, il hurla mais les chiens étaient déjà loin et n’étaient plus qu’à quelques mètres. Ils sautèrent par-dessus le cratère, il ne les voyait plus caché par le renflement de la pierre. Il courut… dix mètres avant ce caillou noir comme la nuit. Il commença à ressentir la chaleur de plus en plus forte. Et bien qu’il voie ce qui se trouvait derrière, aucune trace des chiens. Cinq mètres, il pria, ferma les yeux et cria sur les derniers mètres. Il ne savait plus ce qu’il faisait. La chaleur était terrible, il sentait ses poils roussir, le cuir de ses vêtements se serrer contre lui. Sa plante des pieds brûlaient. Ses cheveux devaient fumer pour sentir aussi mauvais, ce furent les cinq mètres les plus long de sa vie…Et sur la plaine noircit, il se désintégra…ajoutant aux cendres tournoyantes, une dernière odeur du grand guerrier…

 

 

  

 

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commentaires

A
<br /> c'est peut être juste moi, je déteste ce genre d'histoires, de pseudo psychologie de l'assassin, surtout du tueur de femmes qui tue par vengeance d'humiliations subies, je trouve ça cliché et un<br /> peu trop évident comme psychologie. Et puis je suis pas fan (mais la c'est peut être un ras le bol féministe)des récits de violence haineuses des hommes sur les femmes, ça existe bien trop dans la<br /> vie et dans la littérature. ceci dit, je trouve ça plutôt bien écrit et réussi dans le genre, c'est juste que personnellement j'ai énormément de mal avec ce type de thème.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Je sais bien que c'est cliché... mais c'est aussi un exercice de style... Je verrai où cela mène ou me mène... Le but étant de dépassé ce cliché primitif... passer d'une quête spirituelle, celle de<br /> ce grand guerrier qui n'a pas de nom (à dessein), et celle d'un village qui perd tour à tour des images fortes de son identité : Mariée, future mère; Guide spirituel; Enfant, futur du<br /> village...<br /> A voir... <br /> <br /> <br />
A
<br /> je pense que le début est anachronique, l'époque que tu décris semble peu favorable aux femmes, et pourtant tu mets en scène un tueur qui veut "se venger des femmes pour toutes les humiliations<br /> subies". je ne trouve pas ça crédible, on ne sait pas exactement ou tu places dans le temps mais il me semble que le monde que tu décris est déjà en soi un calvaire pour les individus féminins, les<br /> femmes auraient elles le pouvoir de "traumatiser" un homme dans ces conditions? Dans un système patriarcal ou les hommes sont tous puissants, ça me semble assez difficile.<br /> <br /> <br />
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A
<br /> il y a ce qui se dit et ce qui se fait...des règles et la vie comme elle est...ce n'est pas anachronique, ce n'est pas sur le même plan, le ressentit de ce qui a été fait, ou est fait et ce que les<br /> coutumes et les droits devraient permettre...<br />  <br /> <br /> <br />