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21 mars 2010 7 21 /03 /mars /2010 21:54

Gris souris, le temps s’achève sur des nuages voilant le paradis.

Pas de pluie, juste l’envie d’avoir un parapluie

Les lapins sont là et les canards se marrent

Pas même une goutte du peuplier vient bruisser le miroir de la mare

Les mains sont sèches, les cœurs aussi et pourtant…

Les sourires sont là, les démarches claudicantes aussi et pourtant…

 

 

Gris souris, la nuit s’en vient, j’espère, elle apporte l’oubli

Celui qui permet de recommencer une nouvelle fois

Une autre erreur pour prouver encore que dans la cage

L’oiseau chante plus qu’il ne meurt.

On s’embrasse, on batifole mais on ne danse pas

On explose en morceaux de miroirs dégueulasses

Pour briser l’identité des autres, se refaire la sienne

Un pauvre maquillage, une autre mascarade où plus personne ne saute.

 

Gris souris, le chat dort, s’ennuie, s’enfuit et s’en fout.

Il n’y a plus rien à caresser, à consoler, l’âme fuit

En goutte d’eau purpurine, urine bulleuse qui rote et qui pue

Je ne sais pas qui il vaut mieux oublier pour se détruire,

Les autres ? La mémoire ? Mes autres ? Ma mémoire ?

On porte à bout de bras, la succulence d’une moelle osseuse en offrande

C’est celle qui t’articule, petit bonhomme, tu t’enfiles et t’embobines et tu te brises.

 

Gris souris, Les commissures s’écartent, une langue rose s’échappe

On a faim. On veut bouffer du sang, des entrailles. On veut faire mal

On veut pleurer pour de vrai, des vraies larmes qui nous désagrègeront

Nous feront revivre. On veut chanter les épines qui t’ébouriffent, qui déchirent tes vêtements,

Te lambrissent. On veut jouer des viscères pour conduire les hères au très haut.

On veut être en visage des autres, on veut envisager les autres dans l’argile. On veut tranquilliser l’âme dans le bruit de la chute.

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11 mars 2010 4 11 /03 /mars /2010 13:58

...

Il était là, en équilibre, sur le haut mur de la prison, à la frontière entre la terre et la mer, sur le haut de la falaise
Il ne fallait rien, quelconque petite balle de quelconque sentinelle, quelconque petit brin de vent venu de la terre
Pour désarçonner le futur évadé, pour qu'il retrouve le temps d'une seconde un peu de liberté oubliée
Pour lancer l'homme vers l'horizon qui se translaterait de l'horizontalité vers une nouvelle ascendance

Il était là, en équilibre ce coeur aseptisé, l'esprit torturé. Il faisait nuit, les yeux aux alentours  ne voyaient guère que les pinceaux lumineux des miradors dansant aléatoirement un ballet sans douceur. Les yeux autour ne voyaient que les faisceaux des phares qui se réfléchissaient sur l'écume des vagues ou bien était-ce la lune ? Il ne voulait qu'une chose...qu'une de ces lampes le touche de près, que son ombre se dessine sur l'ombre lointaine, que les sirènes résonnent. Il ne voulait qu'une chose... que les brins d'herbes qui étaient doucement agités par la légère brise, puissent s'arracher du sol par quelconque violente tempête qui l'emmènerait en contrebas, pour se mélanger à l'écume blanche... pour s'incorporer dans le bitume.

Un signe pour plonger, un signe pour sentir ses lèvres dessiner enfin une nouvelle joie...

Ce qui arriva ?






Il sentit sur son épaule gauche, un poids d'une densité incroyable. Une étreinte à bras le corps alors qu'il ne s'agissait que d'une main qui le retenait. Elle se tenait debout dos à la mer, elle se tenait debout dos à la liberté. Elle regardait vers l'intérieur. Il priait pour la balle qui achèverait tout, le coup de vent qui terminerait tout. Il recevait l'ancre qui le mit debout. Il sentit dans ses mollets, dans ses cuisses, dans son dos, dans ses épaules, toute la force qu'il devait donner pour lutter contre la pesanteur de cette main. Il sentit qu'il avait toute cette force encore... Il se rendit compte qu'elle n'était pas partie sa force... Elle était là... Elle avait toujours été là...

Il se tourna alors vers l'intérieur...Les murs gris de la prison grise, l'herbe noire qui dérivait au vert sombre sous l'éclat lunaire. Il ne sentait plus qu'à peine le poids de cette main, il regarda à gauche, à droite. Il fit un premier un pas loin du vide, il fit un pas et ne se retourna pas...




Et le coeur se mit à vivre
                           brer 
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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 15:33

Ya des jours où on a envie de mettre la main dans sa poche

Y sentir un trou qu’on élargirait en tout sens comme pour combler un autre vide

Celui du cœur qui envoie tourlinguer les petits cailloux le long du trottoir

 

Ya des jours où on a envie d’avoir un col à large bord pour jouer

A l’inspecteur qui  n’a plus besoin de loupe pour étudier les imperfections

Ces rayures que la vie fracassante laisse au coin des yeux de chacun qui vient à ta rencontre

 

Ya des jours où on a envie d’un chapeau qu’on enfoncerait  jusqu’aux oreilles

Pour ne pouvoir regarder le ciel que la gorge découverte

Pour ne jamais pouvoir regarder son reflet dans les vitrines où le mannequin paraît plus humain que vous

 

Ya des jours où on a envie de courir le long de la côte qui mène à la rivière

Juste pour s’arreter à la dernière mesure de la mélodie qui bat dans ton crâne

Comme une psalmodie enfantine qui te chante encore encore, encore une fois.

 

Ya des jours où on a envie de tourner en rond sur la grande place pour partir

Dans la première rue dans laquelle notre déséquilibre nous pousse

Un premier pas pour définir tout les autres…

 

Ya des jours où on a envie de rester assis à observer les gens qui tournent

Les gens qui remontent leur cols, les gens qui mettent un chapeau, les gens qui tapent dans de petits cailloux imaginaires, les gens qui courent vers la rivière…

Les cols qui se remontent, les chapeaux qui se mettent, Des petits cailloux imaginaires qui vont rebondir aux coins des maisons, des rivières qui viennent, des rues qui se dessinent, des avenirs qui se profilent… Une spectacle infini qui se joue…les gens, à la fois danseur et musiciens.

 

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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 15:29

Le soleil est trop vert ces jours-ci

Il chante l’allégresse d’un cri

Et la lune est trouvère en ces nuits

Elle geste l’épopée de celui qui rit

 

La Terre est trop prise en ces temps

Elle danse, éprise, en entrechat

Et le Ciel se couvre de cirses las

Il piquète l’œil en abattement

 

Les fleurs libèrent des somptueuses fragrances

Elles végètent mollement en transe

Et les bêtes s’y cachent en s’y roulant

S’enroulant dans les lichens blancs.

 

Les hommes tapissent leurs pas petits

Empreignant la terre d’empreintes volées

Et les femmes ouvrent leurs cuisses en pis

Faisant miroiter les éclats d’un paradis oublié.

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3 février 2010 3 03 /02 /février /2010 16:09
Tout-le-monde pensait que le bonheur était là, à ses pieds,
qu'il suffisait de se baisser pour le ramasser,
le malaxer un peu, comme l'argile qu'un potier
transformerait en quelques tours de tours qu'il mettrai au four,
comme si cela donnerait au bonheur ainsi pétri, un peu de magie

Tout-le-monde partait avec ce petit bout sous le bras
En quête d'un horizon trop bas, trop vu, trop pris, trop perçu
Il ne faisait guère que quelques pas avant de laisser échapper leur petite boule de terre cuite
Il se baissait alors et recommençait une nouvelle fois à tenter d'aller tout droit plus longtemps sans répit...

On ne savait pas depuis combien de temps Tout-le-monde faisait ça. Son frère devait certainement s'appeler certainement Sisyphe...pour qu'il continua ainsi pendant des siècles.

Vint le jour heureux, où Papillon nébuleux joua des courbes folles devant les yeux de Tout-le-monde. Tout-le-monde pensait que quelques nuages passaient de ci de là  pour assombrir sa vue n'importe quand, juste comme ça...Il cru ensuite que quelque rafale de vent, jetait quelques poussières, donnant l'illusion d'une quelconque présence...
C'est en laissant échapper son petit bonheur, une nouvelle fois, qu'il se rendit compte que ce n'était qu'un Papillon... Pauvre petit être sans nom qui perdait tant de temps à tournoyer, butinant quelques fleures aériennes et transparentes. Papillon n'avait même pas le moindre petit bout d'argile modelé entre ses ailes... Pourquoi donc battre de ses ailes ? Tout-le-monde, quelque peu intrigué, voulu suivre Papillon. C'est alors que Tout-le-monde se mit à tourner sur lui-même.C'était la première fois. Quelle ivresse il ressentit alors... Jamais il n'en avait éprouvé autant... si bien qu'il perdit l'équilibre et s'étala de tout son long, dans l'argile de sa Terre... Tout-le-monde souriait, il voyait Papillon continuer à danser follement dans le ciel qui, bien que vide de nuage, tournait encore un peu. Cela faisait du bien à Tout-le-monde de s'arrêter un peu qu'il faudrait qu'il le fasse plus souvent. Il perdait de vue son objectif à mener cette course folle. Revenu à lui, il se dit qu'il serait bon de faire quelque promontoire pour que Papillon puisse lui aussi se reposer. Peut être pourrait-il lui aussi se recentrer et décider où il voulait aller. Tout-le-monde prit un peu d'argile et lui donna la forme d'une fleur aux larges pétales. Il mit dedans tout ce qu'il avait. Il la laissa ainsi tout une après-midi sécher au soleil. Des couleurs, des senteurs naquirent ainsi. Tout-le-monde avait créé sa fleur, Tout-le-monde était heureux et Papillon s'y posa donc, heureux également.

Forts de cette expérience, Tout-le-monde et Papillon s'arrêtent de temps en temps. Tout-le-monde d'aller tout droit et Papillon de tourner en rond. Et quand, Tout-le-monde laisse tomber son petit bonheur. Il le reprend, le caresse, y ajoute de nouvelles formes, de nouvelles senteurs, le remodèle.

De temps en temps, Tout-le-monde croise Papillon, ils se saluent très respectueusement et avec beaucoup de joie. Tout-le-monde sent et sait, son corps et son coeur battre au rythme des ailes de Papillon.
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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 16:41
Il y a une route,
Qui suspend l'immortel au présent
Elle mène loin au delà de la colline
Il faut passer le porche assombrit de glycine
Laisser sur les cotés, tout ce qui est trop blanc 
Il y a une route.

 
Il y a une route,
Qui grandit l'âme, les larmes et la voix
Elle est assez large pour vous faire comprendre
Lorsque la colline quittera sa couleur de cendres
Vous pourrez déposez votre croix.
Il y a une route.

 
Il y a une route
Qui annonce des couleurs, des chants, des coeurs
Elle n'a nulle fin, nul coin, nul horizon
Elle se gagne par la force de la raison
Vous y rencontrerez deux personnes, vous et votre âme soeur.
Il y a une route... 

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30 janvier 2010 6 30 /01 /janvier /2010 16:22
Je prenais ma douche et les gouttes d'eau brûlantes tambourinaient mon crâne, je fermais les yeux...

C'était des pelletés de terre qu'on jetait sur moi, enfin, sur le bois de mon cercueil, quelques planches de pins assujettit à la vite-fait... c'était ce qu'on voulait oublier, ce qu'on n'avais jamais voulu être, étendu en long avec toute la frustration de l'inertie, sans aucune promesse d'une nouvelle accélération. Que restera-t-il de moi, sinon les derniers sons de l'enterrement...

J'ouvrais les yeux, réglais l'eau un peu plus chaude, je fermais les yeux...

C'était des mitraillettes vocales, lancées sur mes propres mots, pour les effacer, les contraindre au silence, à la non existence, à la non pensée. Les doux mots de la vie, personne voulait les écouter. Trop de douleur à entendre les vérités du coeur et de l'âme. Je ne veux pas dire que je détiens la vérité... Elle n'existe pas sinon pour moi... C'est peut être plus que la vérité, la sincérité qui fait le plus trembler les esprits. Je voudrai hurler doucement d'abord avant tout lancer dans une dernière bataille... 

J'ouvrais les yeux, ajoutais encore un peu plus de chaleur, le débit au maximum, je fermais les yeux....

C'était des applaudissements soudains, d'une foule en délire, qui fusait tout autour de moi. Les sourires éclairaient les yeux, des rires joyeux partaient de tout les ventres. C'était une naissance sublime qui venait d'être accomplis. Communauté unie, ensemble et un. Cette sensation d'être le groupe, tout seul. Cette sensation partagée par tous qui fédère, embraye, passe la vitesse supérieure et plonge dans l'avenir, serein comme un train de l'espace volant vers l'infini...

J'ouvrais les yeux, ajoutait encore un peu plus de chaleur, je cuisais, ma peau était rouge, je ne voyais rien, trop de vapeur dans ma salle de bain, je fermais les yeux....

C'était un orage, il pleuvait averse sur le toit de ma maison. Je dormais sous les combles. Je me sentais assailli de toute part. Je me retournais... Elle était là, un regard de merveilles qui plongeait dans le mien sans aucun horizon."J'ai peur" me susurra t'elle. Je l'a pris dans mes bras, l'enveloppait de mon coeur. Elle nicha sa tête dans mon cou. Je louai, je-ne-sais-qui, d'avoir pu créer  les orages et les tempêtes, les femmes et l'amour...

J'ouvrais les yeux, fermais les robinets, et pris ma serviette...J'entendais encore le son de l'orage sur les tuiles de mon toit. 
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14 janvier 2010 4 14 /01 /janvier /2010 17:54


Un voile acté brûle dans ces yeux

Le vent, en brise les contours et bouleverse son ordre

Une musique se réveille des froufroutements intérieurs, tissus contre peau

Dans ces cieux, la voie lactée brûle

Bourrasques et foudres tournent de boules en spirales

Les gouttes d’eau se pressent, crapahutent sur les tôles fines, facétieuses.

Danses et yeux de foi regardent  derrière les paupières closes

Ces miracles  en flaques joueuses de la batterie du jazzman sans blouse.

Il dégouline, ses ailes écrivent à la plume sur le trottoir liquéfié

Quelques vers délavés, quelques rythmes endiablement aqueux.

Une voix  s’élève des coursiers pressés, contrepoint métallique à ce qui n’allait que du tic au tac.

Ces yeux brûlent d’être bien aimé, ces yeux brûlent d’être embrassés

Le voile a pris feu, le ciel s’est embrasé en même temps que ses lèvres fines.

Nous nous noyons dans ses habits si beaux, abysses belles…

Tout devient flammes et ritournelles…

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7 janvier 2010 4 07 /01 /janvier /2010 22:29

CHAPITRE I

 

Il voulait se jeter sur elle, les poings levés en massue pour enfoncer son crâne, lui brisant la nuque. Il voulait charger comme un taureau, et voulait suspendre sa vie en un seul instant, lui broyant les os de son visage trop parfait, faisant éclater ses pommettes, ses arcades. Il voulait du sang, son sang sur ses mains. Il voulait s’en repaître pour en jouir. Il voulait lui labourer le ventre, à force de coups de pieds, la foulant au sol comme une vulgaire paillasse. Il voulait sortir son sexe brandit pour pénétrer violement son intimité. Effacer son sourire à tout jamais, sortir son cœur à main nue et lui fourrer dans la bouche. Elle saurait ce que c’est, d’avoir le cœur aux lèvres.  Il riait si bruyamment intérieurement, qu’un sourd grondement pointait de ses lèvres. Un filet de bave glissait silencieusement le long de son menton carré. Il la tenait, il le savait. Il était derrière elle depuis trop longtemps maintenant pour qu’il ne puisse pas s’ébattre avec elle comme il l’entendait. C’était ainsi aux premiers temps dans sa tribu. L’homme pouvait jouir de sa femme comme il l’entendait. Il l’avait décidé depuis tout petit. Sa femme à lui, il ne la respecterait pas. Il la battrait à mort pour toutes les femmes qui l’avaient humilié enfant, pour toutes les femmes qui jouaient les effarouchées alors qu’elles ne désiraient qu’une chose, être possédée et engrossée. Sa femme à lui, il la dépècerait et la donnerait à bouffer à ses propres chiens à elle. Ils méritaient de la viande de premier choix après tout. Il pourrait alors se reposer ainsi repu. Elle lui tournait le dos, Il pouvait voir ses hanches bien faites, ses jambes fines sous la tunique en daim. La peau lui avait été offerte en cadeau de fiançailles, un beau cadeau. Une chemise en lin recouvrait son dos et une écharpe de la même étoffe lui enserrait le cou. Il se présenta tout entier dans l’encadrement de la porte, brisant la lumière venant des torches extérieures. Elle se retourna, surprise. Sa bouche dessinât un petit o d’étonnement. Personne n’aurait du se trouver là, la veille de la cérémonie. Il lui dit de sa voix grave et rauque, « j’ai envie de jouer un peu ». Il fut alors sur elle. Elle n’eut pas le temps de crier.

 

Le lendemain, c’était jour de fête, on allait marier la fille du chef du village avec le plus grand guerrier. Des cochons venus à grands frais du sud avaient été sacrifiés pour l’occasion. Du vin allait accompagner les libations à la place de l’habituel lait fermenté. Les femmes s’étaient vêtues de leurs plus beaux atours, tandis que les hommes avaient ornementé leurs tenus habituels et leurs cheveux de plumes aux couleurs magnifiques. La grande place avait été balayé et la terre tassée afin qu’elle soit bien plane. C’est là qu’ils allaient manger et danser. Les musiciens traditionnels avaient préparés leurs tambours, leurs flûtes et autres sifflets. Il faisait grand beau. Le ciel était d’un bleu magnifique. Cette journée allait en plus de symboliser la formation d’un nouveau foyer, lancer la migration vers le sud avant le début de l’hiver pour gagner des régions plus clémentes. Entre les deux totems tutélaires, le loup guerrier et la belette prêtresse, se tenait le chef, fier avec son plastron tissé d’os d’oiseaux. Bien qu’étant un des plus âgés du village, il gardait le maintien du grand guerrier qu’il avait été. Le fils du chef ne devenait pas obligatoirement chef à son tour. Chaque fonction était méritée suivant l’alchimie de la volonté et du don personnel pour remplir la tâche. Son visage était marqué par les ans, les combats et le soleil. De ses yeux se lisaient la quiétude, la sagesse. Devant lui, le grand guerrier attendait. C’est ainsi qu’on l’appelait. Il était le protecteur du village, le général des armées si l’on peut dire bien que la tribu ne compte qu’une centaine d’individus. Même si cela faisait trois générations qu’aucune guerre entre tribu n’avait eut lieu, le titre était resté. Il était en fait surtout celui qui menait la chasse, choisissait le rythme, la durée, le gibier. Il relevait la piste des animaux presque avec prodige. Il était, plus que le propre fils du chef, la troisième personne la plus importante après le shaman bien sur. C’était un grand mariage. Sa fiancée lui avait été choisit alors qu’il n’avait que quinze ans. Il en avait aujourd’hui vingt-deux. Ces sept dernières années sont la période traditionnelle durant laquelle les deux parties apprennent à se connaître et à se plaire. Si tel n’est pas le cas, le mariage n’a tout simplement pas lieu. Ils ont alors le droit de choisir un autre partenaire mais ne pourront se marier que sept années plus tard. Dans les conditions de vie parfois extrêmes, le mariage d’amour était infiniment rare. La constitution d’une famille, d’un héritage prenait du temps et posséder huit enfants assuraient sa pérennité. Huit étant par excellence le chiffre sacré de tous.

Le grand Guerrier avait patienté toute la nuit auprès du feu central pour méditer, se recueillir et faire vœux de bonheur pour tout le village. Il avait été gardé par les sentinelles. Elles étaient nécessaires en ces temps de paix non par peur d’être attaqués par des bandits mais par des animaux sauvages qui auraient pu s’en prendre aux chiens ou au quelques têtes de bétails. Les gens s’étaient placés de telles manières que les personnes les plus vieilles se trouvaient le plus proche du mariage et les jeunes le plus loin. Les enfants emboîteraient la marche de la mariée lorsqu’elle passerait entre eux. Refermant en demi-cercle tout le village autour des mariés. Elle se présenterait selon la coutume lorsque le soleil serait au plus haut dans la journée. En attendant, ils chantaient pour sa venue. La mariée devait se préparer seule pour ce grand jour à la fois par la méditation et par les travaux de coutures qui allaient de son habillement jusqu’aux couvertures de la couche nuptiale. Le partage des tâches se feraient alors durant toute leur vie commune. Il en était ainsi depuis des temps ancestraux. Cela permettait aux jeunes de savoir tout faire et surtout en cas de disparition de l’être cher, de ne pas avoir à se reposer sur les compétences d’une tierce personne.  Le mariage était absolu même en cas de mort prématuré de l’un des conjoints. Les âmes ne pouvaient jamais se délier, elles ne faisaient que fusionner.

Le temps passait et le soleil amorçait déjà sa descente. On commença à raconter quelques quolibets, davantage pour éloigner l’inquiétude qui naissait dans les esprits. On envoya un enfant s’enquérir de la mariée…Peut-être ne s’était-elle pas réveillée ou bien avait-elle pris du poids rendant sa robe trop juste maintenant ? Le hurlement qui survint quelques instants plus tard, jamais personne ne pourra l’oublier. C’était un enfant et pourtant, son esprit fut brisé en un instant. Personne n’avait jamais vu une hutte où le sang ne laissait la place à rien d’autres que des os brisées, des viscères écrasées, des cheveux poisseux. Il recouvrait tout. La terre en était gorgée. Le grand guerrier pleura, le chef pleura, le village pleura. Tous s’effondrèrent à genoux, ramassant à plein poings la poussière du sol, se la frottant sur le visage. Seul l’enfant témoin fit le seul geste à sa portée pour rester sain. Il s’empala sur une lance dont il avait bloqué la hampe mourut. Le prêtre psalmodia, et vit l’œuvre du démon, du grand démon, non celui qui rend parfois un animal féroce, qui transforme une douce brise en tempête subite. Non, celui qui se cache dans la multitude des hommes, un petit peu en chacun d’entre nous. Il est parcellaire et aisément contrôlable. Mais dans la nuit, il avait du s’agréger, au point de prendre forme. Il avait alors profité des cœurs devenus sain et pur pour la fête de l’union pour faire ce qu’il faisait de mieux, détruire. Voilà l’explication du shaman.

Le grand guerrier doit partir dans une quête sans retour précis. Ainsi l’a vu le shaman. Il doit trouver la source du mal. Il est le seul à avoir une chance d’en trouver les traces, étant versé tant dans l’art de la chasse des animaux que celui des esprits. Quiconque a pu faire ça n’est pas humain, Le grand guerrier tremble. Il a peur de ne pas revenir… Il part avec ses trois chiens, ses trois lances, ses trois talismans. Algard,le noir, le féroce ; Britz, le fauve, l'affuté ; Curnain, le blanc, l’agile. Arche, Branche et Creuse ; Aurtil contre le mauvais œil ;  Barle contre le mauvais choix ; Crul contre les ténêbres. Qu’il s’agisse de ses chiens, ses armes ou ses protections, ils les a tous reçu loyalement au cours du déplacement de la horde par son courage, sa force et sa clairvoyance, la vie de la tribu.

Il part. Les yeux sont plein de larmes et comme vidés de toute vie, mais le cœur connaît ce battement sourd des tambours de bataille. Les lances sont au travers du dos. Algard est devant, flanqué par Britz à sa gauche et Curnain à sa droite. Aurtil pend à son cou. Barle entoure son poignet. Crul noud ses cheveux. Il marche comme un guerrier. Il ne sait pas où il va. Nulle trace ne lui permet de se diriger. Tout ce sang et aucune goutte à l’extérieure. Britz prend de l’avance et fait continuellement des allers-retours entre son maître et une cinquantaine de mètre devant. Curnain assure l’arrière tandis qu’Algard reste fidèlement près de son maître. Le paysage est désertique en ce début d’hiver, il n’y a guère que quelques herbes rases qui survivent encore. Il part plein est. Il n’a pas d’autres idées que de retrouver l’ancien campement et réfléchir à une nouvelle décision.

Le grand guerrier maudit pendant un temps toutes ces croyances, ces traditions. Sans eux, Ils se seraient mariés depuis bien longtemps et elle n’aurait pas été emportée par on ne sait quel démon. Mais… Ce sont ses même traditions et croyances qui ont tant de fois sauvé la tribu… alors lui-même que serait-il devenu ? Sans se targuer d’être le meilleur, même si il n’était pas le grand guerrier pour rien, que deviendraient-ils tous sans ses plus grandes protections, sans lui ? Tout le monde se résolvait trop facilement aux décisions de ce prêtre. Tout cela n’avait pas de sens. Il y a un meurtre et on envoie l’image même de la force de la tribu loin de la scène. Tout tournait trop autour de lui…Il enrageait…

Il marcha le reste de la journée et une partie de la nuit jusqu’à enfin découvrir un petit stock de bois. A se lamenter ainsi toute la journée, il n’avait pas marché bien vite… Il y en avait toujours quelques-uns disséminés aux précédents emplacements. C’était autant d’oasis en plein désert à part qu’ici, c’est la chaleur dont on avait avant tout besoin...Il prépara rapidement de quoi nourrir ses chiens et lui-même plus par besoin que par envie…Puis, il les appela pour dormir au près d’eux et s’endormit.

Hum, la belle odeur que voilà…Un peu trop poilu pour un humain mais… ce n’est que de la peau… en dessous, il y a la chaleur du sang, la chaleur d’organes qui vibrent. Surtout pas de bruit…Il détestait le bruit qui sortait de leurs gueules… Le plaisir du sang qui jaillit des artères, du cœur éventrée, voilà qui était une douce musique à ses yeux. Les os qui craquent, la moelle qui se répand. Mettre sa tête dans son ventre et boire et manger à volonté tout ce qui vient. L’estomac est son organe préféré car il y a très souvent des surprises à l’intérieur à moitié digéré. C’est tout un jeu alors de deviner le dernier repas du condamné. Il y a toutes les viscères qu’il est amusant de suspendre autour de soi en guirlande… Il se souvient une fois d’avoir eu le temps de tuer par étouffement en l’étranglant avec son propre intestin… Il n’avait pas recommencé, la chair était moins bonne après…Il voulait pouvoir se faire un pyjama de sa peau pour mieux sentir la bête… C’était après tout le seul moment où il se sentait plus … humain… C’est en partant dans un grand fou rire inextinguible qu’il s’abattit sur l’homme par derrière. D’un tour de main, il le retourna, laissant stupéfaite sa victime… « J’ai envie de jouer avec toi »  furent les dernières paroles qu’il entendit. S’ensuivit une orgie de sang dans une charmante musique tout en craquements et chuintements morbides.

La nuit fut courte pour le grand guerrier. Il raviva le feu pour chauffer sa soupe matinale et prendre une décision. Si les esprits étaient avec lui… Arche, Branche et Creuse sauraient lui montrer le chemin… Après tout, c’est ainsi qu’à la chasse, cela fonctionnait…Il dansa et chanta. Pas le chant de la chasse, ni celui de la guerre, non. Le chant interdit, celui qui fait sortir la noirceur de tout être pour mieux le percevoir et mieux l’annihiler. Se faisant entrer en transe… par ses propres martellements de pieds et sa propre voix. Il lança tour à tour Arche Branche et Creuse. Quelques minutes plus tard, il se réveilla, étendu sur le dos, les bras écartés. Il se releva, appela ses chiens dressés à retrouver ses lances. Il était bien plus utile de les dresser ainsi plutôt que de reconnaître la simple odeur du sang. Ils partirent tous dans la même direction… Le nord. Le grand guerrier avait rapidement espéré qu’il en aurait été autrement. Ses épaules s’affaissèrent légèrement alors. Les temps seraient durs. Les caches de bois seraient rares et le soleil ne se coucherait bientôt plus. Il avait de quoi manger pour ses chiens et lui pour une dizaine de jour. Il devrait trouver de quoi améliorer néanmoins ses réserves à la moindre occasion. A part quelques lapins, il n’envisageait pas d’autres proies évidentes.

Le vent se faisait dur et acéré. Il remonta sur son visage son écharpe en lapin. Les flocons de givre dansaient devant ses yeux. Brisant sa vue à quelques dizaines de mètres au maximum. Ses chiens restaient plus serrés près de lui. Il prit une grande respiration pour se donner du courage et partit vers le nord.

Pendant ce temps là, au village, les habitants découvraient la scène affreuse où le shaman était répandu dans sa tente. Il ne restait de lui que des fragments plus petits que le poing du plus petit des enfants du village. Ils brûlèrent le tout comme pour la tente de la mariée. Il était impossible de construire un bucher funéraire digne de ce nom. Tout le village était en émoi. Leur protecteur était parti châtié le mal sous la vision du shaman. Et c’est leur protecteur spirituel, lui-même qui n’avait pas pu se cacher de ce démon qui avait succombé. Les hypothèses fusaient. Le shaman avait été possédé pour éloigner ainsi la seule personne qui aurait pu tous les sauver. Le démon ayant remplit son acte avait quitté alors son corps, le faisant littéralement explosé… Ou bien le shaman avait livré hardiment bataille mais avait lamentablement perdu. Ils étaient tous effrayés. D’autant plus que le shaman n’avait pas eu le temps de former un disciple. C’était un grand problème et pire un grand malheur car au prochain rassemblement des tribus, leur clan serait morcelé pour renforcer les autres comblant en nombre de foyer ceux qui en comptait le moins. Il ne s’agissait pas non plus de séparer les parents et les enfants de leurs parents. Le désespoir s’abattit sur eux et les appels à l’espoir de leur chef ne résonnaient que fugitivement à leurs oreilles. Ils ne souhaitaient tous qu’une seule chose, oublier, tout simplement oublier. Le chef lui-même ne semblait pas croire à ce qu’il disait.    

Le grand guerrier se réveilla accompagné de ses trois chiens, de ses trois lances, de ses trois talismans. Il rassembla ses affaires, regarda dans la direction du village, soupira, roula des épaules pour se dégourdir, observa le nord avec détermination, une presque haine voilait alors ses yeux…Il respira et se mit à marcher du pas de l’éclaireur… foulée longue et décidée… Il marcha ainsi une demi-journée entière avant de voir dans le givre, l’empreinte d’une panthère des glaces… La chasser serait une prise difficile certes mais lui permettrait surtout de ne pas endurer la faim pour quelques semaines supplémentaires…Et puis il en avait vu d’autres. Et comme il n’était guère équipé pour abattre des cibles légères comme des lapins trop téméraires, il y vit un bon augure… Les traces l’amenèrent un peu à l’est de sa direction. Il découvrit alors derrière une légère surélévation de terrain, la panthère à l’affût d’un gibier potentiel, que le grand guerrier ne distinguait pas. Il ne pouvait espérer meilleur moment. En effet, toute l’attention de la bête projetée vers sa proie. Elle lui tournait le dos. Il lui était plus aisé de s’en approcher. Il ne devrait pas pouvoir la rater.

Ses chiens, éduqués depuis de nombreuses chasses connaissaient leur affaires. Britz et Curnain approchent la proie de coté tandis qu’Algard partipera à l’assaut de front. Creuse sera son arme, la plus légère, la plus pénétrante, la plus acérée avec sa pointe taillée en barbelée. Il s’approche doucement, glissant davantage que marchant. Il camoufle le bruit de ses pas dans les vents qui agitent la légère couche de grésille. En un instant, arrivé à une vingtaine de mètres de la panthère, le grand guerrier se relève d’un bond, se projetant vers le fauve, le bras armé. Britz et Curnain fondent de part et d’autres. Algard reste en retrait, n’attendant qu’une chose, le jet de lance pour se lancer à son tour. C’est alors que l’impensable se produisit, la panthère se retourne soudainement et se jettent et se propulse vers le grand guerrier. La lance fuse dans les airs, Algard attaque. Britz et Curnain sont bientôt sur elle. La lance n’est qu’à quelques mètres. La panthère se jette de coté, évitant la lance qui se fige, vibrante dans le sol. Britz arrivant sur la gauche saute sur elle. Ils roulent tout les deux tandis que Curnain arrive à son tour. Il ne s’approche pas du duo de combattants mais donne des coups de griffes lorsque la panthère montre son dos. La neige devient rouge sang, sang de la panthère, sang de Britz qui en dépit de ses crocs figés dans le cou de la panthère, se fait labourer le ventre et l’abdomen par ses pattes. Britz finit par lâcher et retombe à terre dans un couinement. Le grand guerrier qui a sortit son couteau, hurle. Curlain continue de tourner autour de la panthère agonisante, sa trachée est lacérée, Britz l’a eue. Algard plonge à son tour sur elle. La panthère ne panique pas, toujours pas…et se projette contre lui, les pattes acérées devant sa gueule. Algard se jette de coté et saisit la par la gueule le cou ouvert par Britz. Ils roulent tout deux, Algard lâche prise. La panthère balaie de sa patte gauche l’espace, déchirant un peu la joue juste en dessous d’un œil d’Algard. La panthère ne bouge plus. Le grand guerrier s’approche alors et l’achève d’un coup placé en pleine poitrine, droit dans le cœur. Dans ce combat, il n’y aura eu que quelques couinements et grognements des chiens. La panthère blanche maintenant maculée de sang, n’aura émit aucun son. Britz est à l’agonie quand le grand guerrier s’approche de lui. Il lui rend alors hommage par le couteau qu’il a nettoyé dans la neige pour ne pas mélanger le sang de la proie et celle du prédateur. Il s’occupe alors d’Algard dont la blessure est plus impressionnante qu’il n’y paraît, son œil est intacte ce qui est le plus important. Il aura sans doute peut-être quelques difficultés à saisir fortement par la gueule pendant quelques jours. Il finit alors de donner les dernières grâces à Britz puis sans tarder, il le dépèce, récupérant ses crocs et sa peau. La viande sera laissée à d’autres prédateurs rendant par la chair que le chien aura  prélevé par la chasse, la sienne. Les crocs conservent l’esprit du chien et son caractère. La peau conserve la chaleur.

La panthère était belle mais l’animal devait être fou ou malade pour réagir comme il avait fait. Elle aurait du fuir, ses chiens lui faisant peur. La lance lui aurait été alors fatale. Creuse n’était pas abîmée ce qui un soulagement. Le grand guerrier ne veut rien récupérer de cet animal. Manger sa chair ne pourrait le conduire qu’à plus de folie encore. Il choisit un endroit où la terre est moins dure et entreprend de l’enterrer afin que nul animal ne puisse partager cette « possession ». Il découvre que là où les crocs et les griffes de ses chiens ont marqué, la chair s'est déjà noircit, une odeur funeste s'en échappe. Il tasse la neige alors du mieux qu'il peut, et fait quelques kilomètres avant de faire une pause. Il ne veut pas rester près du lieu du combat. De nombreuses heures sont passées. Il reprend alors sa route avec ses deux chiens, ses trois lances et ses trois talismans. Il connaît encore un endroit où il pourra dormir au près d’un feu. Les « camps » confortables se feraient alors plus rares au fur et à mesure de son avancée vers la source de la terreur.

Un vent glacial se lève et le grand guerrier a de grandes peines à allumer un feu qui pourrait davantage le rassurer que le réchauffer. Bien qu’il porte Britz en lui et sur lui désormais, il repense à la cérémonie qui l’avait baptisé et donner sa force. Ce n’était pas la première fois qu’il perdait un chien dans un combat mais alors il était entouré d’autres guerriers et de bien d’autres chiens, et la fête qu’il faisait au sortir de la chasse était un bel hommage au combattant disparu. Mais ici, nul fête, seulement les étoiles, et l’horizon rehaussé d’un rougeoiement sans chaleur qui couvrait la plaine et donnait cette impression que la terre se finissait brutalement à quelques centaines de pas. Le grand guerrier assis en tailleur devant le feu qui fumait plus qu’il ne brûlait, se demandait comment se portait le village, et si sa bien-aimée se trouvait bien là-haut parmi ces feux célestes.

 

Au village, le funeste, le mal, la peur rodent. Ils se glissent dans le vent et passent entre les tentes, dansant quelque farandole nocturne de mauvais augure. Ils se mélangent et densifient l’air au point de le rendre presque palpable. Quiconque pourrait mettre sa main à ce moment-là aurai l’impression de toucher une de ces méduses répandues sur la grève les jours de marées basses, visqueuse et gelée. Entre deux replis, on peut distinguer un berceau gazouillant de vie. Il n’aime pas du tout ça, trop de bruit inutile, le bruit du sang est bien plus significatif, seul le sang a la solution de toutes les énigmes. Il a moins de sang qu’un adulte mais s’amuser avec lui sera tout aussi jouissif… Il n’est pas facile de dépecer un homme âgé ou même une femme dans la fleur de l’âge. Un petit enfant doit avoir cette tendresse que lui confèrent des muscles tout neufs. Son charmant sourire, ses deux petits yeux curieux qu’il pourrait effacer, tordre, déchirer. Il n’a pas beaucoup de temps contrairement aux deux dernières fois… Si les parents revenaient, il ne pourrait faire face, il n’est pas assez fort et il n’aime pas laisser un travail inachevé. Il s’approche tout doucement…se saisit de l’enfant âgé de quelques mois, le regarde dans les yeux, lui dit tout doucement, bavant d’appétit, « J’ai envie de jouer avec toi ». Il plonge alors ses longs doigts dans les yeux de sa victime tandis que l’autre main étrangle le moindre son qui pourrait sortir de ce petit être. Il a serré trop fort, le jouet est déjà cassé. Il continue néanmoins, déchirant de ses dents toute partie charnue. Aucune ne résiste. Il compte néanmoins le nombre de tour qu’il peut faire à la tête avant que celle-ci se décroche du corps de l’innocent… un peu plus de quatre. Un mal encore plus sombre s’abat alors sur le cadavre de l’enfant.

 

C’est au milieu de la nuit que les parents découvrent la mort de leur enfant. Ils avaient quitté la tente pour un peu d’intimité ne gênant alors pas l’enfant dans son sommeil…Le père n’émit aucun son, il sombra dans un état catatonique dont il ne se remit jamais. La mère hurla. Le village la retrouva baignant dans le sang de son enfant, cherchant à « recoller » les morceaux de son enfant. Elle était elle aussi, perdue à jamais…Sa sœur s’occuperait d’elle jusqu’à restant de ces jours. Le chef appela au calme tandis que la tente brûlait déjà. « Ne restez jamais seul, rassemblons nous, soyons unis plus que jamais. » Exhortait-il. « Il semble ne s’en prendre qu’aux personnes seules. Ne sachant pas ce qu’il est, évitons de se retrouver seul. Je sais que le grand guerrier est sur le bon chemin, il trouvera la voie de notre salut »

Son fils, s’éleva parmi la foule et rejoignit son père. Il tint ce discours. «  Notre peuple se meurt, ne voyez vous pas ? Ce sont toutes nos traditions, nos valeurs, nos symboles qui sont détruits. D’abord, notre future mariée, notre chef spirituel, notre avenir en s’en prenant au plus frêle de notre peuple. Cet endroit est maudit. Il faut le quitter. Rien ne peut plus nous sauver de ce désastre. Il nous faut partir au sud rejoindre une tribu plus forte qui saura se défendre contre le mal que nous subissons. »

« Mes frères, mes sœurs, mes enfants, c’est maintenant que nous devons faire preuve d’unité, en ces moments de trouble. Nous séparer ne nous rendrait que plus faible » reprit le chef.

La tribu entière s’était mise à murmurer. « Il faut partir, le fils a raison ». « Nous nous sommes sortis de bien des problèmes auparavant, la famine, la maladie c’est ensemble que nous nous en sortirons ». Et d’autres voix s’élevaient plus indécises quant au choix qui leur incombait…

« Mon fils, je n’ai pas le droit de t’obliger de me suivre. Je sais que ton souhait était de fonder ta propre tribu mais que ce temps viendrait en des jours plus heureux. Mais soit, que ceux qui veulent suivre mon fils se présentent à ses cotés. Ceux qui veulent attendre le retour du grand guerrier, fédéré comme un seul homme, reste auprès du mien. »

C’est dans le cœur de cette nuit que le village se scinda en deux. Cette nuit serait la dernière qu’il passerait ensemble sous le signe du deuil et de la perte d’être chers. Le chef embrassa son fils une dernière fois, certaines mères leurs enfants. Ils ne se reverraient sans doute pas avant de nombreuses années dans le meilleur des cas… Ils s’échangèrent alors des charmes de protection contre ceux de l’œil vrai pour qu’ils ne se perdent pas. Le fils du chef parti plein sud, gagnant des contrées plus clémentes, plus giboyeuses, plus riches… La grande majorité des jeunes partiraient avec lui, préférant partir un avenir de conquête même à l’ombre d’une tribu aux cultures différentes plutôt que subir quelque mal sans origine, incompréhensible…

Le grand guerrier dormit mal en dépit de ses charmes, Aurtil, Barle et Crul, de ses trois lances, Arche Branche et Creuse, de ses trois chiens, Algard, Britz dont l’esprit est sur lui et Curnain. Il se lève, et repart vers le nord. Ses pas forment de petits tourbillons, la poussière de glace glisse et se collent sur ses guêtres. Tout est blanc, ses chiens eux même au pelage noir et roux sont comme prématurément vieillit par le grésille. Un vent se lève, il vient du sud et donne l’illusion d’une certaine chaleur. Il marche ainsi jusqu’à une heure avancée de l’après-midi. Il découvre alors mêlée à la couche de givre, une terre étrangère, noire et salissante à l’odeur de cendres, cela ne lui rappelle que trop le bûcher funéraire de sa promise. Une colonne de fumée monte de l’horizon sans doute à une journée de marche environ…Qui peut vivre ainsi reculé alors que l’hiver arrive à grand pas ? Il espère secrètement pourvoir gagner les faveurs d’un feu, d’une hospitalité et d’un peu de conversation...

Le village s’est réuni. Il a formé à l’aide des barrières d’enclos une enceinte plus prévenante et rassurante que défensive. Il a réunit également toutes les tentes afin d’en constituer une grande où tout le monde pourrait vivre ensemble. Les feux de camps seraient formés tout aux alentours suffisamment loin pour éviter que quelques braises envolées par le vent mettent le feu à tout l’édifice. Un seul foyer central pour la cuisine serait nourrit par les brandons apportés prudemment des feux extérieurs. Le mot d’ordre est de ne laisser personne hors de vue ne serait-ce que quelques secondes…

Le nouveau village marche vers le sud, le fils du chef en tête. Ils ont pris avec eux quelques animaux, quelques peaux des précédentes chasses afin d’être accepter par la prochaine horde qu’ils rencontreraient de manière plus aisée. Ils ont laissé la plupart des animaux à leurs parents qui subiraient le froid et l’absence d’une chasse efficace. La marche est triste, ils laissent derrière eux leur famille, leur ancêtre ainsi que leur culture, leurs traditions et leurs histoires. Se faire accepter par une nouvelle horde passerait par renier leurs animaux tutélaires, leurs histoires, leurs noms. Ils devraient tout donner pour tout réapprendre à nouveau. Mais c’est le prix pour rester en vie. Ce voyage devrait être vécu par tous comme un pèlerinage où ils commenceraient à se déposséder des valeurs du cœur, des valeurs de l’esprit avant les valeurs du corps.

Que faire ? Ils s’étaient réunis, la peur sourdait derrière chaque visage, ils se tenaient serrés les uns contre les autres, ne laissant échapper le moindre courant d’air… Il tournait en rond… Personne de seul, personne de libre… Même les animaux étaient trop bien gardés. De toute façon, les bêtes le sentaient venir de trop loin. Il n’aurait pas le temps de les approcher sans que l’une d’entre elles alarme les autres et donc les gardiens du troupeau. Il pourrait suivre les jeunes partis en quête de chaleur. Ils avaient peur aussi mais ils fuyaient. Il pourrait toujours se nourrir de cette peur et faire ainsi un bon repas. Il avait grand faim. Il ne parvenait pas en dépit de ses chasses précédentes à se rassasier. Il devait trouver d’autres moyen, un par un n’allait pas assez vite… La peur se nourrit de la peur qu’elle donne…et se faisant, la nourrit tout autant. Ils étaient partis au matin, ils ne devraient pas être bien loin encore…

 

Le grand guerrier se leva et parti dans la direction du panache qui ne voyait distinctement sur le fond d’un bleu azuré infini. Il mit moins longtemps que prévu à arriver en vue du phénomène. Une légère concavité altérait la perspective. Il ne s’agissait pas d’un signe humain. La terre était noircit sur le pourtour et jurait sur la blanche étendue de neige. Au centre, un peu comme un foyer, une légère incandescence laissait échapper ce panache. Il s’en approcha prudemment, appelant ses chiens à rester à ses cotés, il ne voulait pas les voir aller trop vivement près de cet étrange objet.  La terre était chaude sous ses pas. Une neige légère et noire se collait à lui et coloriait le moindre espace blanc. Ses chiens eux-mêmes, devenaient méconnaissables sous cette tempête de cendres. Il ne put guère s’approcher à plus de quelques mètres de distance de l’objet brûlant, tant la chaleur était vive. Algard et Curnain grognaient méchamment en face de cette pierre incandescente. Ils n’aimaient ni les cendres qui leur courraient devant les yeux, ni la source de cette chaleur surnaturelle. Ils leur étaient arrivés lors des chasses de trouver des pierres de nuit comme ils appelaient du fait de leur origine. Elles venaient du plus haut du ciel,  Ils les voyaient illuminer la nuit et tomber parfois à l’horizon. Ils retrouvaient alors de temps en temps de petites pierres noires encore chaudes. Cette pierre était sans doute la plus grosse qu’il n’ait jamais vu. Etait-ce la source du mal, ou bien juste une preuve qu’il était bien là ? Pour savoir où il devait aller, il ne voyait qu’une chose à faire. Faire appel aux esprits encore une fois, danser le chant interdit. Il choisit Arche et Creuse, laissant Branche aux cotés de Britz. Seul Algard et Curnain pourraient les retrouver. Avec Branche, il déposa Barle, son talisman contre le mauvais choix.  Britz n’étant plus, il ne pouvait utiliser la force des trois pour les rites sacrés. La rupture de la règle de trois engendrerait des perturbations mystiques comme lui avait expliqué le shaman de son village.

Il chanta encore, les grelots accrochés aux chevilles et aux poignets, Arche en main gauche, Creuse en main droite, il tournoya jusqu’à n’avoir dans la tête que les souvenirs perdus des tambours de son village, des rires des enfants courant entre les tentes. En se propulsant hors de lui dans un ultime souffle, il lança alors Arche et Creuse. Il tomba alors au sol étourdit dans le centimètre de cendres noirs qui couvrait l’espace. C’est Algard qui le réveilla avec force démonstration baveuse. Il avait bien du se passer quelques heures. Il reprit Branche et Barle et siffla les chiens pour retrouver ses lances. Ils regardèrent le grand guerrier et se lancèrent l’un après l’autre vers le cratère d’où ne s’échappait plus qu’une fine volute. Le grand guerrier pris peur, il hurla mais les chiens étaient déjà loin et n’étaient plus qu’à quelques mètres. Ils sautèrent par-dessus le cratère, il ne les voyait plus caché par le renflement de la pierre. Il courut… dix mètres avant ce caillou noir comme la nuit. Il commença à ressentir la chaleur de plus en plus forte. Et bien qu’il voie ce qui se trouvait derrière, aucune trace des chiens. Cinq mètres, il pria, ferma les yeux et cria sur les derniers mètres. Il ne savait plus ce qu’il faisait. La chaleur était terrible, il sentait ses poils roussir, le cuir de ses vêtements se serrer contre lui. Sa plante des pieds brûlaient. Ses cheveux devaient fumer pour sentir aussi mauvais, ce furent les cinq mètres les plus long de sa vie…Et sur la plaine noircit, il se désintégra…ajoutant aux cendres tournoyantes, une dernière odeur du grand guerrier…

 

 

  

 

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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 15:59

Chapitre IV :

Les premières pensées de Gorth furent pour ses compagnons de voyage qu’il avait vu mourir devant ses yeux sans qu’il puisse faire un seul geste. Il se demandait à quelle destinée le conviait Tamal’hik. Devrait-il repartir en quête de ses amis, Arangadir, Arban, Hirjile, Rebus ? Tous venaient de peuples différents de croyances différentes et les vélins découverts par Hirjile laissait penser, par les quelques heures d’études, que ceux qui les avait écrits étaient aussi hétéroclites qu’eux. Le talisman maintenant ancré dans ses chairs est sans doute une de ces clefs pour l’ailleurs : autre lieu, autre temps. Il devait exister bien d’autres pierres de pouvoir que celle bien gardées par mon peuple. Il était alors possible, qu’ainsi chacun des peuples représentés ses amis avait ce genre de portes sacrées.

C’est Arangadir de Ploie, qu’il avait rencontré en premier avec deux autres personnes qui n’avaient pas eu la chance de survivre à la tempête « magique » du désert, Gur’al de la presqu’il de Thur et Canonis le Guelte. Etant revenu dans le passé, il lui serait peut-être possible en agissant de la même manière de les protéger, même si cela voulait dire revoir le visage de leur meurtrier, ce Kiet’al qui avait bien des connaissances, magiques en tout cas. En suivant l’histoire normal, il devrait pouvoir revoir Hirjile l’historien qui pourrait bien l’aiguiller sur ses hypothèses, puis Rebus au camp de l’empereur, et enfin le chevalier Arban d’Orignal le bienheureux. Mais était-ce le bon choix ?

Il demandait aux infirmiers où étaient ses affaires. Il fut surpris de les retrouver, outre le vieil uniforme qu’ils lui avaient déjà donné à l’époque, il retrouvait le jeu de runes qu’il avait taillé au camp de fouilles.

            « Tu te souviens de ce qu’il s’est passé ? lui demanda Darrault, l’infirmier

            _ Pas la moindre chose, j’étais dans une formation d’éclaireur. Je me souviens, il y a eu une tempête de sable très violente, je ne sais pas ce qu’il s’est passé… mentit-il.

            _ Ce n’est pas la première fois que ce genre de chose arrive, pour une fois, on a retrouvé quelqu’un et quelqu’un de vivant. Ce désert est une plaie, à part les échos des batailles, nous n’en savons guère plus. Les gens disparaissent. Et puis comme pour compenser, une nouvelle clique de bleus vient équilibrer la population du camp. Je vais te dire de toi à moi, que je me sens presque chanceux à ne pas devoir jouer le mariole dans le désert.

            _ Je vais tâcher de retrouver quelques compagnons maintenant.

            _ Tu fais bien, j’espère que tu auras un peu de répit avant ta nouvelle affectation. »

Retrouvé avec son uniforme, il avait tout de suite été affilié à l’armée de l’empereur sans plus de questions. Il pourrait agir plus librement, peut être… Il se souvenait qu’Hirjile, leur avait parlé d’un prévoyant, une sorte de personne dont le pouvoir était de ressentir celui des autres.  C’est par lui qu’ils avaient été sélectionnés pour aller au camp de fouilles.

Peut être qu’un lancé de runes éclairerait sa situation. Il trouva un endroit entre deux tentes, à l’abri des regards, qui n’avait pas servi non plus de dépotoir ou de latrines, ils étaient bien rares. Il traça un cercle par la pointe de sa botte. Pris ses pierres et les lança  à la hauteur de ces yeux. Trois restèrent dans le cercle dessinant un triangle isocèle, la quatrième resta à la frontière dessinant un autre triangle isocèle. Ce qui était dans le cercle était la vie, l’en-dehors, la mort. La frontière était tout ce que nous percevions lors d’un battement de cil, toujours aux extrémités de notre champ visuel, ce monde de la magie. Il s’agissait aussi de tout le possible, tout le potentiel, chaque action réalisant une partie des désirs et des rêves, rendant l’autre partie comme morte. La frontière, c’était ça aussi, ce monde des rêves.

Avoir une rune à la frontière pouvait tout autant désigner la présence d’une personne en devenir. Gorth se doutait qu’il ne pouvait s’agir que de cette femme qui rayonnait encore par sa présence en son esprit. Les trois autres runes étaient sans doute moins des personnes que des situations. L’axe séparant ces deux triangles appelaient un choix. Aller vers le haut et peut être revoir cette femme. Où aller vers le bas et retrouver son propre temps. Continuer cette quête insensée ou bien le salut dans l’oubli… Ce choix n’en était pas un. Il avait beau être propulsé dans ce nouveau siècle au cœur de conflits improbables, sa voie était celle du guerrier qu’il avait appris à être. Il continuerait sa route. En ramassant ses runes, il se fit appeler par un guerrier qu’il reconnut bien qu’il ne l’est vu que peu de temps. Albur, le compagnon de tente de Kiet’al, le Faucon et de Hurle, le disparu. Ils n’avaient pas mis beaucoup de temps à le retrouver.    

« Et toi, on te demande à la tente du lieutenant. C’est la tente à droite après trois intersections. » Le supérieur était Julieu Farth, un homme émacié autant physiquement que lorsqu’il s’adressait à ses sous-fifres. Il savait être d’un miel fort sucré pour ses supérieurs et s’attirer ainsi quelques privilèges à la foi d’initiative ou simplement de confort. Gorth se présenta donc. Il n’avait guère le choix, le regard acéré d’Albur semblait lui perçer littéralement la nuque. Un garde à la porte lui demanda de patienter. Le lieutenant était en réunion. Une heure plus tard environ, et bien que personne sortit de la tente, il l’invita à entrer et entra à peine le seuil franchi dans le vif du sujet

« Nous te suivons depuis que tu es arrivé au camp… Il y a quelque chose en toi que nous ne savons définir avec exactitude. En tout cas, tu vaux bien mieux que la grande majorité des gens ici. Tu pourrais très vite prendre du galon dans quelque mission secrète…Il y a du danger, bien sur mais à voir ta carrure, on voit tout de suite que tu n’es pas un bleu. Qui tu es ou étais, ce que tu as fait n’ont aucune importance ici. C’est ce que tu vas faire pour nous à partir de maintenant qui compte. Le lieutenant se promenait de long en large sans daigner un seul regard à Gorth pendant qu’il parlait de sa voix, légèrement sifflante.

_ Bien, dit calmement Gorth afin d’amener le lieutenant à quelques confidences plus précises

_ Bien sur, il y aura davantage de danger que lors d’une simple garde au camp. Il s’agit tout simplement d’une troupe d’éclaireur vers un camp avancé dans le désert. Quelques rapports montrent en effet une activité d’ordre magique hors du commun. Julieu se tourna d’un geste vers lui, le regard plongé dans celui de Gorth, interrogatif de la réponse.

_ Quand dois-je partir ? Demanda Gorth voyant la chance de rejoindre Hirjile, s’il s’agissait du même camp bien sur…

_ Le plus tôt possible, nous attendions ta sortie de l’infirmerie pour te missionner. Il y aura avec toi, quelques personnes dévolues à la cause. Nous nous doutons que tu as des compagnons avec qui tu souhaiterais partir. Mais cette mission ne doit pas servir les ragots des soldats. Le moral n’est déjà pas très bon comme tu l’as sans doute remarqué. »

Cette dernière annonce plus humaine était surprenante et ne convenait pas au caractère bien compris par son entourage. Gorth se doutait déjà que Kiet’al le faucon serait de la partie. Son amulette bien que physiquement dissimulée en ses chairs devait sans doute avoir une quelconque émanation magique suffisamment particulière pour être remarquée.

Ils partirent donc dans la foulée. Au sortir de la tente, ses compagnons, Kiet’al et deux autres soldats de la Dualité, l’attendaient déjà chargé d’un paquetage et d’un supplémentaire pour lui-même.  Ils partirent vers la fin de l’après-midi, le temps était propice à une bonne marche : les organismes étant au fort de leur forme. Une bonne nuit de sommeil les attendaient afin de rejoindre le camp dont Hirjile dirigeait les fouilles vers la fin de matinée si tout se passait bien. Gorth se rendit compte qu’ils y arriveraient avec un jour d’avance par rapport à la dernière fois.

Environ une heure de marche avant le camp. Kiet’al tint ce discours.

 « Bon, les gars, on est pas là pour se tourner les pouces. On vous a vendu une mission d’éclaireur. C’est plutôt une sorte d’épuration, de tri, si vous voulez, que nous allons lancer. Nous forçons personne. Si vous ne voulez pas en faire parti. Ce n’est pas un problème, il est libre de rentrer au camp. Des dispositions sont prises spécialement pour que vous n’ayez pas à souffrir d’un quelconque déshonneur. Des désistements avant que je continue ? Kiet’al attendit une dizaine de seconde avant de continuer. Personne ne voulait rentrer seul au camp traversant une autre journée de marche en plein désert. De plus, les réserves d’eau avait été calculé au plus juste de manière à les remplir une fois le camp atteint.

Bien, reprit le Faucon, voilà ce qu’il en est exactement. Nous cherchons des résistances magiques naturelles. Pour cela, sous le couvert d’un enchantement de mon jus, nous lancerons une tempête magique plutôt spéciale car quiconque n’aura pas de protection adéquat périra en moins d’une seconde comme carbonisé. J’ai besoin de vous pour placer des charges aux quatre coins du camp. Se faisant, il s’accroupit afin de dessiner  avec le doigt, le plan de bataille ; même s’il ne s’agit pas réellement d’une bataille…désignant l’emplacement des tentes, et surtout l’endroit où nous nous posterons pour lancer l’attaque qui devra être très coordonnée. Nous ne devons pas nous faire remarquer par qui que ce soit. Pour se faire, nous attaquerons en pleine nuit. Il n’y a guère que quelques sentinelles pour en assurer la protection. Quelques charmes mineurs de confusion, garantira une certaine invisibilité. Cela ne veut pas dire que vous serez invisibles, seulement que les personnes oublieront aussitôt vous avoir vu même si vous restez en face d’eux. Cela dit, le charme fatiguera très vite. Je vous conseille de pas vouloir la jouer trop téméraire. Un pauv’ gars, Hirjile, est en charge ici. Hormis l’explosion du camp, Hirjile doit pouvoir rester en vie. Il a des instructions pour ce genre de situations prévues spécialement à cet effet. Vous avez des questions ? Demanda-t-il.

_ Quand aura lieu l’attaque ? Demanda un des soldats ?

_ Dans la nuit de demain. Un groupe devrait arriver dans la journée. Nous surveillerons le camp de derrière cette dune. Kiet’al désigna une dune placé derrière le camp. Nous allons le contourner et camperons pour la nuit. »

Ils attendirent. Le lendemain vers la fin de matinée, un groupe de cinq personnes arriva. Il devait y avoir : Arangadir, qui perdrait un œil, Gur’al de Thur et  Canonis le Guelte qui mourraient si rien n’était fait pour les prévenir...mais comment faire sans que sa propre vie ne soit pas en danger? Ils attendirent encore. C’est vers le milieu de la nuit que Kiet’al leur donna leurs charmes, les dernières instructions et surtout les mystérieux explosifs. Tout s’était déjà passé une fois…Il était néanmoins de l’autre coté du mystère. Ce que croyait Hirjile n’était encore qu’une fable de l’empereur. Gorth commençait à se demander si menteur n’était pas le terme le plus approprié pour désigner ce demi-dieu comme il aimait se faire désigner. Ils se lancèrent dans la nuit vers le camp pauvrement éclairé par un seul feu dévalant la pente sans prendre garde où ils mettaient les pieds. A l’approche de la première tente, ils se séparèrent pour disposer les charges. Ils auraient alors quelques dizaines de secondes pour fuir et se regrouper autour de Kiet’al qui porte un charme de protection supérieur. L’ignorance de Kiet’al au sujet de Gorth est sa meilleure protection bien que venant de Kiet’al, il faut s’attendre à tout. Gorth ne rencontrait personne. Il avait décidé de gagner directement la tente d’Arangadir. Peut être que son amulette le protégerait également s’il était suffisamment proche de lui… A moins de retrouver rapidement son bivouac, il n’aurait pas le temps de lui expliquer. Traversant le camp, il vit un furtif combat entre un des soldats de Kiet’al et un de faction à la périphérie du camp…Il trouva Canonis et Gur’al dans une tente  à l’autre extrémité du camp, là où il aurait du poser sa propre charge. Il les réveilla sans ménagement leur intimant d’aller trouver Arangadir et de se protéger par un sceau dont il avait connaissance. Ils réagirent très rapidement, soit par le ton impérieux de sa voix et la connaissance parcellaire du corps de l’expédition, soit parce qu’ils le prenaient pour un autre. Alors qu’il quittait leur tente, une première explosion de l’autre coté survint. Il savait que dix secondes plus tard, il ne resterait que des os noircis au milieu de cendres et de quelques pierres fondues. Il s’éloigna le plus possible du camp, il n’eut guère le temps que de parcourir quelques dizaines de mètres, ses pieds s’enfonçant dans le sable jusqu’à la cheville. Il se retourna alors pour voir l’explosion du à la seule qui avait du être posée. Il n’y avait rien de commun avec ce qu’il en avait entendu lors des veillées avec les marchands du village. Il y eut d’abord comme une boule rouge partie du centre du camp qui s’étendit en un disque sur tout son diamètre. Toute l’énergie semblait se concentrer à la périphérie, si bien, que ce ne fut qu’un anneau et finalement qu’un cercle sans épaisseur disparissant dans la nuit. Laissant sur la rétine, un halo lumineux rouge pointillé de blanc. Avec cette explosion lumineuse, un bruit sourd enveloppa ses oreilles, ressemblant à quelque chant shamanique. Mais au fur et à mesure de la progression du souffle, le son devenait de plus en plus aigu, suivant une modulation très précise. Tout cela n’avait duré qu’un bref instant.

Que faire ? Il est possible que Kiet’al soit au camp jouant les protecteurs, vérifiant que nous soyons tous morts, les deux soldats et moi. Je ne le vois pas avoir confiance en qui que ce soit. Dans ce cas, Gur’al et Canonis et par conséquent Arangadir aurait une histoire quelque peu troublante à lui raconter. Ou bien il restait loin pour observer qui avait survécu, et comprendre pourquoi des trois charges, une seule avait réellement fonctionnée. La première explosion devait heureusement être un raté…

Gorth attendit un peu tapis dans l’ombre en retrait du camp et observer de même. Il vit Hirjile sortit tremblant de sa tente. Arangadir accompagné de deux personnes et bien qu’il ne put distinguer leurs visages, il se doutait bien qu’il s’agissait de Gur’al et Canonis. Kiet’al restait absent. Il pouvait être parti pour le camp de l’empereur annoncé la nouvelle ou ce qui lui ressemblait bien davantage, attendre que nous nous y présentions pour mieux nous cueillir. Hirjile devrait réagir comme la première fois.

Gorth décida, d’avancer vers le camp de l’empereur, il avait un chameau à retrouver, et il devait également permettre à Rebus de se sortir de ses griffes. Il ne parviendrait à rien seul, mais mieux valait avoir de l’avance et tenter de rentrer au camp avec eux que connaître le risque de rencontrer Kiet’al. Il partit donc la nuit même et les attendrait dès que la pointe du jour se lèvera. 

 

 

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